SUPER CARRERA !
Alors que la 911 semble condamnée à passer la main
au moteur avant, un sursaut du destin va lui permettre de subsister
contre vents et marées. La 911 Super Carrera marque à
ce titre un véritable tournant dans l'histoire du modèle...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Commercialisée à partir de Juillet 1975, la Porsche 911 Carrera 3.0 introduit la nouvelle génération de
911. Pourtant, les plans du Docteur Fuhrman ne sont clairement pas
à l'avantage de la 911 pour laquelle il envisage purement
et simplement un remplacement par les nouvelles Porsche à
moteur avant et refroidi par eau, les 928
apparue en 1977. Ferry Porsche, le fils du créateur tente
pourtant de maintenir la 911 au catalogue mais l'apparition de la
génération SC, pour Super Carrera, ressemble à
une véritable tentative d'assasinat, l'ironie voulant même
que cette "super 911" soit moins puissante que celle qu'elle
remplaçait, la Carrera 3.0L. Et de fait, la nouvelle venue
est une vraie fausse nouvelle voiture, fait demeuré unique
dans l'histoire de la 911. Mais par un coup du destin, celle que
l'on croyait bien être la dernière va finalement devenir
une miraculée, relançant la carrière du modèle
phare de Porsche pour une durée encore aujourd'hui indéterminée...
DESIGN
Extérieurement et techniquement, la filiation de la SC avec les 911
classic reste évidente mais on remarque cependant dès
le premier coup d'oeil, le montage de boucliers avec une proéminente
bande en plastique noir destinée à répondre
aux normes américaines, le premier marché convoité
par Porsche, en matière de sécurité. Elle dispose
des ailes larges de la Carrera 2.7 L, et des rétroviseurs peints
ton caisse, le deuxième étant en option. Les poignées
et entourages de porte sont en noir mat ou chromés en option.
Visuellement, la nouvelle Porsche 911 SC (Super Carrera) de base
est donc en tous points similaire à la Carrera 3.0L, y compris
au niveau des jantes étoile ATS de 15". Beaucoup de
clients leur préfèreront toutefois les Fuchs en 16".
Si l'on exclut bien sûr le logo apposé sur le capot
arrière, rien ne permet donc une identification immédiate
de cette "nouvelle 911" qui fait son apparition en août
1977. Dès sa sortie, la SC perpétue la tradition du
Targa.
HABITACLE
Intérieurement, l'équipement de la SC est désuet et
les options sont hélas nombreuses (pack électrique, lave
phares, rétroviseurs chauffants à réglages électriques...). Le tableau
de bord à cinq cadrans ne change pas, typique 911. On y trouve toujours
de gauche à droite la jauge d'essence, la température d'huile et
pression d'huile, le compte tours en position centrale (zone rouge
à 6600 tr/mn, coupure à 7200 tr/mn), le compteur de vitesse gradué
jusqu'à 300 km (comme sur la 911 Carrera RS
2,7) et enfin la montre. En août 1979, avec la sortie
de la SC 188 ch, un volant trois branches en cuir plus petit et
une console centrale sont intégrés. On trouve aussi
les vitres électriques et un éclairage du compartiment
moteur. Extérieurement, l'entourage des vitres, poignées
de portes sont désormais noir mat uniquement, et les cerclages
de phares sont quand à eux peints de couleur caisse. Pour
la Targa, l'arceau devient noir mat. Peu après le succès de Jean-Pierre
Nicholas au Monte Carlo 78, Porsche engage la voiture en Safari.
Mais l'année 82 marque un évènement bien plus
important dans l'histoire de la 911. Il s'agit du lancement d'un
cabriolet qui fait suite au prototype de cabriolet à 4 roues
motrices exposée au Salon de Francfort en Septembre 1981
(Voir encadré en bas). Un premier prototype de 911 SC à
quatres roues motrices sera d'ailleurs inscrit au Paris Dakar en
1984 et donnera naissance un an plus tard à la mythique Porsche
959.
LA
PREMIERE 911 CABRIOLET !
L'année
82 marque un évènement important dans
l'histoire de la 911. Il s'agit du lancement d'un cabriolet
qui fait suite au prototype de cabriolet à 4
roues motrices exposée au Salon de Francfort
en Septembre 1981. La présentation officielle
du modèle SC Cabrio de série a lieu en
mars au salon de Genève. Le cabriolet 911 reprend
la mécanique du coupé 204 ch. Il est assemblé
par les ateliers Reutter (comme les 356 cabriolet) et
dispose d'une capote à actionnement manuel et d'une
lunette arrière en matière composite qui s'ouvre avec
une fermeture à glissière. La conception de la capote
du cabriolet reprend pour moitié des profilés en acier
qui assurent une grande stabilité de la forme même en
cas de vitesses élevées.
MOTEUR
Le 3 litres de la SC (moteur type 930/03) provient directement de
celui de la Porsche 911 Turbo 3.0 (930), issu lui-même de
celui de la rarissime Carrera RS 3.0 de 1974. En 1968, le carter
en alu avait été remplacé par un carter en
alliage de magnésium. On recourut à l'opération
inverse pour la Carrera 3.0, en remplaçant le carter magnésium
par un carter en alu, plus lourd mais plus rigide et capable de
mieux résister aux sollicitations locales élevées.
Pour coiffer les cylindres de 95 mm, il fallut modifier la culasse.
Conduits et soupapes restaient les même que ceux du moteur
2,8 litres, mais la distance entre les tirants fixant les cylindres
et leurs culasses sur le carter dut être augmentée
à cause du plus grand diamètre des cylindres. Ce moteur
de 3 litres, exactement 2994 cm3 (alésage 95 mm, course 70,
4 mm) possède des soupapes de 49 mm à l'admission
et 41,5 mm à l'échappement. Les cames sont moins dures,
le vilebrequin est nouveau, les paliers principaux sont agrandis
et les têtes de bielle ont un plus grand diamètre.
Le carter est en aluminium coulé, les cylindres en Nikasil,
comme sur la fameuse RS 2L7. Les arbres
à cames sont nouveaux. La turbine de refroidissement à
11 pales de 226 mm et tourne avec un rapport 1,8:1 (1,8 fois la
vitesse du moteur). Un nouvel allumage à décharge
de condensateur et sans rupteur est monté. Le moteur fonctionne
à l'essence normale d'indice 91. Une pompe à air est
montée sur tous les modèles. Le nouveau moteur est
pourtant moins puissant sur la SC que sur la Carrera 3L, 180 chevaux
contre 200, la pillule est dure à faire avaler ! Les ingénieurs
se défendent tant bien que mal, en justifiant par ici un
couple amélioré, par là une pollution plus
faible. Il faudra finalement attendre août 1979, pour que
la puissance gagne 8 ch (188 ch à 5500 tr/mn, couple: 27
mkg à 4200 tr/mn), essentiellement par modification du taux
de compression qui passe à 8.6 :1. L'évolution s'accompagne
cependant d'une obligation d'utiliser du supercarburant et non plus
de l'ordinaire comme précédemment. Les versions US
gardent la puissance de 180 ch (type moteur 930.65). La pompe à
huile est plus grosse, de même que les pales de la turbine
de refroidissement passe de 226 mm à 245 mm. La boite manuelle
(type 915/62) à 5 rapports est toujours utilisée,
mais la 5ème est légèrement plus longue. La
sportomatic 3 rapports est également proposée en option.
Enfin, la consommation vous ramenera à la réalité
d'une autre époque, le Flat 6 engloutit allègrement
ses 15 litres de sans plomb 98 tous les 100 km.
CHASSIS
Qu'on ne s'y trompe pas, malgré une ligne toujours d'actualité,
la Porsche 911 SC se conduit comme une voiture de sport ancienne,
et plus encore comme une vieille 911... Par rapport à une
911 moderne, comme la dernière Porsche
911 Carrera 997, le comportement d'une Porsche SC vieille de
plus de 20 ans a de quoi dérouter. Problème inhérent
au moteur en porte-à-faux arrière, la tenue de cap
pose des problèmes qui s'amplifient proportionnellement à
la puissance et la vitesse. Pour maîtriser ce phénomène,
les techniciens Porsche n'ont eu de cesse d'essayer d'améliorer
les choses. Jantes et pneus ont subit la même inflation que
la puissance, ce qui a impliqué plusieurs modifications de
géométries de suspension. Sur la SC, les pneumatiques
d'origine sont à l'avant en 185/70 VR 15 et à l'arrière
215/60 VR 15. La conception de la suspension dotée à
l'origine d'amortisseurs Boge résulte aussi de ce souci de
gain de place, comme le montre le choix à l'avant d'un McPherson
allié à des barres de torsion plutôt qu'aux
ressorts à boudin habituellement utilisés avec ce
dispositif. Les barres de torsion sont chères au Professeur
Porsche qui en avait breveté l'emploi, combinées aux
bras tirés qui guident les roues arrière. Longtemps
(trop longtemps d'ailleurs), les 911 furent dépourvues de
barres anti-roulis, seulement proposées en option. Sur la
SC, la barre antiroulis avant est de 20 mm, à l'arrière
de 18 mm. La barre de torsion arrière est de 23 mm, puis
24 mm à partir du millésime 1980. Pourtant, les défauts
de cette porsche 911 SC sont toujours ceux de ses ainées,
et il suffit d'avoir conduit une voiture normale avant d'en prendre
le volant pour qu'ils vous sautent à la figure ! Du caractère,
elle n'en manque pas, à tel point qu'au début c'est
plutôt elle qui vous conduit que l'inverse ! Vive et instable,
elle demande un sérieux temps d'adapatation avant d'en comprendre
le mode d'emploi. Seulement voilà, quand on a passé
ce cap, tous ces petits traits de personnalité deviennent
vos alliés pour une conduite qui vous impose toujours d'appliquer
les règles de bases du pilotage. Véritable voiture
école pour pilote en herbe, la Porsche 911 SC se conduit
avec le frein et l'accélérateur. On entre dans les
virages pied levé, pour contrer la tendance sous vireuse,
puis on laisse le train arrière amorcer une légère
dérive que l'on contrôle à l'accélérateur
et au volant jusqu'à ce que la trajectoire de sortie du virage
soit visible et que l'on puisse remettre les gazs à fond.
Côté freins, les quatre disques ventilés font
bien leur boulot, bien aidés par le poids raisonnable de
cette sportive pesant moins de 1200 Kg à vide. Le freinage
est doté d'une assistance Hydrovac mais bien sûr, il
n'y a pas d'ABS et il ne faut pas hésiter à appuyer
fort pour s'arrêter, toute la difficulté étant
de sentir le moment ou l'adhérence des gros pneus est dépassée.
Heureusement, le dosage est assez facile. Amateur de conduite sportive
pure et dure, la SC est faite pour vous !
ACHETER UNE
PORSCHE 911 SC 204 ch
Réputée fiable, à juste titre, et largement
diffusée (30778 exemplaires en Europe, de 1977 à 1983),
la 911 SC constitue pour beaucoup un ticket d'entrée attractif
dans l'univers Porsche et plus particulièrement dans la famille
des 911istes. Pour 15000 euros, même souvent moins, le mythe
est à la portée du premier venu. Pour le prix d'un
citadine, la tentation est grande... Car il faut reconnaître
que malgré le poids des ans, un bel exemplaire de cette grenouille
conserve un pouvoir de séduction indéniable, dû
en grande partie à sa ligne superbe, unique et indémodable.
Tout d'abord, cette étonnante longévité, la
SC la doit en particuleir au fait que c'est l'une des premières
911 qui ne rouille pas, comme la 930 Turbo, traitée au Zinc
à partir de 76. De même, la Flat 6 3 litres se montre
très résistant à l'effort, preuve de sa bonne
conception. Les seules faiblesses concerne les tendeurs de chaîne
de distribution, qui peuvent être remplacés par des
tendeurs de Carrera 3.2L. Toutefois,
la Porsche 911 SC ne peut que difficilement cacher son âge
et un entretien laxiste dès qu'il s'agit de passer à
une inspection approfondie. Car fiabilité rime aussi avec
entretien suivi, ce qui malheureusement devient aléatoire
dès lors que l'on parle de petit budget. Il conviendra donc
de se montrer très exigeant dans une offre très variée
en terme de qualité et de prix. Entre certains modèles
collectors, en état concours comme une série limitée
"SC Jubilé" de 1980 ou le modèle spécial
« Ferry Porsche » produite à 200 exemplaires
seulement et les SC d'origine aussi douteuse que leur kilométrage
réel, il y en a pour toutes les bourses. Bien que toutes
les pièces soient encore disponibles neuves chez Porsche,
il faut savoir qu'une remise en état, sur une 911 de cet
âge, reviendra rapidement plus cher que de sélectionner
un modèle sain, sans mauvaise surprise et vendu au juste
prix ! Les Porsche 911 Carrera 3L2
arrivant maintenant dans les mêmes ordres de prix, les écarts
de prix entre les belles SC et les épaves n'a jamais été
aussi réduit. Raison de plus pour prendre son temps et bien
choisir ! Optez enfin pour une assurance collection (environ 300
euros/an, tous risques) et le plaisir de conduire une Porsche 911
sera alors un rêve à votre portée...
CHRONOLOGIE
1977 : Août, la 911 SC 3.0 Coupé prend la relève
(AM 1978 à AM 1979) 180 ch, boîte mécanique 5 rapports. 10.832 ex.
+ 8.108 Targa.
1978 : Option SC Martini, bandes adhésives type course.
1979 : A partir de l'année modèle 1980, moteur 188 ch, volant
plus petit et léves-vitres électriques.
1980 : Août, moteur type 930/12, la puissance passe
à 204 ch sauf pour les USA, reconnaissable aux répétiteurs
de clignotants latéraux. Boite mécanique à 5 rapports
modifiée (915/62). La version sportomatic n'est plus disponible.
Série limitée Jubilé.
1982 : En septembre, 911 SC Cabrio (AM 1983) 4.096 exemplaires.
Série limitée Ferry Porsche (200 exemplaires)
1983 : Fin de production en cours d'année, remplacée par
la 911 Carrera 3.2. Total = 57972 ex.
1984 : Version compétition baptisée SC/RS
(AM 1984). Moteur Boxer 250 ch à 6500 tr/min, 250 Nm à 6500 tr/min.
Boîte mécanique 5 rapports. 20 exemplaires produits.
:: CONCLUSION
Comme nous, vous êtes amoureux de la 911 et vous recherchez
une sportive efficace sur la piste ? Une sportive virile, authentique
et sans compromis, avec laquelle vous apprendrez l'art du pilotage
? Ne cherchez plus ! Porsche a pensé à vous en 1991
et la 911 Carrera RS 3.6, véritable 964 Cup homologuée
route, est la belle dont vous avez toujours rêvé. Et
si vous en avez les moyens, et le talent, une rarissime RS 3.8 vous
comblera de bonheur, bien au-delà de vos espérances... |