MASERATI GHIBLI (III) Trofeo (2021 - 2024)
Le dernier V8
Après avoir été limitée au V6 pendant sept ans, la Maserati Ghibli hérite enfin du V8 en 2021, sous le label Trofeo étrenné par le SUV Levante. Suffisant pour pimenter la carrière de cette berline dont la relève se fait attendre ?
Texte : Maxime JOLY
Photos : Sébastien DUPUIS
Nous avons déjà détaillé la Ghibli III dans notre précédent essai de la S Q4. Il s’agissait toutefois de la phase 1, et des améliorations assez importantes ont été réalisées lors du restylage de 2016. Quant à la déclinaison Trofeo dont il est question ici, elle a été initiée simultanément sur la Quattroporte VI et sur la Ghibli. Et elle existe toujours puisqu'on la retrouve sur le SUV Grecale, ainsi que sur la nouvelle GranTurismo...
GHIBLI 334 ULTIMA
Lors de l'édition 2023 du Goodwood Festival of Speed, Maserati a présenté deux voitures en première mondiale : la Ghibli 334 Ultima et le Levante V8 Ultima. Ces deux modèles marquent la fin du V8, initié en 1959 par la 5000 GT (lire notre dossier consacré aux V8 Maserati). Le nombre 334 fait référence à la vitesse maximale de la Ghibli, en hausse de 8 km/h par rapport à la Trofeo. Maserati attribue cette augmentation à des améliorations aérodynamiques telles qu'un spoiler en fibre de carbone et des jantes en alliage Orione enveloppées d'une nouvelle gomme. Ces améliorations permettent également à la Ghibli 334 V8 Ultima d'atteindre 100 km/h en 3,9 secondes, soit 0,4 seconde de moins que le modèle V8 standard. La Ghibli est revêtue d'une superbe teinte bleue unique "Scià di Persia" combinée à un intérieur en cuir fauve, une configuration qui fait référence à la 5000 GT originale "Shah of Persia". Le surplus tarifaire est raisonnable puisque ses 196 300 € sont très proche du tarif de notre exemplaire.
PRESENTATION
Nous n’avons jamais eu le fin mot de l’histoire sur la cause de l’absence de V8 au lancement de la Ghibli III, ni sur le Levante. D’autant qu’avec ses 4 971 mm de long, la berline Ghibli (nom de code M157) n’a rien de compacte, même si les astuces de design la rendent plus désirable que la Quattroporte, plus longue de 29 cm ! Toujours est-il que, annoncée en 2020, la version Trofeo de la Ghibli a intégré le catalogue international de Maserati en 2021, deux ans après le gros SUV Levante, ce qui était sans doute trop tard pour relancer véritablement la carrière de ce modèle produit dans l'usine historique de Grugliasco fondée par Bertone en 1959. Une usine d'ailleurs mise en vente en fin d'année dernière par Stellantis et dont le personnel devrait être transféré cette année sur le site de Mirafiori, toujours à Turin. La Ghibli devrait continuer d'y être produite dans ses versions V6 et Hybride mais pas en V8 puisque cette version Trofeo est désormais arrêtée après seulement 3 ans de commercialisation.
La face avant très spectaculaire de la Maserati Ghibli III, héritée de la première GranTurismo, n’a pas été retouchée au restylage. Ce sont les feux arrière qui ont subi des modifications, le discours officiel étant de faire un lien avec les feux boomerang de la 3200 GT. On retrouve également un diffuseur plus agressif et des touches de rouge sur les triples sorties d'air latérales. L’avant subit tout de même comme modification un capot redessiné avec deux bouches d'aération pour un meilleur refroidissement du moteur. Accessoirement, cela confère à la berline italienne un côté muscle car quand on a la chance d’être assis au volant. Enfin, le modèle se reconnaît aux jantes Orione de 21 pouces. Le Cx reste inchangé, à 0,29.
HABITACLE
L'habitacle, très critiqué à la sortie de la Ghibli III, a été largement amélioré pour la phase 2. Il demeure encore quelques petits éléments qui dénotent (tels que les boutons de la console centrale), mais le reste est d’excellente facture. La version Trofeo se distingue notamment par ses logos sur les appuie-tête embossés dans sa sellerie en cuir naturel pleine fleur tandis que les inserts en fibre de carbone habillent la console centrale et les contre-portes. Au final, il reste peu de plastiques visibles à bord et, même si on est encore loin de la fintion Bentley, la Ghibli se montre vraiment luxueuse.
MOTEUR
Avant d’entrer en détails sur la motorisation de la Ghibli, il est utile de rappeler que l’ancien patron de Maserati a refusé le développement du PHEV (plug-in hybrid / hybride rechargeable). C’est pourquoi Maserati s'oriente désormais sur le 100% électrique et le maintien du thermique en parallèle, par le biais du tout nouveau V6 Nettuno (voir notre prochain essai de la MC20). La seule légère entorse à cette règle est l'hybridation légère (mhev) sur les versions 4 cylindres. Parfaitement inutile, car les rejets de CO2 dépassent toujours les 200 g/km ! Bref, revenons à nos huit gamelles.
Le V6 de la Ghibli S Q4 dérive du Pentastar ouvert à 60° de Chrysler, avec des modifications opérées par Ferrari (tout est détaillé dans notre essai) inspirée par son V8 bi-turbo 4 litres. De ce même V8 Ferrari est extrapolé le 3 799 cm3 qui nous intéresse ici. L’alésage passe de 88 à 86,5 mm tandis que la course est réduite à 80,8 mm. Comme sur la génération des F136 atmos, la différence sur cette famille F154 se fait principalement sur le vilebrequin : à plat chez Ferrari et en croix pour Maserati. D’autre part, la lubrification se fait par carter humide chez Maserati. Ces moteurs modulaires, tout alu, à injection directe ont 4 soupapes par cylindre, une distribution variable en continu à l’échappement et l’admission, et sont suralimentés par deux turbos IHI de type twinscroll. Chaque turbine dispose de son propre intercooler. La chaine de distribution est localisée du côté du volant-moteur.
Si son V8 (type AM) est produit à Maranello, Maserati Powertrain en revendique la paternité pour la mise au point. Développant initialement 530 chevaux sur la Quattroporte GTS, il gagne ici 50 équidés. Le couple est faussement en forte hausse (de 650 à 730 Nm), la GTS bénéficiant d’un overboost jusqu’à 710 Nm. Ce gain de performances est obtenu par un recalibrage de la cartographie, et par de nouveaux pistons et bielles. Des modifications qui ressemblent grandement à ce qui a été fait sur la Ferrari Portofino…
Gavé de couple dès le régime ralenti, ce V8 jouit d’une poussée instantanée et sans fin jusqu’à la zone rouge à 7 200 tr/min. Le sentiment à la conduite est à la fois terriblement excitant, et tout autant terrifiant lorsque l’on regarde le compteur de vitesse ! Le manque d’impression de vitesse est le principal problème d’une telle pompe à feu. Le manque de sensations est renforcé par une sonorité trop discrète à l’intérieur. Dommage qu’on n’en profite pas autant qu’à l’extérieur, car le timbre de voix du huit cylindres à vilebrequin en croix se reconnaît instantanément. Il ne glougloute pas comme un V8 américain mais il crépite délicieusement dans les montées en régime. Cela dit soyons clairs, la Quattroporte V 4.7 GTS restera à jamais le graal en matière de berline V8 Maserati…
Enfin, la boîte automatique est la très connue ZF à huit rapports. Elle est extrêmement rapide dans le mode ultime baptisé Corsa. Parfaitement gérée, elle dispense presque le besoin d’utiliser les superbes palettes fixes en carbone. Malheureusement, le fait qu’elles soient placées devant le commodo du clignotant est incompréhensible, et s’avère être gênant à la conduite. Quant à la consommation, la moyenne relevée sur notre essai a été de 15 l/100 km. En conduite tranquille, cette valeur descend à 11l, en mode Sport. Pour une consommation plus raisonnable, le mode I.C.E. existe…
SUR LA ROUTE
La plateforme commune aux Ghibli III, Quattoporte VI et Levante est extrapolée de la précédente génération de Quattroporte (V). La plateforme Giorgio des Alfa Romeo Giulia et Stelvio, n’était pas encore développée à leur lancement. Tandis que la future génération de Quattroporte électrique était prévue pour l’année prochaine, et que son développement a récemment été reporté, il est dommage de ne pas offrir aujourd'hui un nouvel équivalent berline au Grecale. Car malgré les 4,85m de long du SUV, le châssis Giorgio fait encore des miracles…
Les suspensions de la Ghibli sont à double triangulation. Un choix qui n’est pas que d’ordre technique puisque c’est aussi un avantage pour les designers. En contrepartie, on perd toujours en rayon de braquage sur une double triangulation. La suspension arrière utilise un système multibras à cinq barres avec quatre bras de suspension en aluminium. Le système d’amortissement piloté Skyhook est fourni en série. Par chance, seules les roues arrière sont motrices, dans la plus pure tradition Maserati. Il faut dire que le Q4 aurait presque rajouté 100 kg à un poids frôlant déjà les 2 tonnes.
Le positionnement de la Ghibli Trofeo apparaît un peu paradoxal, du fait de l’obligation pour Maserati de se distinguer des autres constructeurs grâce à un petit grain de folie supplémentaire. Ce grain de folie s’appelle Corsa. Ce mode de conduite brutal et joueur nécessite cependant de retarder fortement l’ESP. Il n’est donc pas à mettre entre toutes les mains, et c’est dommage de ne pas pouvoir rétablir manuellement l’ESP sur ce mode de conduite qui permet d’avoir un amortissement plus conforme à ce qu’on attend d’un véhicule de ce pédigrée. D’autre part, la direction aurait mérité d’être plus aiguisée. Le volant de grand diamètre et l'assistance très prononcée gomment trop le ressenti. Enfin, bien que débarassé des roues motrices, le train avant s’avère un peu paresseux en courbe serrée.
La Ghibli Trofeo n’étant pas destinée à limer les circuits, comme en atteste son freinage rapidement handicapé par la masse à arrêter, tout le monde n’a pas envie de se risquer sur route ouverte à dompter plus de 700 Nm sans garde-fou. Le mode Sport, où les kilomètres s’enchainent dans un confort royal, est donc finalement le plus homogène à notre goût et laisse déjà apercevoir le caractère fougueux de la belle Italienne.
ACHETER UNE MASERATI GHIBLI TROFEO
Le prix de départ de la Maserati Ghibli Trofeo, fixé à 156 300 €, hors malus, est particulièrement élevé. D’autant qu’il n’exclut pas une liste d’options conséquente, totalisant un surplus de 25 000 € sur notre modèle d’essai ! Le BLU MASERATI, couleur tirant fortement sur le noir, vaut à lui seul 7 800 €. Citons également le pack Extérieur Carbone à 3 180 €, l’incroyable système audio Bowers & Wilkins Premium Surround 17 enceintes (1 280 W) à 3 060 € ou bien encore les étriers FuoriSerie - Silver Polished à 3 000 €. A ce prix, même le célèbre "charme italien" peut avoir du mal à lutter contre la concurrence germanique qui excelle sur un segment où la technologie dernier cri peut également faire la différence. Ainsi, la Ghibli Trofeo a pour mission de batailler frontalement avec les Audi RS 7 Sportback, BMW M5 et autre Mercedes-AMG E63, toutes sérieusement armées...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MASERATI GHIBLI (III) Trofeo
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + 2 turbos
Cylindrée (cm3) : 3799
Alésage x course (mm) : 86,5 x 80,8
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 580 à 6750
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 730 de 2250 à 5250
TRANSMISSION
AR + différentiel arrière à glissement limité
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés percés
Pneus Av-Ar : 245/35 - 285/30 ZR 21
POIDS
A vide constructeur (kg) : 1960
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3.4
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 326
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 4"3
CONSOMMATION
Moyenne WLTP (L/100 km) : 12.3
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 15
CO2 (g/km) : 279-285
PRIX NEUF (01/2024) : 156 300 €
PUISSANCE FISCALE : 51 CV
CONCLUSION
Hyper performante sans rien perdre en confort, la Maserati Ghibli Trofeo marque à la fois le retour et la fin du V8. Cependant, son manque de sensations et de sportivité, ainsi qu'un prix exorbitant, font qu'elle est tout de même principalement réservée aux amoureux du trident. Le malus fiscal s'y est ajouté pour clore prématurément sa carrière en France...
Face avant impressionnante
V8 coupleux et hargneux
Boîte bien gérée
Confort préservé
Présentation intérieure améliorée au restylage
Sonorité à l’extérieur…
…mais trop feutrée à l’intérieur
Gabarit / masse
Manque de sportivité
Tarifs !