MASERATI GHIBLI (III) S Q4 (2013 - )
Du chant et des larmes...
Débordant d'ambitions, Maserati ne lança pas une mais deux berlines quasi simultanément, affichant toutes deux de nouveaux choix de moteurs et de transmissions. Il est ici question de la « plus petite » des deux, sobrement baptisée Ghibli…
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Thomas POSLUSZNY
La présence de deux berlines au catalogue n'est pas une nouveauté dans l'histoire de la marque italienne. Elle en a même comptabilisé beaucoup plus selon les années. Cette distinction existe depuis 1982 et la sortie de la Biturbo. Tandis que la Quattroporte III tentait de survivre, la Biturbo, plus accessible financièrement, recevait une carrosserie quatre portes. Elle prit d'abord le nom de 420 pour l'Italie et de 425 pour les marchés d'exportation. Une distinction qui dura une décennie, jusqu'aux 4.24v et 430 4v, avant de s'achever avec la Quattroporte IV qui fait l'union entre tout ce beau monde…
PRESENTATION
Désolé de le dire, mais l'histoire de la Ghibli III commence sur un malentendu : son nom. La Ghibli première du nom est probablement la Maserati qui dispose de la plus grande notoriété. Alors, quand il est question de lancer un modèle de plus grande diffusion, berline, et en diesel qui plus est, comment peut-on songer à l'appeler ainsi ? Maserati comptait pourtant déjà un précédent. La réutilisation du nom Ghibli sur base de Biturbo n'avait pas été appréciée des puristes alors qu'il s'agissait d'un vrai coupé sportif…
Cette parenthèse refermée, le lieu de la présentation de la Ghibli n'est pas anodin puisque c'est au salon de Shanghai de 2013 qu'elle fut dévoilée, quelques mois après que la Quattroporte VI l'ait été à Détroit. Les deux véhicules partagent d'ailleurs beaucoup de choses, à commencer par leur design assez proche. Restant tout juste sous la barre des 5 mètres de long, la Ghibli est tout de même 30 cm plus courte que sa grande sœur ! Signe d'un nouveau temps impulsé par le groupe FCA et Sergio Marchionne, cette nouvelle fratrie n'est pas produite à Modène mais à Grugliasco dans l'ancienne usine Bertone, ceci afin de répondre aux demandes du marché. Car oui, les ambitions du Trident sont revues fortement à la hausse avec le souhait d'écouler 50.000 exemplaires de la gamme qui comprend depuis peu le SUV Levante.
Esthétiquement, la face avant et les écopes sur les ailes avant sont typiques des Maserati modernes. La grille de calandre très prononcée est présentée comme une réminiscence de la Maserati A6 GCS des années 50 et c'est effectivement une belle inspiration. A l'arrière les galbes msuclés des ailes procurent une sensation de puissance et de stabilité, quitte à paraître un peu lourd. La carrosserie se distingue d'ailleurs par un Cx de 0.31 qui n'a rien d'exceptionnel et reflète la ligne un peu massive de la nouvelle Ghibli.
HABITACLE
Le restylage récemment opéré sur la Ghibli concerne essentiellement l'intérieur et le contenu technologique, renforcé, avec notamment un point hot-spot wifi. Le régulateur de vitesse dispose désormais de la régulation à distance, l'écran de navigation évolue aussi, en plus de la compatibilité avec les différents systèmes de smartphones et la caméra à 360°. La personnalisation est plus développée qu'auparavant. On ne retrouve pas moins de 13 packs dans le configurateur. Ça, c'est pour les bons côtés. Dans les mauvais, on conserve une ambiance et une présentation décevante pour les tarifs affichés, et encore plus si l'on coche les multiples options. Y trouver les sièges chauffants et ventilés est un peu mesquin au vu des tarifs déjà salés… Certains éléments en bois ont même été remplacés par d'autres moins qualitatifs sur ce dernier millésime. Enfin, l'écran central entouré d'aérateurs dénote dans du premium. On se croirait dans une Focus III…
Les tarifs de base, en essence, de la Ghibli sont les suivants : 71.150 € pour 350 chevaux (ou 330 ch avant la MY2017) et 83.950 € pour la S. La Q4 n'est disponible que sur la S et fait réclame un surcoût d'environ 3.000 €.
MOTEUR
Autant le dire d'emblée, ce moteur n'a – presque – rien à voir avec le V6 Alfa Romeo de la Giulia Q (voir notre news technique) qui cube, par ailleurs 2.9 litres contre 3 litres pour celui des Ghibli (que ce soient sur les variantes de 350 et 410 chevaux). En parallèle, le couple varie entre 500 et 550 Nm selon la déclinaison choisie.
Ce six cylindres tout alu ouvert à 60° (contre 90° pour l'Alfa) est le premier chez Maserati dans cette configuration. Cela s'explique par le fait que le bloc utilisé comme base provient de la gamme Pentastar de Fiat/Chrysler, en recevant toutefois beaucoup d'aménagements. Outre le changement de cylindrée et le passage au bi-turbo (voir notre dossier technique sur le V6 Biturbo) par le biais d'un turbocompresseur par banc de cylindre, les autres différences fondamentales sont le passage à l'injection directe et l'abandon de la technologie Multiair, les deux choses étant encore incompatibles jusqu'à la commercialisation du 2 litres TBI de la Giulia. Dessiné par Maserati, le V6 F160 partage plusieurs points communs avec la famille de V8 F154 bi-turbo de Ferrari dont l'un d'eux a, en très grande partie, donné naissance au dernier V6 Alfa Romeo. Ces trois moteurs (quatre en réalité puisqu'il y a deux V8 chez Ferrari) partagent également le même alésage de 86,5 mm. Ça va, vous suivez toujours ?
Le Multiair est remplacé au profit de la technologie du V8 Ferrari. Le contrat de mariage concerne aussi les éléments périphériques, les chambres de combustion et la calibration de la suralimentation. Le V6 est de type supercarré, dans la plus pure tradition italienne, un choix de plus en plus délaissé par les autres motoristes. Sa production révèle quelques anecdotes pas inintéressantes non plus. Initialement, les blocs sortaient de l'usine de Weber. Ne pouvant pas produire en quantité suffisante, une partie de la fonderie a été délocalisée aux Etats-Unis en deux étapes. L'usine en charge de la fonderie des blocs est à Kokomo et sont ensuite transférés à Trenton. Ça ne s'arrête pas là, les moteurs sont ensuite expédiés à Modène dans l'usine Ferrari pour le montage final. Comment et selon quels critères se répartit la production entre l'Europe et l'Amérique ? Mystère. Autre question sans réponse : pourquoi avoir créé deux types de V6 pour Maserati et Alfa Romeo alors que leur ADN semble si proche ?
Revenons à celle qui nous intéresse aujourd'hui. La Ghibli S est donc annoncée pour 410 chevaux et 550 Nm. C'est beaucoup mais pour les acheteurs focalisés sur la course à la puissance, c'est très loin des 612 chevaux de la Mercedes-AMG E63 S. Qu'importe, je ne fais pas partie de cette catégorie. Comme c'est le cas depuis quelques temps chez Maserati, un effort a été fait sur la sonorité du moteur. En pressant le bouton de l'échappement, les clapets s'ouvrent. Ça grogne gentiment y compris au ralenti. Ce n'est pas sans rappeler le nouveau V6 Biturbo des C 43 AMG, justement. En plus sympa cependant car si cette séquence n'est d'abord rendue possible que par l'échappement, le feulement naturel à l'admission est audible dans les hauts régimes. Et ça, c'est carrément appréciable en 2016. Je me suis peut-être emballé en parlant de hauts régimes, le V6 se montrant paresseux à dépasser les 6.000 tr/min, mais on se comprend. Le Q4 permet de gratter deux dixièmes sur le 0 à 100 km/h avec un joli 4,8 secondes. Pas si mal pour 1.870 kg à vide...
Pour la transmission, Maserati a fait les choses bien en allant s'équiper chez ZF qui fournissait déjà les boîtes autos sur Quattroporte V et GranTurismo, et même une partie des boîtes manuelles par le passé. Dernier bijou en date, la boîte 8 fait partie de ce qui se fait de mieux sur le marché. La gestion est parfaite, les changements de rapport se font en un éclair et les palettes sont immenses. Tout serait parfait si la calibration du levier de vitesses n'était pas si incompréhensible car terriblement irritante. Trop sensible d'un cran à l'autre, le verrouillage ne se fait pas correctement. Un comble sur un modèle restylé…
SUR LA ROUTE
Le comportement routier est surprenant, dans le bon sens, surtout après avoir lu beaucoup de critiques chez les confrères. Cela reste une longue et lourde berline (1.870 kg en Q4), on ne lui demande pas d'être une GTI et encore moins une Caterham. Elle est équilibrée mais ça n'en fait pas une équilibriste. Le train avant n'en est pas moins relativement précis. La précédente Quattroporte ne faisait pas mieux mais son volubile V8, en particulier en 4.7l, faisait oublier ses défauts. Dommage que, dans la Ghibli, il faille composer avec une direction digne d'une citadine, autrement sur-assistée à outrance. Notre version disposait des suspensions adaptatives Skyhook, présentes dans les packs Sport. La dureté change selon deux modes : Normal et Sport. Toujours orientée vers le confort, l'Italienne est avant tout faite pour enchaîner les kilomètres.
Dans l'optique d'une utilisation quotidienne quelque soient les conditions météorologiques, Maserati s'est plié au dictat des quatre roues motrices, en simultané sur les Quattroporte et Ghibli pour la première fois. Baptisé Q4 comme chez Alfa Romeo, il s'agit en fait d'un système privilégiant la propulsion et ne répartissant le couple sur les quatre roues qu'en mauvaises conditions (à 50% au maximum vers l'avant). Il s'agit d'un principe similaire à l'Haldex chez Audi sans que l'on ne sache qui est ici le fournisseur. Ajoutons enfin que la version Q4 dispose également d'une surmonte à l'arrière par rapport à la Ghibli S qui dispose de 4 pneus identiques (275/45 R18 au lieu de 235/50 R18), ainsi que des disques plus grands à l'avant (360 mm contre 345). Le surpoids global de la version Q4 atteint donc 60 kg officiellement, ce qui se paye par une légère surconsommation compensée par une meilleure efficacité (à l'image des chronos). Le Q4 accentue forcément le sous-virage, tout en restant heureusement discret, mais notre préférence irait naturellement vers la propulsion…
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MASERATI GHIBLI (III) S Q4
MOTEURType : 6 cylindres en V à 60°, 24 soupapes avec double calage variable continu des arbres
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + 2 turbocompresseurs twin-scroll
Cylindrée (cm3) : 2979
Alésage x course (mm) : 86,5 x 84,5
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 410 à 5500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 550 de 1750 à 5000
TRANSMISSION
4x4 + ESP
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés rainurés (360), étriers 6 pistons - disques ventilés rainurés (345), étriers fixes 4 pistons
Pneus Av-Ar : 235/50 - 275/45 R18
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1870
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4.6
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 284
400 m DA :
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 4"8
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 9.7
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 12
CO2 (g/km) : 226
PRIX NEUF (01/2017) : 87.000 €
PUISSANCE FISCALE : 30 CV
CONCLUSION
:-) Face avant Sonorité du V6 Boîte ZF8 Confort Motricité toute l'année en Q4 |
:-( Appellation douteuse Poids / gabarit Tarifs et options Présentation intérieure Mauvaise calibration du levier de vitesses |
La Maserati Ghibli S Q4 a les roues entre deux trottoirs. Pas suffisamment luxueuse pour être digne du standing auquel elle prétend, elle souffre d'un gabarit trop imposant pour jouer les berlines sportives. Dès lors, son positionnement est difficile à trouver, à moins de vouloir rouler dans une berline sortant de l'ordinaire et disposant d'une jolie sonorité...