MG METRO 6R4 Clubman (1986)
DERNIER METRO POUR LE GROUPE B
Avec une pointe d'humour, on peut dire que la "métro" a loupé le "train" du groupe B... En effet, Leyland ne put s'engager réellement dans le championnat mondial des rallyes après que la FISA ait brutalement signé son arrêt de mort en 1986. Ainsi, au terme de 5 années de développement, la MG Metro 6R4, n'aura pas eu le temps de briller malgré des débuts prometteurs. Restent les collectionneurs pour entretenir la mémoire de ce montre sacré...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
En Novembre 1980, la British Leyland retire des rallies internationaux sa Triumph TR7 V8 (ou TR8). L'Audi coupé Quattro Sport fixe de nouvelles bases avec ses quatres roues motrices qui la rendent à l'aise sur toutes les surfaces. La Renault 5 Turbo marque également la période par son architecture à moteur central alors indéite en Rallye. Dans l'élan de ces pionniers, de véritables F1 tous terrains vont naître tels que les Lancia Delta S4 et Peugeot 205 Turbo 16, . Les Groupe B autorisent des puissances très élevées et des poids réduits. Ces monstres roulants sont homologuables à la condition de produire au moins 200 exemplaires en 12 mois de la même voiture en version routière. Ensuite, les constructeurs pouvaient imaginer les modèles les plus extrêmes, qui n'avaient d'ailleurs plus grand chose en commun avec les modèles de grande série dont elles s'inspiraient, mais c'était bon pour l'image, très bon même.
A la recherche d'un nouveau souffle pour leurs marques Austin Rover et MG, les dirigeants de la British Leyland confient au département Motorsport, dirigé par le pilote John Davenport et son partenaire d'alors, Patrick Head ingénieur chez Williams, de concevoir une version compétition. Après quelques tentatives à moteur avant et sur base de Maestro, c'est finalement la petite Metro, la remplaçante désignée de la mythique Mini, qui est retenue. Comme le souligne Davenport, une petite voiture rend une petite piste plus large !
20 ans après, les esprits de nombreux passionnés sont toujours marqués par la tragique épopée du Groupe B. Nous nous sommes donc empressés de sauter sur l'occasion de découvrir plus en détail ce véritable vestige du sport automobile lors d'une transaction récente en France. Le modèle présenté ici est l'une des 200 versions route, appellées "Clubman", qui a été habillée comme la 6R4 pilotée par Didier Auriol en championnat de France pour faire la promotion de la marque sur divers salons et show-rooms de l'époque. Ceci explique les seulement 1600 miles qu'elle affiche au compteur !
PRESENTATION
Ebauché chez Williams GP Engineering en 1 an, un premier prototype empruntant des éléments de carrosserie de la petite MG Metro turbo pose les bases de la voiture dès 1981 et obtient instantanément le feu vert de la direction. Au terme d'une mise au point complexe, la voiture définitive est présentée à la presse en février 1984 à Londres. Le 1er Novembre 1985, les 200 exemplaires de route assemblés à l'usine de Longbridge permettent à Rover d'obtenir son homologation pour le Groupe B. Ces Clubman coûtent alors la bagatelle de 40,000 livres (environ 400.000 FF) mais sont vendues comme des véhicules "Ready to Rally". En gros, ajoutez-y et un harnais et un extincteur et vous êtes prêt à prendre le départ d'une spéciale !
Totalement modifiée, la Metro 6R4 (pour 6 cylinder Rally 4wheel drive) n'a plus grand point commun avec le modèle de grande série qui lui sert de base ! Tout juste reconnaît-on les phares et les feux arrière, ainsi que la ligne générale, sous les boursouflures aérodynamiques. Posée sur un empattement allongé de 9 cm, mais toujours très court, la Metro 6R4 ressemble à un Bodybuildeur. Tous les attributs de la voiture de Rallye sont à leur paroxisme, les passages de roues démesurés (+7 cm en largeur) lui donnent une allure impressionnante, comme une F1 qui aurait muté avec la citadine anglaise. A noter que les élargisseurs d'ailes sont en fibre de verre sur les Clubman, et non en Kevlar comme sur les versions course appellées "International" (20 exemplaires produits). La poignée de porte appartient au modèle de grande série.
HABITACLE
On ouvre donc cette portière légère dans un bruit de tôle, aux antipodes des sons feutrés et ouatés des automobiles modernes. Contre toute attente, le siège baquet se montre étonnament très confortable et accueillant. La vraie difficulté étant d'arriver à se glisser dedans. Face à soi, la planche de bord ne fait pas dans la dentelle et rappelle en même temps à quel point le modèle standard était pauvrement fini, et par là même occasion, combien une voiture de compétition se moque de ces considérations ! Le petit volant cuir "confort" à 3 branches est hérité de la MG Metro turbo, ainsi que les intérieurs de portes "luxe" avec leur habillage d'un seul tenant en plastique, leur manivelle et leur vitre en verre. Ces détails, ainsi que les rétroviseurs standards, indiquent qu'il s'agit bien d'une voiture de route. Si, si...
A l'opposé, la console centrale avec son tableau de fusibles et son interrupteur marche/arrêt vous remettent les idées au clair. N'y cherchez donc pas l'autoradio, le GPS ou la commande de clim... Non, vraiment, ces "séries 200" des Groupe B sont des voitures de sport pas comme les autres ! Rarement la frontière entre voiture de course et de route n'aura été aussi mince, sans aucun souci de présentation ou de confort. Ici, pas de luxe ni d'ostentation, c'est du prêt-à-courrir !
MOTEUR
Sous le capot arrière ultra léger, on découvre un V6. L'idée de Davenport était de miser sur une grosse cylindrée atmosphérique, bénéfique à la nervosité, la souplesse, la progressivité et la fiabilité, plutôt que sur un petit moteur suralimenté comme la plupart des concurrents. Après avoir abandonné le V6 Honda, c'est finalement le V8 Rover 3L5 en aluminium, amputé de deux cylindres qui retient les faveurs de l'ingénieur motoriste Cliff Humphreys. Une opération à moindre coût qui n'est pas sans rappeller l'histoire du "fameux" V6 franco-suédois : notre PRV. Le bloc anglais conserve donc son angle d'ouverture à 90° et le fonctionnement bancale et rugueux au ralenti qui caractérise cette architecture. Pour gagner de la place, l'alternateur est installé au centre du V tandis que le radiateur d'eau est renvoyé à l'avant de la voiture. A première vue donc, tout laisse à supposer que le coeur du monstre est de la plus pure race de bête sauvage, prête à arracher la terre de ses quatres roues.
C'est au cours de l'année 1985 que le moteur arrive finalisé sous le code V64V, suite au travail de David Wood, ex-employé de Cosworth. La cylindrée du V6 est de 2991 cm3 et il est désormais coiffé d'une culasse à 4 soupapes par cylindre avec double arbre à cames en tête entrainé par courroie. L'alimentation est assurée par une injection électronique Lucas Micos multi-point commandée par un papillon simple. Le taux de compression est de 12:1. Le V6 anglais développe ainsi dans sa version Clubman 250 ch à environ 7000 tr/mn, contre 410 à 9000 tr/mn sur les Metro 6R4 International. Pas de zone rouge au compte-tours gradué jusqu'à 10, mais un limiteur de régime à 7000 tr/mn sur les versions Clubman. Le couple est quasi constant entre 3000 et le régime maxi, avec un pic de 305 Nm à 5000 tr/mn, pile au centre du cadran.
Avec son moteur séparé des baquets par une simple vitre en plexiglass, la Metro en met plein les oreilles dès le ralenti. Dénué de vrai silencieux d'échappement, le V6 retentit dans tout l'habitacle avec une sonorité peu délicate. La moindre accélération appuyée suffit à lui sortir des trippes des décibels en pagaille, laissant à peine deviner son architecture de 6 cylindres. On imagine ce que devaient endurer les pilotes en maintenant pendant des heures ce moteur dans la plus haute partie du compte-tours...
Les 250 ch se jouent sans mal de la tonne de l'engin, et ce n'est pas peu dire puisque le 0 à 100 est abrégé en bien moins de 5 secondes. On imagine alors la poussé faramineuse que devait procurer la 6R4 International, plus légère de 60 Kg, et capable de jetter l'aiguille de vitesse sur 60 mph (96 km/h) en à peine plus de 3". La boîte de vitesses synchronisée à 5 rapports est réservée à la série 200, le modèle de course ayant une boîte à crabots conçue par Ferguson. L'embrayage à double disque est fourni par AP. En avant de la boîte, un différentiel central à viscocoupleur FF et une boîte de transfert commandent les arbres de transmission avant et arrière, entraînant eux-mêmes les ponts à denture hélicoïdale. Le système est compacte et simple, donc robuste et facile à réparer ou changer lors des épreuves. Malheureusement, tous les efforts et l'énergie mis dans le projet seront compromis lorsqu'Henri Toivinen est victime d'un accident mortel au rallye de Corse 1986. Les Metro 6R4 de route invendues seront alors bradées jusqu'au tiers de leur prix initial, puis reconverties par des teams privées dans différentes utilisations, et notamment en Rallycross. Reste le V6 dont la conception sera ensuite revendue à TWR et trouvera quelques années plus tard un nouvel écrin routier plus séduisant : la Jaguar XJ220...
SUR LA ROUTE
Bien entendu, les points commun au niveau des trains roulants avec la placide MG Metro sont inexistants. Reposant sur une structure tubulaire avec un arceau-cage et devenue quatre roues motrices à moteur central, la MG Metro 6R4 propose une motricité optimale et une tenue de route phénoménale, sur toutes les surfaces. Toutefois, son gabarit compact (la plus courte des Groupe B) lui permet de conserver un comportement vif par une répartition à 35/65% de son couple entre l'avant et l'arrière et une grande facilité de conduite.
La suspension a été réhaussée de 12 cm par d'énormes "boîtes" d'extension visibles sur chaque tête d'amortisseurs. Les suspensions avant et arrière sont à ressorts et amortisseurs à gaz Bilstein, fixés sur des triangles, inversés à l'arrière. Les réglages indépendants des quatres roues se font au niveau des plaques en alliage léger posées sur le haut des boîtes supérieures, selon un principe déjà éprouvé en compétition par Rover. La direction est articulée directement par un pignon sur la colonne de direction, et non assistée.
Côté pneumatiques, la Metro 6R4 utilise des jantes Dymag en alliage de 16" de diamètre, capables d'accueillir en compétition les Michelins TRX les plus avancés de l'époque, dont étaient équipées les Peugeot notamment. Mais notre version Clubman hérite pour sa part de bien plus conventionnels Goodyear F1, dont nous n'irons pas tester les capacités sur terrain boueux ! Le diamètre des disques de freins ventilés, aux quatre roues, a aussi pu être augmenté de 10 à 12", et pincés par des étriers 4 pistons, procurant une capacité de décélération impressionnante compte tenu du faible poids de la voiture.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MG METRO 6R4 Clubman
MOTEURType : 6 cylindres en V à 90°, 24 soupapes
Position : longitudinal central AR
Alimentation : Injection électronique
Cylindrée (cm3) : 2991
Alésage x course (mm) : 92 x 75
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 250 à 7000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 305 à 5000
TRANSMISSION
4WD
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés, étriers 4 pistons
Pneus Av-Ar : 225/45 R 16
POIDS
Données constructeur (kg) : 1040
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,16
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 250
0 à 100 km/h : 4"5
PRIX NEUF (1986) : env. 400.000 FF
COTE (2007) : 40.000 €
NC CV FISCAUX
CONCLUSION
:-) Look bestial Sportive sans concession Moteur fiable et "simple" Performances démoniaques Comportement ultra sportif Pur collector |
:-( Introuvable en France Utilisation restreinte... Prix des pièces Peu de spécialistes pour l'entretien... |
Cette Austin-MG Metro 6R4 aux couleurs du sponsor "33 Export" nous rappelle la gueule de bois que devaient avoir les dirigeants de Leyland au lendemain de l'arrêt du Groupe B des rallyes. Dur retournement de situation pour eux qui avaient misé tant sur cette évolution pour le moins bestiale de la petite Austin Metro. Après avoir courru dans des teams privés sur diverses épreuves, les Groupe B se sont retirées vers les musées, tels des dinosaures du sport automobile. Les "série 200" de ces monstres sacrés peuvent malgré tout encore prendre la route, mais pour le plaisir de quelques heureux propriétaires. Alors, laissons-nous rêver encore un peu en contemplant les formes brutales de cette Metro 6R4...
L'Automobile Sportive remercie chaleureusement Damien pour nous avoir permis de découvrir cette superbe MG Metro 6R4 de passage en France.