ALFA-ROMEO GIULIA Quadrifoglio AT8 (2016 - )
Les chevaux sauvages
Après les trop confidentielles 8C puis 4C, c'est par le Tipo 952 alias Giulia qu'est réellement passé le renouveau du constructeur italien, trop longtemps délaissé par Fiat. Fer de lance du plan produit FCA de 2015, la Quadrifoglio se veut la plus sportive de sa catégorie, au nez et à la barbe des références allemandes pourtant bien implantées. Deux ans après sa sortie, qu'en est-il réellement ?
Texte & photos : Maxime JOLY
Ne l'appelez pas QV ! Cette Giulia super-sportive prend simplement le patronyme de Quadrifoglio voire, plus sobrement de "Q", à l'instar de l'agent du même nom dans la saga James Bond. Pour l'heure, le trèfle à quatre feuilles se limite aux deux seuls modèles d'Alfa à être basés sur la plateforme propulsion/4RM Giorgio bien que l'on ait longtemps imaginé (et espéré) une 4C plus sportive sous ce label. Malheureusement, cette dernière a disparu du dernier plan produit, au profit d'une renaissance des GTV et 8C...
PRESENTATION
C'est en tenue de Quadrifoglio que fut présentée la Giulia il y a 3 ans, à la date anniversaire du Biscionne. Il fallut patienter jusqu'au salon de Genève suivant pour découvrir les motorisations classiques. A noter que toutes les versions sortent de l'usine de Cassino.
Cette Giulia Q reprend un peu les codes de la Lancia Thema 8.32 en son temps, à savoir faire profiter à l'ensemble du groupe le savoir-faire et le blason de Ferrari. Plus récemment, il y eut également la majestueuse Maserati Quattroporte V fut une autre berline à être motorisée par un dérivé de V8 Ferrari. Mais, dans les deux cas de figure cités, la philosophie était radicalement opposée à la Giulia : faire du statutaire plutôt que du sportif.
La sportivité est bien de mise à l'extérieur de notre belle Italienne en robe de mariée. Mais sans ostentation. Le trilobo est la signature du constructeur. Dans un souci de réduction des masses, la fibre de carbone est utilisée sur le toit, le capot (disposant de deux ouvertures pour refroidir le moteur), le petit aileron et les jupes (seuls éléments non peints), tandis que les portes et les ailes sont en aluminium. Les freins sont également refroidis par des aérations percées dans le bouclier avant. L'aérodynamique active à l'avant se traduit par la présence d'une lame rétractable (l'Active Aero Splitter), un procédé déjà utilisé à l'époque sur la Toyota Supra Mk4. L'arrière est particulièrement spectaculaire, entre le massif diffuseur entouré des quatre sorties d'échappement et le béquet en carbone. Les accessoires proposent d'autres éléments de carrosserie dans cette matière, si le cœur, mais aussi le porte-monnaie, vous en dit. Sept couleurs sont proposées mais seul le Rouge Alfa est gratuit tandis que trois jeux de jantes sont au catalogue. Le prix de départ, certes élevé pour le commun des mortels, est aussi agressif que le reste du véhicule : 83 290 €, incluant désormais d'office la boîte automatique AT8.
HABITACLE
Un tarif qu'il sera difficile de ne pas dépasser compte tenu des options proposées. Notre modèle d'essai, dépourvu des sièges avant avec coque en carbone fournis par Sparco, reçoit tout de même plus de 12 000 € d'options. Un positionnement indispensable pour être crédible, et toujours nettement inférieur à la concurrence germanique. Les esprits chagrins rétorqueront qu'il en est de même pour la qualité de la finition de l'habitacle. Certes, le plastique de la console centrale et l'assemblage de plusieurs boutons dénotent par rapport au standard Audi, mais le rendu visuel ne démérite pas, surtout lorsque l'on se rappelle comment présentaient les dernières Alfa. Rome ne s'est pas faite en un jour, laissons encore du temps à Romeo… Retenons plutôt une ergonomie bien étudiée et une position de conduite excellente. Visiblement, le benchmark de la Série 3 a porté ses fruits tout en conservant un style typiquement latin fort séduisant. Comme chez Ferrari, le volant typé F1 regroupe un maximum de fonctions dont le démarrage du moteur.
SERIE LIMITEE NRING
Construites à 108 exemplaires seulement et prioritairement destinée aux collectionneurs et plus fidèles clients de la marque, la série limitée Giulia Nring est disponible en France depuis le 18 juin au tarif de 124 000 €. Pour ce supplément non négligeable, on dipsose d'une configuration unique avec une peinture Gris Circuito mat. Extérieurement, on retrouve d'autres éléments en carbone tels l'entourage de calandre ou les coques de rétroviseurs. A signaler enfin que la Giulia Quadrifoglio Nring s'affiche avec un toit en carbone apparent et non couleur carrosserie. On notera enfin la présence des freins carbone-céramique qui justifient une grande partie de l'écart de tarif. A l'intérieur, elle reçoit de série les sièges avant Sparco Racing avec coque carbone, un insert de levier de vitesses en carbone Mopar® et un volant sport en cuir/Alcantara avec inserts en carbone. Le tout est complété par un badge numéroté situé sur l'insert de planche de bord, en carbone lui aussi. Côté équipement, Alfa Romeo coche toutes les options avec le régulateur adaptatif Active Cruise Control, le Pack audio premium Harman Kardon et système d'infodivertissement Alfa™ Connect 3D avec écran 8,8'', Apple Car Play/Android Auto et radio digitale DAB.
MOTEUR
La Quadrifoglio a été la seule Giulia a requérir un délai d'attente pour être les livraisons. Cela est dû à la production limitée du V6. C'est d'ailleurs ce qui explique que, contrairement aux attentes de nombreuses personnes, dont les Américains amateurs de grosses cylindrées, on ne trouve pas ce V6 dans une version intermédiaire dégonflée. Une Giulia Veloce ainsi motorisée aurait à coup sûr plus de cachet que l'actuelle avec le 2 litres, vaillant mais sans charme…
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos chevaux, nombreux. Avec 510 (soit la puissance exacte de la Mercedes-AMG C63 S) condensés dans 2,9 litres, le 6 cylindres tout aluminium est plein comme un œuf. Caractéristique que l'on retrouve sur le couple, dont les 600 Nm sont disponibles dès 2 500 avec un plateau jusqu'à environ 5 500 tr/min. De la puissance, il y a. Du couple, encore plus. Quant à l'allonge, si la puissance maxi obtenue vers 6 000 tr/mn peut laisser sur sa faim pour un moteur siglé Ferrari, elle se maintient jusqu'à 7 000 tr/mn avec un rupteur à 7 400 tr/min autorisant une belle plage d'amusement. Non, s'il fallait pester contre quelque chose, ce serait un manque de caractère, revers de la médaille des qualités citées précédemment. La poussée est en tout cas vertigineuse avec un 0 à 100 km/h inférieur à 3,9 secondes. La vitesse maximale de 307 km/h parlera davantage aux frontaliers usant régulièrement la gomme en Allemagne…
La communication faite autour de Ferrari mérite que l'on s'y attarde. Nous nous sommes déjà attardés par deux fois sur la famille actuelle des V6 dans l'essai de la Maserati Ghibli S Q4 qui ne partage pas le même moteur. Et pour cause, bien que plusieurs accessoires soient communs entre les deux V6 cousins, plusieurs éléments fondamentaux les séparent. Le premier d'entre eux est leur origine. Né de la collaboration entre Ferrari et Alfa Romeo, le 2 891 cm3 dispose d'une pareille cylindrée car il s'agit, à la base, d'une extrapolation du V8 F154 de chez Ferrari qui équipe la California T. Il en conserve les cotes supercarrées (86,5 x 82 mm) et les turbocompresseurs IHI monoscroll incorporées dans le collecteur. Les pistons en aluminium forgés sont refroidis par jet d'huile. Autre conséquence de cette généalogie, l'angle d'ouverture du V6 est de 90°. Chose rare, c'est stipulé sur le cache-moteur ! Pour le reste, la paternité mécanique revient bel et bien à Alfa Romeo. Signe qui ne trompe pas, ce V6 n'est pas assemblé à Maranello contrairement aux V8 F136 qui faisaient l'aller-retour entre le fief de Ferrari et Modène, mais à Termoli.
Résolument moderne, ce moteur est équipé de la désactivation d'un banc de cylindres (le droit) en mode Advanced Efficiency. La consommation de notre essai a été somme toute raisonnable avec comme valeur finale un joli 11,5 l/100 km. Ce n'est pas tellement plus qu'avec le 2.0 TB actuel sur parcours semblable, et nettement moins que le mythique V6 Busso... Pour autant, difficile de ne pas être nostalgique de ce chef d'œuvre sur le plan acoustique et émotionnel. Car si la turbulente descendance concède à donner de la voix, ce n'est en mode Dynamic, qu'au-delà de 3 500 tr/min. En-dessous, c'est paisible et on ne profite des vocalises attendues d'un 6 cylindres. Les valves à l'échappement ne sont totalement ouvertes qu'en Race, mode trop extrême sur la route. Pourquoi ne pas avoir ajouté un bouton Echappement indépendant comme on peut en trouver chez la concurrence ?
Dernier point de nostalgie, les 2,9 litres de cylindrée nous replongent à l'époque du V8 des Ferrari 308 et Lancia Thema 8.32. Terminons malgré tout par l'avenir en précisant que le V6 de la Giulia Quadrifoglio va passer à la bi-injection tandis que les 4 cylindres TB vont recevoir un filtre à particules, nouvelles normes anti-pollution oblige.
D'abord exclusivement proposée en BVM ZF (contre Getrag sur les autres motorisations), la boîte automatique est arrivée sur la Quadrifoglio par le biais d'une série limitée célébrant le record réalisé sur le Nürburgring (en 7'32 minutes, mieux que la Porsche Panamera Turbo). Depuis quelques mois, seule la transmission ZF 8HP75 demeure, la boîte manuelle ayant été retirée du catalogue. Régulièrement essayée et presque aussi souvent appréciée, la boîte 8 de ZF ne déçoit pas. Parfaitement gérée et capable de comprendre le rythme instauré par le conducteur, elle s'utilise aussi bien en mode automatique qu'en manuel. Avec ses 8 pignons, l'étagement est du genre serré, au point de parfois se faire surprendre par l'arrivée rapide du rupteur. A titre de comparaison, la 6ème de la BVA tire comme la 5 de la BVM (ratio 1 ou prise directe), les rapports inférieur étant tous plus courts. A l'inverse, les 7 et 8 sont plus longues bien que le moteur tolère encore le dernier rapport à 80 km/h... Même en tant que défenseur de la boîte mécanique, il serait de mauvaise foi de critiquer cette boîte telle qu'elle est proposée dans la Giulia Quadrifoglio. En particulier lorsqu'elle s'accompagne des larges palettes en aluminium. Ce n'est que du bonheur.
SUR LA ROUTE
La Giulia, dans ses versions classiques, est la référence du moment du point de vue du comportement routier. C'est donc avec impatience que nous attendions de découvrir ce que valait sa déclinaison sportive. Pas la peine de prendre de gants, cet adjectif n'est pas usurpé. Nos lecteurs ont eu le nez creux lorsqu'ils lui ont offert le titre d'Automobile Sportive de l'année en 2015. A l'aspect redoutable des versions plus sages, le pôle Maserati-Alfa Romeo lui a assénée un tempérament de feu. C'est sauvage, très sauvage. Presque à l'excès, comme certaines AMG. Surprenant pour le constructeur que l'on a souvent surnommé « le BMW italien ». Même en sélectionnant le mode Normal du DNA, l'accélérateur est agressif. La belle se transforme rapidement en bête et ne fait pas dans la douceur. Oubliez la conduite fluide de bon père de famille...
Cela contraste avec l'amortissement piloté, tout simplement parfait, qu'il soit en position classique ou raffermie. Du jamais vu à ce point dans la catégorie. La direction est, elle aussi, toujours aussi parfaite, communicative à souhait pour retranscrire au caillou près les aspérités de la route. Malgré la répartition du poids à 50/50 préservée, le train avant demande une attention toute particulière pour être placé comme on l'entend, en partie à cause de la nervosité de l'ensemble moteur/boîte. C'est sur ce point que la Giulia Quadrifoglio peut donner l'impression de surjouer sa partition. Parfaite à la base, elle n'a pas besoin de cela. Avec 280 ch, la Veloce se montre plus homogène mais n'est-ce pas la limite de l'exercice lorsque même une version d'entrée de gamme (Giulia tb200) se révèle déjà sportive ?
On pourrait aussi être quelque peu déçu par le poids de l'auto. Initialement annoncé pour tourner autour des 1 524 kg à sec, la voici finalement plus proche des 1 700 kg sur notre version d'essai. Ce n'est pas mieux qu'une Audi RS5 pourtant pénalisée par son quattro. Mais en fait, non, cela semble être un faux problème tant la sensation de légèreté de la Giulia reste présente. L'efficacité est de mise et, en dépit d'une avalanche de couple sur les seules roues arrière, la conduite se fait naturellement, sans appréhension particulière ni électronique intrusive. Le différentiel arrière ZF inclut une fonction Torque Vectoring afin de transmettre 100% du couple sur une seule roue. L'Italienne donne un coup de vieux à l'AMG C 63 et distille plus d'émotions que la doublette RS4/RS5 Sportback. Reste que pour se permettre de passer en mode Race, synonyme d'assistances déconnectées, mieux vaut être copain avec le volant pour être sûr de rattraper les dérives inopinées.
S'il se révèle adéquat pour un maintien des performances sur la durée, le freinage carbone-céramique peine à se justifier sur une berline avant tout pensée pour rouler tous les jours. Sur pareille conduite, le manque de puissance et d'attaque de la pédale n'est pas agréable. Le mieux est l'ennemi du bien comme le dit l'adage bien que la technologie IBS (système électro-mécanique combinant l'ESP aux composants du freinage pour un gain d'espace et de poids) ne soit pas non plus étrangère à ce ressenti. Aucune version Q4, nom de la transmission intégrale chez Alfa Romeo, n'est prévue pour la Giulia Q. La distinction avec le Stelvio Quadrifoglio, uniquement proposé en Q4, n'en est que facilitée.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
ALFA-ROMEO GIULIA Quadrifoglio AT8
MOTEURType : 6 cylindres en V à 90°, 24 soupapes à distribution variable
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + 2 turbos IHI monoscroll (2 bars), échangeurs eau/air
Cylindrée (cm3) : 2891
Alésage x course (mm) : 86,5 x 82
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 510 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 600 à 2500
TRANSMISSION
AR + DGL mécanique
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés perforés (360) avec étriers 4 pistons - Disques ventilés (350), étriers 1 piston
Pneus Av-Ar : 245/35 - 285/30 R19
POIDS
Données constructeur à sec (kg) : 1620
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3.2
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 307
1000 m DA : ND
0 à 100 km/h : 3"9
CONSOMMATION
Cycle mixte constructeur (L/100 km) : 8.2
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 11.5
CO2 (g/km) : 189
PRIX NEUF (06/2018) : 83.290 €
PUISSANCE FISCALE : 40 CV
CONCLUSION
:-) Design Agrément moteur / boîte Châssis dément Amortissement piloté parfait Performances brutales Sportivité exacerbée... |
:-( ... mais accélérateur trop agressif Moteur linéaire Pas de bouton "Echappement" |
D'une efficacité chirurgicale, la Giulia Quadrifoglio signe le grand retour d'Alfa Romeo dans le monde des super sportives. Jamais une Alfa n'avait combiné de telles performances à un comportement aussi sportif. Un V6 plus sonore à la demande sans nécessairement passer par le mode Race et un tempérament moins exacerbé dans les autres modes, et c'était le sans-faute…