FORD FOCUS (3) RS (2016 - )
DRIFTING ALONE
Qu'il s'agisse de tractions ou de transmissions intégrales, la guerre est rude dans la catégorie des compactes sportives. Habitué de la catégorie, que ce soit avec l'Escort Cosworth ou les précédentes Focus RS, Ford revient avec un positionnement inédit : quatre roues motrices pour le prix de deux ! Avec son Mode Drift et un développement supervisé par Ken Block, elle revendique, en plus de ses performances canon, de grosses sensations derrière le volant. Prétentieuse ou réaliste, la Focus RS ?
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Sébastien DUPUIS
D'un côté, vous avez les reines du Nürburgring en traction : Renault Mégane 3 RS, SEAT Leon Cupra et Honda Civic Type R FK2. De l'autre, il y a celles qui refusent de porter tant de puissance sur le seul essieu avant (VW Golf 7 R, Mercedes A45 AMG et Audi RS3, voire BMW M135i en XDrive). A cette liste, il faut désormais ajouter une nouvelle prétendante, la Focus RS, prête à reprendre le flambeau laissé vacant par les stars du rallye d'autrefois, Subaru WRX Sti et Mitsubishi Lancer Evo en tête…
PRESENTATION
La griffe sportive de Ford est à présent centralisée sous le label Ford Performance, de la petite Fiesta Ecoboost Red Edition de 140 ch à la méchante Ford GT de plus de 600 ch ! Jost Capito parti, on pouvait se demander ce que donnerait la nouvelle Focus RS. La réponse visuelle est plutôt rassurante. Les designers se sont accommodés des cinq portes imposées sur la troisième Focus et ont fait ce qu'il fallait pour la rendre encore plus agressive que ne peut l'être la ST. Elle s'en démarque nettement avec sa face avant optimisée pour l'aérodynamique et le refroidissement des freins via le conduit d'aération du spoiler avant. A l'arrière, la ligne d'échappement centrale est remplacée par deux grosses sorties rondes placées à l'extérieur du diffuseur comme sur la Focus 2 RS. Le becquet est lui aussi spécifique afin de réduire la portance. Les bas de caisse sont sculptés et les jantes 18" de série peuvent être remplacées par des jantes forgées de 19", plus légères d'un kilo. A noter que le catalogue d'options contient aussi les étriers de frein bleus.
Cinq couleurs de carrosserie sont laissées au choix de l'acheteur : le Blanc Glacier, le Gris Magnetic, le Noir Shadow, le Gris Stealth (cf. notre essai de la ST tdci) et le Bleu Nitrous de notre exemplaire d'essai, seule couleur un peu festive de la palette. Quoi qu'il en soit, si vous trouvez la 308 GTi Peugeot Sport trop sage et la Honda Civic Type R trop… japonaise, la Focus RS devrait vous convenir.
HABITACLE
L'habitacle n'est pas la partie la plus passionnante de la Focus RS. Malgré un combiné d'instrumentation spécifique (pression de turbo, d'huile et température d'huile) et les badges RS siglés sur les sièges et les tapis de sol, on reste dans un environnement classique. De série, la sellerie est en cuir/tissu (Bleu Nitrous en option) sur les sièges sport. Les jolis baquets Recaro sont en revanche optionnels et facturés 1.700 €.
Mieux équipée de base que ne peut l'être la Focus ST 250, la RS contient pour 39.600 € le système Audio Sync II avec écran tactile et commandes vocales ou bien encore la climatisation bi-zone. En revanche, pas de régulateur de vitesse, celui-ci étant reporté dans le Pack Confort avec la caméra de recul.
MOTEUR
Perdre un cylindre ne signifie pas toujours perdre en puissance. A l'époque de la course à l'armement, avouez que cela aurait fait mauvais genre. N'ayez crainte, avec 350 chevaux et 440 Nm (et même 470 Nm pendant les 15 secondes de l'overboost), la Focus RS mk3 a ce qu'il faut là où il faut.
Question volume sonore, elle est aussi bien fournie. Ce n'est pas de la très belle mélodie et ce n'est pas non plus très technique. On est davantage dans la philosophie grunge que dans la démonstration virtuose à grand coup de solo. Le son est assez gras, ça pétarade avec des gros "pops" à l'échappement mais, quatre cylindres oblige, on ne se réveille pas la nuit pour allumer la sono. Qu'importe, ce n'est pas moins bien que la concurrence et c'est même presque mieux.
En partant du 2.3 Ecoboost de la Mustang, initialement vu sur la Mazda 3 MPS, nous devons confesser une pointe d'inquiétude en ce qui concernait le caractère du moulin. S'il serait mentir que de dire que ce 2.3 Turbo est une machine à sensations, il faut au moins lui reconnaître un regain de vitalité à haut régime. Même s'il fléchit à partir de 6.000 tr/min, il accroche les 6.800 tours sans demander son reste. C'est très linéaire mais efficace. Une force tranquille qui rappelle le nouveau K20C Vtec Turbo de la Civic Type R. Le couple maximal conséquent de 440 Nm est disponible de 2.000 à 4500 tr/min mais plus de 400 Nm sont encore présents à 6.000 tr/min. Avec l'overboost, la RS fait même une pointe à 470 Nm pendant 15s maxi, autant dire que ça souffle fort !
Pour gagner la trentaine de chevaux dans le haut du compte-tours, les motoristes ont opté pour une nouvelle admission et un turbocompresseur twinscroll. Dans un souci de fiabilité, l'Ecoboost abrite une nouvelle culasse en alliage en haute performance et le refroidissement du bloc est optimisé. Pour finir, l'embrayage est renforcé.
Et puisqu'il est question d'embrayage, un mot sur la boîte manuelle. Parfaitement guidée, elle est agréable à manier. Bien que légèrement raccourci, le débattement est encore un chouilla trop long, surtout après avoir essayé la Civic. Mais dans l'ensemble, cette excellente boîte manuelle ne fait pas regretter un choix qui, même s'il peut paraître passéiste à certains, contribue directement aux sensations.
Et les performances dans tout ça ? 4,7 secondes sur le 0 à 100 km/h, ça cause un peu comme dirait l'autre même si ce temps canon n'est réalisable qu'avec le Launch Control. Vous m'excuserez de ne pas avoir vérifié la vitesse maximale de 266 km/h. Tout d'abord, l'idée ne m'a pas éfleuré l'esprit et par ailleurs, l'occasion ne s'est pas vraiment présentée. Je pourrais dire aussi pour faire bien que c'était dans un souci écologique mais même pas, la consommation moyenne de l'essai relevée à 15 L/100 km étant un acte criminel vis-à-vis de la génération future. Pour la peine, il faudra s'acquitter du malus écologique correspondant aux 175g de CO2.
SUR LA ROUTE
Après la traction (avec autobloquant) quatre cylindres, la traction à cinq pattes, voici donc le retour du quatre cylindres mais sur base de quatre roues motrices cette fois. Avec cinq titres de sportive de l'année à son actif (dont deux rien que pour la Focus), les équipes de Ford ont largement démontré leur savoir-faire et ont, de ce fait, d'autant moins droit à l'erreur. L'objectif de la Focus RS MkIII était simple : être la plus amusante à conduire tout en étant dotée du meilleur rapport prix/performances. Sur ce second point, l'objectif est atteint. Il ne reste dès lors plus qu'à nous assurer que le plaisir de conduite est au rendez-vous. Pour cela, direction le Sud de la France.
Les premiers kilomètres au volant de la nouvelle Focus RS sont quelque peu déroutants et, je dois le dire, c'est en bonne partie de ma faute. La RS 2016 a un mode d'emploi qui nécessite un temps d'adaptation avant d'être assimilé. A l'inverse d'une traction moderne dotée d'un train avant ultra précis, la Focus RS requiert un dosage plus fin entre la perte du train avant pour une mise en charge de l'arrière en mettant les gaz. En clair, on perd un peu à l'avant ce que l'on gagne en caractère avec un arrière mobile et propulseur. La direction à assistance électronique est baptisée EPAS. Elle pêche par son manque de consistance au milieu du volant mais se révèle très directe avec seulement deux tours de butée. Une caractéristique à prendre en compte sur routes étroites où, d'un coup d'un seul, on a vite fait de mordre l'autre voie ! Le freinage est indestructible mais progressif. Les disques de frein, parfaitement refroidis, sont de 350mm à l'avant avec des étriers Brembo à quatre pistons.
La Focus RS 350 dispose de quatre modes de conduite : Normal, Sport, Track et Drift (sur lequel je reviendrai plus tard). Chaque mode joue sur les assistances, l'amortissement et la direction. L'ESC et la suspension est en Normal sur le Sport mais la transmission intégrale est typée sportive. En Track, tout est paramétré en dynamique. Il est toutefois possible de se faire faire sa propre configuration en jouant sur le commodo du clignotant afin de sélectionner son propre amortissement. Nous étions d'abord dans une bleue équipée des baquets. Non réglables en hauteur, leur assise est très haute, en plus d'être relativement inconfortables dans le bas du dos. Verdict, mieux vaut rester sur les Recaro classiques, au moins autant enveloppants. D'une manière générale, l'amortissement est de toute façon assez ferme. Oubliez le mode Track sur route, ça tabasse dans tous les sens. En Sport, ça sautille moins et après plusieurs kilomètres, on s'habitue à la fermeté. La suspension n'est pas pilotée mais de type bi-mode. Le mode Normal est similaire à la ST tandis que le Sport est 40% plus ferme. Les ressorts à l'avant sont, par rapport à la ST, raidis de 33% à l'avant et de 38% à l'arrière. La rigidité accrue de 9% par rapport à la RS de 2009 rappelle le châssis Cup de la Mégane RS. Par ailleurs, la barre anti-roulis est logée derrière l'essieu arrière et on trouve aussi une traverse additionnelle soudée sous le plancher de la carrosserie. De plus, la suspension avant est de type MacPherson tout en affichant une nouvelle articulation au niveau des jambes. Enfin, le soubassement est spécifique pour accueillir la transmission intégrale…
Devéloppée par GKN et déjà vue le Land Rover Evoque, cette chaîne cinématique a ici quelques subtilités. D'abord, et contrairement à l'Evoque, la proéminence traction n'est pas figée. Certes, sur autoroute, ce concept est celui retenu mais le travail émis en continu par l'unité de contrôle placée dans le train arrière gère la répartition du couple en temps réel et se veut plus sportive. Le principe des disques d'embrayage jumeaux situés de chaque côté du train arrière est retenu mais, en moyenne, la répartition du couple est de 70% vers l'arrière sur un trajet mixte. La voilà proche d'une propulsion avec cependant les aléas de la traction, à savoir une répartition des masses drastiquement portée sur l'avant. C'est là que ça se complique, surtout avec un poids total annoncé à 1.524 kg sans pilote. Les lois de la physique étant ce qu'elles sont, la Focus manque d'agilité dans le sinueux. Un défaut qu'elle corrige par son brin de folie dès lors que l'on joue avec son tempérament de propulsion. La Mercedes A45 AMG se retrouve à des années-lumière côté fun et, même si le Haldex est désormais capable de passer la quasi-totalité du couple sur l'arrière, la Golf R est très loin de donner autant le sourire. En d'autres termes, Ford prouve qu'on n'est pas condamné à subir des quatre roues motrices ennuyeuses ! Une autre possibilité permise par le système de GKN est le couple vectoriel qui consister à envoyer 100% du couple arrière sur la roue extérieure, à l'instar de ce que faisait une Lancer Evolution X. Avec cette fois un inédit mode Drift mis au point avec le roi du dérapage fumant alias Ken Block...
SUR LA PISTE
Invités par Michelin, partenaire de Ford dans le développement de la RS, sur le centre d'essais de Fontange, nous avons pu tester la Focus avec les deux montes pneumatiques proposées au catalogue. De base, elle chausse des PSS mais les PS Cup 2 sont en option. Rien de tel qu'un passage sur l'anneau de vitesse et les chicanes pour comprendre les différences qu'il y a entre les deux pneus. Pourtant déjà convaincants, les PSS offrent moins de grip mais, surtout, un manque de retour d'informations au niveau du toucher de route par rapport aux PS Cup 2. Bien qu'il s'agisse de gammes de pneus déjà connues (déjà essayée sur la Mégane RS Trophy-R par exemple pour le PS Cup 2), elles ont fait l'objet d'un développement spécifique sur la Focus RS qui a duré entre 18 et 24 mois. La principale difficulté pour Michelin fut d'obtenir des très bons résultats pour sur l'essieu avant tout en les rendant permissifs à l'arrière. Un numéro d'équilibriste plutôt bien réussi…
Et le mode Drift dans tout ça ? On dit souvent que ce qui est inutile est indispensable. Soyons franc, ce n'est pas le cas du mode Drift. Pourquoi ? D'abord parce que la Focus RS est suffisamment joueuse, en particulier sur le mouillé. Précision importante, joueuse ne signifie pas ici piégeuse. La glisse est facile à rattraper et peut, au pire, terminer en gros sous-virage. Mais c'est surtout parce que les conditions d'utilisation du mode Drift sont si difficiles à réunir sur routes ouvertes que cela amoindrit fortement l'intérêt réel de ce qui apparaît au final comme un gadget plutôt destiné à faire parler de la Focus RS. Objectif atteint pour Ford Performance ! Pour drifter en Focus avec ce mode, il faut mettre de côté le bon sens et se laisser guider. En réalité, il ne faut surtout pas faire d'appel contre appel et même, au minimum corriger le volant, sans quoi l'électronique coupe le survirage. En clair, oui la Focus RS sait drifter, mais elle le fait toute seule ! On finit par piger le truc et on s'amuse, c'est sûr. Mais le feriez-vous sur une départementale ?
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
FORD FOCUS (3) RS
MOTEURType : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes, double dsitribution variable TiVCT
Position : longitudinal AV
Alimentation : gestion Bosch MEDG17-I4, injection directe haute pression + turbo Honeywell TwinScroll
Cylindrée (cm3) : 2264
Alésage x course (mm) : 87,55 x 94
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 350 à 6000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 440 (470) de 2000 à 4500 (overboost 15s)
TRANSMISSION
4x4 Différentiel AV et AR pilotés
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (350), étriers fixes 4 pistons - disques pleins (302), étriers flottants 1 piston+ ESP
Pneus Av-Ar : 235/35 R19 (Michelin Pilot Super Sport)
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1524
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 266
400 m DA : NC
1000 m DA : NC
0 - 100 km/h : 4"7
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 7.7
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 15
CO2 (g/km) : 175
PRIX NEUF (03/2016) : 39.600 €
PUISSANCE FISCALE : 24 CV
CONCLUSION
:-) Performances Typée propulsion Freinage Boîte manuelle Design sportif Tarif imbattable… |
:-( …mais gros malus Poids Consommation Assise trop haute des baquets |
Si la Ford Focus RS MkIII n'est pas parfaite, elle s'inscrit sans aucun doute possible comme l'offre la plus réussie et la plus amusante parmi les compactes survitaminées en quatre roues motrices. Comble de l'outrage, elle se paye même le luxe d'être moins chère que ses concurrentes. Elle est aussi plus vivante et donc, par voie de conséquence, moins facile à vivre pour une utilisation quotidienne. Mais si vous en avez assez des sportives modernes aseptisées, succombez au virus Focus RS !