RENAULT R5 Turbo / Turbo 2 (1980 - 1986)
FRUIT DE LA PASSION
Nous sommes dans les années 70, Renault a lancé sa R5 qui connait un énorme succès et déjà une version sportive préparée chez Alpine pointe le bout de son nez. Cependant, 2 personnes au sein de la régie imaginent un dérivé pour la compétition, autrement plus radical. L'idée suit son chemin et séduit tour à tour les responsables de la régie. Ainsi démarre le projet 822, plus connu sous le nom de Renault 5 Turbo...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Mathieu BERGER & D.R.
La naissance de la Renault 5 en 1972 est un événement marquant dans l’histoire de Renault. Destinée à un public jeune et féminin, cette citadine stylée va connaître un succès fulgurant. Jusqu’à bouleverser le paysage automobile français. Mais l'arrivée de versions sportives va propulser la petite R5 dans le club très fermé des automobiles mythiques…
Jean Terramorsi (ci-contre) et son adjoint Henry Lherm sont les deux initiateurs du projet R5 Turbo. L'idée d’une voiture vitrine pour dynamiser la gamme des Renault 5 nait au tout début de 1976, dans une confortable Renault 16, un soir, sur le trajet Dieppe-Billancourt. Après leur journée de travail, Terramorsi et Lherm, regagnant leur domicile, discutent à bâtons rompus d'une R5 très spéciale, "qui pourrait briller en compétition, qui complèterait la gamme, et, pourquoi pas, serait équipée d’un turbo", puisque c’est alors le credo de la Régie Renault.
Pour mener à bien leur idée, ils vont donc devoir convaincre les responsables de la régie, dont Bernard Hanon est alors PDG, que le proto qu'ils veulent développer pour la compétition pourrait être adapté à une commercialisation en petite série. Leur premier cahier des charges comprend déjà les grands traits de la future sportive : un moteur turbo en position centrale, de grosses jantes et une carrosserie spectaculaire... tout un programme pour la paisible Renault 5 !
Après le décès brutal de Jean Terramorsi en 1976, le projet 822 se poursuit malgré tout sous la bannière Renault Sport, département compétition de la marque nouvellement créé sur les bases de l'atelier compétition d'Alpine à Dieppe. L’objectif initial de production vise un minimum de 400 exemplaires en un an, imposée par le règlement sportif pour l'homologation en Groupe 4. La principale contrainte est de descendre au minimum du poids autorisé en course dans la classe de cylindrée 2 litres, soit 850 kg, le véhicule de série ne devant pas excéder 950 kg.
Ne bénéficiant pas de budgets suffisants, une toute petite équipe est constituée autour de Gérard Larousse et Bernard Dudot, deux grands noms du monde de la F1. Le cahier des charges affiné prévoit une maniabilité hors pair, une tenue de route efficace et une puissance importante. Pour mieux convaincre la direction, la stratégie originale a cependant été inversée à mesure que le projet prenait forme. En effet, l'équipe élabore désormais une sportive de route qui pourrait, à moindre frais, se muer en véritable bête de compétition. Larousse envisage un prix de vente inférieur à 100 000 FF de l'époque... un rêve abordable pour bien des passionnés de voitures de sport !
PRESENTATION
Marc Deschamps, alors designer chez Renault sous l'autorité de Robert Opron, trace les premiers croquis de la Renault 5 Turbo en 1976. Puis, la création d'un prototype est confiée à la maison Bertone et, plus précisément, au designer Marcello Gandini. Parallèlement, un deuxième prototype est mis à l'étude chez Heuliez, qui devra s'occuper également d'une partie de la production (voir encadré plus bas). En effet, Renault ne dispose pas encore de son propre département pour les petites séries (rôle qui sera attribué au Berex à partir de 1979) et doit sous-traiter plusieurs étapes de la réalisation. Le style final sera peaufiné dans les détails par Yves Legal, le styliste Alpine.
Après un développement rapide, c'est en octobre 1978 que la clientèle découvre, ébahie, à l'occasion du salon de Paris, le premier prototype de la R5 Turbo désignée en interne sous le type usine R8820. Le modèle exposé n'a pas encore de moteur mais dans sa livrée rouge, avec ses extensions plastiques assorties et ses monumentales ailes arrières, cette "super" R5 crée l'événement ! Côté coup de pub, le but est atteint et sa cote de popularité va sérieusement profiter à l'image de marque de Renault, bien au-delà des frontières hexagonales. Le laborieux travail nécessaire à l'aboutissement du modèle définitif de série sera confié à la toute nouvelle entité, filiale de Renault créée en 1979, le Berex. Ce Bureau d’Etudes et de Recherche Exploratoire est basé à Dieppe dans les locaux laissés vacants par Renault Sport, parti à Viry-Châtillon dans l’usine Renault Gordini.
Il faut attendre le salon de Bruxelles en janvier 1980 pour découvrir la version définitive de la Renault 5 Turbo, dotée cette fois de son moteur. Exposée aux côtés de la R5 Alpine Turbo et de la R18 Turbo, elle conforte Renault comme un leader de cette technologie et de la performance. La production démarre le 20 mai 1980, les 200 premiers exemplaires sortant très vite des chaînes pour les besoins de l'homologation. Le choix de couleurs est limité à deux teintes, rouge "Grenade" et le bleu "Olympe", les extensions plastiques sont teintées dans la masse pour être assorties à la carrosserie et de nouvelles jantes bicolores, elles aussi assorties, sont utilisées. Les voitures bleues possèdent également un intérieur rouge et vice versa. La R5 Turbo devient rapidement un symbole sportif, pas seulement en France mais aussi en Europe à travers le monde entier.
PRODUCTION : LA PART D'HEULIEZ
Les caisses de Renault 5 étaient prélevées nues sur les chaînes Renault de Flins, puis acheminées par camion chez Heuliez à Cerizay. Le carrossier se chargeait alors de modifier les passages de roues arrière et d'allonger la caisse de 5 cm. On y ajouait une jupe arrière et une cloison pare-feu. Heuliez avait aussi pour rôle de remplacer la pavillon de toit, les portes et le hayon par de nouveaux éléments en aluminium. Une fois modifiée, la caisse de R5 devenue Turbo reprenait ensuite la direction Flins pour y être finalisée, puis était une nouvelle fois transportée, jusqu'à l'usine Alpine à Dieppe ! Là elle recevait les derniers éléments de sa mutation sur la même chaîne que l'Alpine A310 : ailes avant, ailes arrière et capot en polyester, ensemble moteur-boîte et habillage intérieur. Pour finir, elle y était également mise en peinture. Chacune des voitures faisait enfin l'objet d'un essai sur route dans la campagne normande, puis d'un contrôle qualité.
HABITACLE
L'intérieur de la R5 Turbo fait au premier abord autant sensation que sa ligne bestiale et débridée. Ses formes et ses couleurs étonnent, tout comme la présence du moteur derrière les sièges ! Plus rien à voir avec la 5 GTL de madame... Et pour cause, puisque la Turbo a le privilège de recevoir un intérieur spécifique. Le tableau de bord, la sellerie et l'original volant à 2 branches perpendiculaires ont été dessinés par Bertone. En option, Renault propose peu de choix : Autoradio PO.GO.FM Stéréo + Support HP, lève-vitres électrique, pare-brise chauffant clair, pare-brise feuilleté teinté et vitres teintées et habillage cuir.
Produite à raison de 5 voitures par jour à son démarrage, il faut s'armer de patience en passant commande ! Au niveau du tarif, le cahier des charges n'a pas pu être respecté. La Turbo est vendue près de 150 000 FF, c'est beaucoup et peu à la fois pour ce qui va devenir une des voitures de sport françaises les plus côtées en collection. Et il faut reconnaître que malgré les années, la R5 Turbo conserve un sex appeal très puissant...
CARACTERISTIQUES
RENAULT R5 Turbo / Turbo 2
MOTEUR
Type : 4 en ligne, 8 soupapes
Position : central AR
Alimentation : injection mécanique BOSCH K-Jetronic + turbocompresseur Garett T3 (860 g/cm2) , échangeur air/air
Cylindrée (cm3) : 1397
Alésage x course (mm) : 76x77
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn): 160 à 6000
Couple maxi (Nm à tr/mn): 206 à 3250
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (260)
Pneus Av-Ar : 190/55 HR 340 - 220/55 VR 365
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 970
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,0
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 210
400 m DA : 15"
1000 m DA : 27"8
0 - 100 km/h : 6"9
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 10
PRIX NEUF (1980) : 115.000 FF
COTE (2014) : 50.000 €
PUISSANCE FISCALE : 6 CV
MOTEUR
Pour motoriser la future bombe de la régie, on pensa tout d'abord utiliser le 1600 cm3 des Alpine A110, A310 et autres R12 Gordini et R17 TS. Sur cette base, plusieurs cylindrées et puissances avaient déjà été testée et il était assez facile de gonfler encore le bloc jusqu'à 1800 cm3 pour sortir les 200 chevaux prévus. Le second candidat était le nouveau 2 litres produit pas la Française de Mécanique pour le compte de Peugeot et Renault. Moderne et bien dessiné, il montra vite des inconvénients incontournables et fût recalé. Le troisième moteur en lice était nettement plus gros, puisqu'il s'agissait du récent V6 PRV. On disposait encore d'assez peu de recul sur ce moteur, déjà tout juste satisfaisant pour les voitures de série... Lui non plus ne conviendra pas au « projet 822 ». Restait enfin une quatrième solution pour l'équipe Renault Sport : le moteur 4 cylindres 1400 cm3 type 840-25 de la R5 Alpine...
Le choix de ce moteur, revu par l'équipe de François Castaing, Philippe Chasselut, Serge Massé et Bernard Dudot permet à l'équipe de gagner un temps considérable. Converti sans trop de mal à la suralimentation, il rempli parfaitement les attentes en matière de puissance ! La R5 Turbo aura donc comme base le "Cleon" de la 5 Alpine et qui avec l'aide du turbo développe entre 150 à 160 ch DIN, soit une augmentation de 70% ! L'utilisation d'un bloc de petite cylindrée turbocompressé permettait aussi de garder plus facilement le poids sous la tonne comme prévu.
Le premier prototype roulant, intégralement peint en noir, multiplie les sorties en toute discrétion au printemps 1978 avec Alain Serpaggi et Guy Fréquelin à son volant. De fait, il est impératif de le fiabiliser, en commençant par ses point faibles: culasse et joint renforcés, soupapes avec guides en laiton, manetons, villebrequin, pompe à huile... et remplacement du carbu double corps par une injection mécanique Bosch K-Jetronic. L'allumage est transistorisé et sans rupteur, le taux de compression est réduit à 7:1. Enfin, le turbo retenu pour apporter le souffle requis (à 0,8 bars) est un Garett T3, aidé par un échangeur air/air.
La Renault 30 TX lui lègue sa boîte 5 vitesses dont le 5ème rapport est resseré, mais l'étagement demeure perfectible avec des trous importants entre les rapports. L'examen de passage devant les dirigeants se déroule comme prévu, malgré l'aspect encore très artisanal du prototype. La R5 turbo dépasse largement les 200km/h en pointe et avale le 1000m DA en moins de 28". L'accord est donné, l'aventure peut continuer.
SUR LA ROUTE
Dans le développement de la R5 Turbo, le chassis de base fortement renforcé a été à l'origine de nombreuses solutions techniques d'avant garde. Un temps envisagé, le chassis tubulaire fut finalement abandonné pour des raisons de rentabilité. Afin de ne pas pénaliser le poids comme nous l'avons vu, les ailes et le capot avant sont réalisés en polyester, le toit, les portes et le hayon sont en aluminium, tous ces matériaux sont très peu utilisés à l'époque, car plus couteux et difficiles à travailler que l'acier. L'implantation du moteur à l'arrière n'est pas non plus une partie de plaisir ! L'adaptation des renforts aura nécessité de multiples soudures et collages de tôles en tous genres. Le prototype conserve encore un côté artisanal qui s'éloigne des exigences de la grande série... Pas question de faire trop de "sur mesure" à ce stade. Un maximum de pièces vont devoir être prises dans la banque d'organes de Renault.
Premier problème pour les suspensions, pièces maîtresses du comportement de l'auto qui seront finalement héritées de l'Alpine A310 groupe 4. Le freinage avec ses 4 disques ventilés de grand diamètre provient de la R17 pour l'avant et de l'A310 V6 pour l'arrière.
En plein succès Star Wars, la R5 Turbo garantit elle aussi le grand frisson. En effet, sur la route, la 5 Turbo ne fait pas semblant ! Délivrant, en standard, 160 ch pour 970 kg, elle s'autorise des performances dignes des références de l'époque: 1000m DA en 27"8, 0 à 100 km/h en 6"4, 220 km/h en pointe... Avec en plus, un coup de pied au c... démoniaque lors des accélérations.
Idem pour la conduite. La R5 Turbo met le raffinement de côté. Une fois le petit 1400cm3 démarré, il faut lui laisser le temps de monter tranquillement en température. A ce moment, rien, ou pas grand chose, ne le distingue du bon vieux Cleon qui équipait à l'époque la R5 de Mr Tout-le-monde... Sauf qu'en appuyant plus fermement sur la pédale de droite, une fois passé le cap des 3500 tr/mn on se retrouve catapulté comme dans la guerre des étoiles, en mode hyper propulsion ! Collé au siège, le pilote a d'autres préoccupations que d'essayer de lire ce qu'indiquent la batterie de manomètres au tableau de bord, dont les aiguilles semblent flotter avec une incertitude peu rassurante. Et dire qu'à l'époque on disait avoir réduit au maximum le temps de réponse du turbo ! Il est conseillé de ne pas essayer un moteur turbo actuel après ça, sous peine de s'ennuyer fermement. Autant dire que la bestialité de cette mécanique n'a d'égal que son manque de souplesse. En dessous de 4000 tr/mn, la R5 Turbo se montre en fait plutôt molle. Mais quand la puissance déboule, quelle pêche ! La conduite est comme le fonctionnement du turbocompresseur, du type ON/OFF. Pour la ville, c'est l'enfer. En revanche pour les dépassement sur nationale, c'est top ! La plage d'utilisation optimale du 1.4L se situe en pratique, entre 4000 et 6500 tr/mn, autant dire qu'il s'agit d'un moteur résolument sportif. La boîte n'est pas parfaitement étagée et les trous entre les rapports sont perceptibles. Le comportement routier est totalement bluffant d'efficacité. En revanche, méfiance lors des réaccélérations en sortie de virage sous peine de voir finir votre bel engin dans le décor ! Les limites sont dures à atteindre mais mieux vaut ne pas trop y jouer car les réactions de la bête sont brutales. En tout cas, conduire cette sportive d'anthologie reste un moment inoubliable tant elle vous propulse dans un monde d'émotion pure, mélant nostalgie, collection, compétition et passion.
EVOLUTION
Le millésime 1982 comporte de menus changements dont un échangeur plus performant, des portes en tôle – et non plus en aluminium – et de nouvelles teintes de carrosseries. Des couleurs plus sobres avec boucliers noirs sont proposées : Nacre, Marine, Noir, Argent et Brun. Notons que La Renault 5 Turbo, dite improprement Turbo 1 pour la différencier de la Turbo 2, a été produite jusqu'en septembre 1982.
La seule et unique évolution notable de la R5 Turbo est présentée au salon de Paris en 1982. Baptisée, Renault 5 "Turbo 2", elle répond à des impératifs économiques visant à réduire le coût de production et de vente de ce modèle hors série. Ainsi, pour un prix ramené à 102.000 FF en 1983, on a supprimé le fameux intérieur signé Bertone pour lui substituer celui, plus classique, de la R5 Alpine Turbo. A l'extérieur, les boucliers passent au noir pour toutes les configurations de couleurs de carrosserie. Deux nouveaux coloris sont proposés en 1984 : le blanc et le bordeaux. L'autre modification majeure ne se voit en revanche pas mais les portes et le toit en aluminium ont été remplacées par de l'acier. Renault n'insiste pas vraiment sur la prise de poids de ces modèles qui atteint 30 kg. Les options sont également réduites : Peinture métallisée irisée vernie et lève-vitres électriques.
Pour des raisons d'homologations, 200 R5 Turbo 2 ont été construites à la fin de l'année 1984 bien qu'elles n'aient fait l'objet d'aucune commande des clients. Ces voitures, dénommées "série 8221", avaient pour objet de faire passer la Maxi 5 Turbo dans une catégorie de cylindrée qui l'autorisait à chausser des pneus plus larges. Cette série de voitures possède le pavillon en aluminium et le moteur C7K-700 de 1432 cm3.
LES R5 TURBO COMPETITION-CLIENT
La R5 Turbo type "Cévennes", en référence à la 2e place de Ragnotti-Andrié au rallye du même nom en 1980, est la première version « compétition-client ». Commercialisée en 20 exemplaires par Renault Sport à partir de juin 1981, elle est destinée à courir en FIA Groupe 4. La R5 Turbo Cévennes pouvait être vendue clé en main par les usines de Dieppe, ou s'obtenir par le montage d'un kit spécifique nécessitant 300 heures de travail. Les modifications portent à la fois sur l'allègement par suppression des insonorisants notamment et le renforcement de la caisse avec un arceau de sécurité 10 points homologué installé d'origine par Renault Sport. On trouve aussi des sièges baquets de type "Stand 21" extra légers, deux harnais, un volant et un moyeu de type "Moto-Lita". Au niveau des trains roulants, les triangles sont rotulés et les suspensions deviennent des combinés ressort-amortisseur double effet, réglables. La barre stabilisatrice avant est d'un diamètre supérieur et les paliers de fixation sont plus rigides. La direction aussi est plus directe et une bague de palier en bronze vient rigidifier l'ensemble, aidé en cela par des biellettes de maintien. Au niveau du groupe motopropulseur, les supports moteurs et supports de boîte sont plus rigides et bien que la puissance reste la même que le véhicule d'origine, un échangeur air/air spécifique permet l'adaptation un kit 185 chevaux commercialisé par Renault Sport, on trouve aussi un doseur et un enrichisseur pleine charge Bosch. La boîte de vitesses reçoit un auto-bloquant Z.F. et une pignonnerie spécifique. Des freins à disques ventilés et percés remplacent les freins ventilés d'origine avec un maître-cylindre spécifique et un répartiteur manuel placé dans l'habitacle. Des modifications électriques sont effectuées pour s'adapter aux spécificités du rallye. Un alternateur et son régulateur de 75 ampères avec son faisceau spécifique remplacent le système d'origine de 50 A pour permettre d'alimenter des quatre phares additionnels, non installés. Un coupe-circuit, un câblage pour pare-brise chauffant et un câblage pour Trip-master sont aussi prévus. En février/ mars 1982, avec le retour d'un Championnat de France mixte (goudron et terre), Renault Sport optimisera la version désormais dénommée “ Cévennes 2 ”, toujours homologuée en groupe 4.
Après sa victoire au Tour de Corse 1982, Renault Sport veut faire bénéficier les clients sportifs de l'expérience acquise au plus haut niveau avec les voitures d'usine, comme cela a été le cas avec les Turbo Cévennes. La Renault 5 Turbo "Tour de Corse" qui leur succède répond à la nouvelle réglementation de la FISA sur le groupe B. Dans la logique de sa politique « compétition-client », Renault Sport vend la voiture clé en main (20 voitures de couleur jaune Renault, les boucliers avant et arrière de couleur blanche) ou commercialise un kit d'adaptation pour les voitures de série. L'arceau de sécurité passe de 10 à 16 points pour un poids total de 930 kg. La Tour de Corse client est aussi destinée à être modifiée pour évoluer vers la définition Maxi Groupe B conforme à la voiture officielle. La carrosserie est rigidifiée et composée d'une monocoque en tôle d'acier. Le moteur reste le bloc 1397 cm3 suralimenté par un turbocompresseur Garrett T3, augmentant la puissance entre 240 et 285 chevaux selon le kit d'équipement (les versions usines au Tour de Corse 1984 ont une puissance de 320 ch) La boîte de vitesses reçoit une pignonnerie rallye à 5 rapports. Les freins sont identiques à ceux de la Cévennes et un répartiteur de freinage manuel est installé dans l'habitacle. Les jantes "Minilite" reçoivent des pneus TRX Michelin.
Alors que les voitures à quatre roues motrices sont intouchables, la Régie veut faire de la Renault Maxi 5 Turbo la plus performante des deux roues motrices sur l'asphalte en changeant de classe de cylindrée. Il faut dire que la nouvelle législation du Groupe B avait fortement pénalisé la Renault 5 Turbo. La refonte est donc totale et, de fait, la Renault 5 Turbo dans son ultime version effectue un véritable bon en avant sur trois axes principaux : moteur, suspensions et aérodynamique. Le moteur de 1527 cm3 délivre 350 ch pour un poids de 905 kg !
ACHETER UNE RENAULT 5 TURBO / TURBO 2
Déjà peu diffusée durant sa carrière, beaucoup d'exemplaires de R5 Turbo ont aussi fini leur vie en compétition. Et c'est bien là le problème ! Aujourd'hui, bien rares sont les Renault 5 Turbo 1 ou Turbo 2 à circuler encore sur nos routes, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la valeur de ces autos a littéralement explosé depuis quelques années. Il y a un peu plus de 10 ans, vous pouviez vous offrir une R5 Turbo 1 en bon état au prix d'une Clio RS1 neuve, soit environ 20.000 €. Aujourd'hui, c'est deux à trois fois plus qu'il faut compter ! Les spéculateurs ont fait leur marché sur l'automobile de collection après la crise de 2008 et la R5 Turbo est tombée, comme d'autres bombinettes Renault célèbres et rares (Alpine A110, R8 Gordini...), sur leur tableau de chasse. Les versions Turbo 2, moins exotiques et plus diffusées, restent logiquement les moins chères, bien que leur cote ait suivi la tendance. Pour des modèles à refaire, cela devient également difficile de trouver des tarifs raisonnables, même les épaves s'échangent à prix d'or. Enfin, les quelques très rares modèles "Cévennes" et "Tour de Corse" sont quasiment introuvables aujourd'hui.
L'entretien, même si les pièces de R5 sont encore (pour la plupart) disponibles Renault, peut devenir prohibitif dès qu'on aborde les éléments spécifiques à la Turbo, notamment sur la T1. Si vous mettez pas la main à la pâte, mécaniquement cela peut encore aller. En revanche, toute réfection de la carrosserie en polyester et en aluminium des Turbo 1 sera très coûteuse car seuls quelques spécialistes reconnus et confirmés sont à même de garantir un travail de qualité. A surveiller : le bon refroidissement du moteur et le joint de culasse, surtout sur les premières Turbo. Le gros T3 n'aime pas les démarrages/arrêts répétés. Il n'est pas rare non plus de voir des durites rendre l'âme en raison de la chaleur intense qui règne dans le compartiment moteur. L'accessibilité mécanique est à ce propos très médiocre. Les jantes alu se piquent facilement et sont difficiles à réparer comme à entretenir. Attention également aux modèles qui ont courus, châssis et moteur sont souvent très fatigués.
PRODUCTION RENAULT 5 Turbo
R5 Turbo 1 (1980-1982) : 1678 exemplaires (dont Cévennes : 20 ex.)
R5
Turbo 2 (1982-1985) : 3167 exemplaires (dont Tour de Corse : 20 ex. et Maxi 5 : 20 exemplaires) + 60 versions course
LA R5 TURBO
EN COMPETITION
La R5 Turbo doit encore convaincre sur le terrain sportif.
Ainsi, elle fait son apparition au tour d'Italie de 1979, conduite par Guy Fréquelin.
La R5 délivre pour l'occasion 260ch à 7000trs/mn pour un poids de
900kg. Autant dire que la bête est prédisposée à des
performances hors du commun. En effet, les premier chronos trahissent la préparation
musclée: le 1000m DA est tapé en moins de 25", la 5 Turbo se
frotte directement aux Lancia Stratos et autres Porsche 935 !!! Prise d'assaut
par la foule, la Renault 5 turbo commence à faire parler d'elle dès
sa première sortie, a tel point que la première spéciale
est annulée à cause de l'emeute provoquée par ce proto Renault
Sport pour le moins original ! Dans la deuxième, Fréquelin s'offre
le 3ème temps scratch, derrière la Stratos et la 935 de 500ch !
C'est à cela que l'on reconnait les grands champions paraît-il...
Fréquelin s'offre le Scratch au Giro, ratrappant, puis dépassant
la Porsche au bout de 10km ! Jean marc Andrié, le copilote, n'en revient
pas ! Les virages s'enchaînent tellement vite qu'il doit anticiper au maximum
la lecture de ses notes ! Par la suite, le moteur montre des signes de faiblesse,
une cale de villebrequin est usée. Mais plus que tout, c'est le comportement
routier exemplaire de la R5 turbo qui laisse présager d'une belle carrière
sportive. Bénéficiant d'une excellente répartition des masses,
la Turbo se plie aux exigences de son pilote. Et même si le temps de réponse
du turbo est assez présent avant 4000 tr/mn, la 5 Turbo associe, tenue
de route, motricité, direction précise et maniabilité, freinage
et puissance. Autant de qualités qui manquaient à la R5 Alpine groupe
2. Fréquelin, alors intérrogé, pensait à juste titre
que la technologie turbo avait de beaux jours devant elle en rallye, au contraire
des moteurs atmos qui étaient plus limités en potentiel de développement.
La saison 1985 voit entrer en scène la Maxi. Cet ultime développement ne fut fait que dans l’unique but de contrer les meilleures Groupe B sur asphalte, où la maniabilité prime. En fait, elle ne fut construite que pour le Tour de Corse. Épreuve qu’elle remporta. Ne pouvant pas prétendre posséder la meilleure voiture de rallye Groupe B, et pour cause, Renault clama que la Maxi 5 Turbo était la 2 roues motrices la plus rapide du plateau du Championnat du Monde sur asphalte. Qu’est-ce que c’est que la communication tout de même…ou comment faire passer une lacune pour une qualité. Le slogan aurait pu être réutilisé l’année d’après, la Maxi se classant seconde dans l’épreuve corse tragique (Henri Toïvonen et Sergio Cresto sont morts dans les flammes et leur Lancia Delta S4) derrière une 4 roues motrices, la 205 T16 Evolution 2.
PRINCIPALES VICTOIRES DE LA RENAULT 5 TURBO
Championnat de France des rallyes : 1980 (Ragnotti-Andrié), 1981 (Saby-Sappey), 1982 (Thérier-Vial), 1984 (Ragnotti-Thimonier)
Rallye Monte Carlo : 1981 (Ragnotti-Andrié),
Tour de Corse : 1982 (Ragnotti-Thimonier), 1985 (Ragnotti-Thimonier)
Rallye des 1000 Pistes : 1982 (Thérier-Vial)
Tour de France automobile : 1984 (Ragnotti-Thimonier)
Titres nationaux : Championnat de Hongrie des rallyes 1981, 1982 (Ferjancz-Tandari), Championnat d'Espagne des rallyes (Ortiz, copilotes Mínguez et Cabal)
COUPE D'EUROPE RENAULT 5 TURBO (1981-1984)
Cette Coupe organisée par le Service Promotion de Renault est la toute première formule monotype à turbo et elle connaît immédiatement un succès énorme. En effet, richement dotée, elle est souvent disputée en lever de rideau des Grands Prix de Formule 1, ou des 24 Heures du Mans. De plus, elle séduit des pilotes de renom, comme Jean Ragnotti, cumulant les succès sur circuit et sur rallye, ou Jan Lammers, l'ex-pilote de Formule 1, en 1983-1984. C'est en 1981, à Hockenheim, qu'est donné le coup d'envoi de la première Coupe d'Europe Renault 5 Turbo Elf. Les véhicules de compétition sont des Renault 5 Turbo d'origine R8220 sur lesquelles sont adaptés les accessoires classiques (mais obligatoires) de sécurité comme un arceau, un harnais, un extincteur, ou un coupe-circuit… Au fil des ans, l'esprit de cette réglementation technique ne subit aucun changement radical, excepté un système de condamnation du système de réglage de la pression turbo, afin d'éviter toute tricherie. La saison 1983 a tout de même cette particularité de voir s'affronter des Turbo 1 et des Turbo 2.
RENAULT 5 TURBO PRODUCTION
Grâce à une grande liberté de la réglementation technique, la “Production” fut créée pour être une formule spectaculaire des circuits. Les voitures devaient être néanmoins dérivées d'un modèle en production régulière. C'est pourquoi Patrick Landon, en charge du projet dès fin 1984, réalisa rapidement une voiture plus proche de la Renault 5 Turbo 2 que de la Maxi 5 Turbo. Dès 1985, une R5 Turbo "Production" forte de 370 ch avec son 1419 cm3 suralimenté, pour un poids de 1060 kg, remporta un certain succès entre les mains de Jean-Louis Bousquet, qui récidiva l’année suivante en terminant 4e du championnat. Avec deux victoires, il permit à Renault de s'adjuger la seconde place au classement constructeurs avec l'aide de Jean Ragnotti. Pour 1987, trois voitures furent préparées (Bousquet, Ragnotti, Comas) et redéfinies pour de plus de stabilité. Cette voiture encore mieux affûtée remporta avec Erik Comas le championnat de Superproduction, les Renault franchissant 6 fois en tête la ligne d’arrivée. Elle sera produite à 6 exemplaires seulement.
RENAULT LE CAR TURBO IMSA
En 1976, Renault qui a encore des intérêts aux USA décide d'y promouvoir sa "Le Car", version locale de la 5, via une version Turbo adaptée à la future coupe pour les « compactes » du championnat IMSA GT. Renault s'engage officiellement en catégorie GTU (le U signifiant "Under 2.5L") et recrute comme pilote le responsable de Renault USA, Patrick Jacquemart. En 1981, il prend le départ au volant se retrouve au volant d’une Renault 5 Turbo 2, proche esthétiquement et techniquement des Maxi 5 Turbo de rallye. Les premières courses se soldent par deux abandons puis une fin tragique pour Jacquemart qui sort violemment lors des essais à Mid-Ohio et meurt sur le coup. Ca sera la fin de la Le Car officielle. Mais l’IMSA organisera ensuite une coupe Renault Le Car et en 1984, Renault décide de ne plus importer la Le Car.
LIVRE : "Renault 5 Turbo : L'enfant terrible de la régie" (2010)
Paru aux Editions ETAI, ce livre de de Xavier Chauvin (Auteur), Bernard Canonne (Photographies), François Chatriot (Préface) retrace l'épopée de la R5 Turbo. De sa présentation au salon de Paris 1978 à ses exploits aux mains de pilotes non moins légendaires, tels Jean Ragnofti, Jean-Luc Thérier, Bruno Saby ou François Chatriot, qui vont la mener maintes et maintes fois à la victoire, les auteurs ont voulu rendre hommage à cette icône du sport automobile français à l'occasion de son 30ème anniversaire.
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A LIRE : "Renault Sport, Les extraordinaires" (2020)
Après avoir traité en détail la saga des Mégane RS et Clio RS, Maxime Joly boucle sa trilogie consacrée à l'univers Renault Sport avec un 3ème ouvrage dédié au reste de la production. Outre les emblématiques Renault 5 Turbo, Clio V6 et Spider présentes sur la couverture, on y trouve tous les modèles sportifs de la régie qui ont su marquer leur époque, de 1980 à 2020.
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MINIATURES : Renault 5 Turbo
Des miniatures de Renault 5 Turbo sont disponibles chez les fabricants Universal Hobbies, Otto Mobile, IXO, Solido, en versions route et compétition et à l'échelle 1/18ème, 1/12ème et 1/43ème :
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CONCLUSION
:-) Ligne indémodable Charme rétro irrésistible Performances Comportement routier Véritable collector |
:-( Mécanique très rustique Finition Corrosion Pièces de rechange Conduite délicate à la limite Rare... |
La Renault 5 Turbo a atteint un statut d'icône et de mythe roulant, comme beaucoup de ces modèles qui ont marqué leur époque, sur la route et sur le terrrain du Sport Automobile. Elle jouit d'une aura et d'une image indélébiles, malheureusement à l'origine d'une forte augmentation de ses prix ces denrières années. Qu'on se le dise, ce petit bijou d'artisanat n'est plus à la portée de tous les passionnés. C'est dommage, mais si vous en avez les moyens, le dépaysement automobile sera total avec le caractère bouillant de cette petite R5 hors normes. Et c'est un bon placement, a priori...
Un grand merci à Mathieu Berger pour les photos de la Renault 5 turbo 2 illustrant cet article.
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Bonjour à tous, J'ai gardé une R5 turbo 2 14 ans. Achetée en 1985 alors qu'elle n'avait fait que deux courses de Coupe d'Europe : Monza et Hockenheim où elle était allée, par la route pour roder le moteur... 8 saisons de Rallyes et une finale de Coupe de France à son volant. http://thomas-racing.blog4ever.com/historique-de-trd-par-gilles-thomas-president-fondateur Beaucoup de plaisir. Contrairement à ce qu'on croit, c'était une auto économique. D'abord sa mécanique est incassable. J'ai fait 30 000 km de spéciales avec le petit moteur 200 chevaux avant de faire un 250 chevaux à course longue. Mais surtout c'est une auto qui n'use pas de pneus. 3 rallyes nationaux ou internationaux avec 4 slicks neufs. c'est imbattable. Seul gros défaut : la consommation. 40 litres en moyenne pour 100 km et 50 en épreuve spéciale. Le moteur pousse fort mais n'est pas vraiment docile. les freins sont épouvantables. Même les gros freins de la groupe B sont un peu justes. Il faut dire qu'avec la caisse complètement has-been, on passe autant de temps à freiner qu'a accélerer... J'ai d'excellents souvenirs de ma R5. mais quand je vois les pris actuels et l'état hyper-bidouillé (souvent n'importe comment) des autos, je reste dubitatif... ça ne vaut certainement pas les prix demandés.