ASTON-MARTIN VANTAGE (2018) V8 4.0 Bi-turbo (2018 - )
La Vantage et L'inconvénient...
Contraint de tuer son vieux V8 atmosphérique, Aston Martin a dû réinventer totalement la gamme Vantage. Après une mise en bouche en demi-teinte dans la DB11 V8, il nous tardait de savoir si la recette Anglo-saxonne pouvait fonctionner dans une forme allégée...
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
La première utilisation du nom Vantage chez Aston Martin remonte à la DB2 de 1951. Il s'agissait alors d'une option de moteur à haut rendement et le principe perdura jusqu'à ce que la Vantage devienne un modèle à part entière de la gamme. Tout d'abord de façon très éphémère, entre 1972 et 1973, avec la Vantage 6 cylindres dérivée de la DBS puis, de façon durable à partir de 1977, en succédant à l'Aston Martin V8. La seconde Vantage, ou V8 Vantage, apparue en 2005 est celle qui aura connu la carrière la plus longue avec 13 années de commercialisation ! Une longévité qui lui permet de revendiquer un autre record, celui de l'Aston Martin la plus vendue de tous les temps avec un volume de 25 000 exemplaires produits entre 2005 et 2018.
Dans un contexte toujours difficile pour Aston Martin, on aurait toutefois pu craindre pour la survie de la "Baby Aston" au catalogue. L'annonce de la DB11 V8 en juin 2017 avait contribué à semer le doute mais nos craintes ont été dissipées en découvrant la nouvelle et troisième Vantage lors de sa présentation le 21 novembre de la même année. Les livraisons ont démarré au deuxième trimestre 2018 mais c'est seulement en ce début d'année que nous avons pu en prendre le volant sur nos terres, avec des conditions météo "so British"...
PRESENTATION
La nouvelle Vantage marque une vraie rupture stylistique avec sa devancière et même avec tout ce qui a caractérisé le "style Aston" durant près de 20 ans, depuis la DB7. Ainsi, ses formes s'inspirent beaucoup du travail réalisé sur la DB10, voiture-concept conçue exclusivement pour le film Spectre sur la base de l'ancienne Vantage. Cet exercice de style n'aura donc pas été qu'un coup marketing mais le premier fruit d'une intense réflexion déjà engagée sur ce que pouvait devenir le style de la marque. Inédit, l'avant se caractérise par une gueule béante qui réinvente la traditionnelle calandre Aston en l'étirant à l'extrême. Les flancs bodybuildés reposent sur des passages de roues XXL qui s'achèvent sur un arrière en queue de canard inspiré de la DB10. Souligné par une zone lumineuse rouge sur toute la largeur, il surplombe un diffuseur massif intégrant les échappements. C'est la partie la plus spectaculaire de la Vantage, de notre point de vue, car elle sublime ses proportions athlétiques et son style très personnel. Avec une largeur étendue à 2m15 aux rétros (+6 cm sans les rétros), impossible de passer inaperçu dans la circulation ! La longueur de 4m46 (+8 cm) préserve l'aspect trapu qui caractérisait la précédente Vantage tout en masquant les 2 cm de hauteur supplémentaire qui facilitent l'accès à bord. En stricte 2 places, la Vantage reste aussi à bonne distance du gabarit de la DB11, 28 cm plus longue, mais n'est que 3 cm plus courte que sa principale rivale, la Porsche 911, offrant 4 places.
Derrière ce style plus exubérant, la performance aérodynamique a aussi été centrale dans le développement de la Vantage 2018. Ainsi le séparateur avant dirige le flux d'air sous la voiture jusqu'au diffuseur tout en alimentant des zones de refroidissement bien définies. Les prises d’air latérales intégrées à la carrosserie évacuent la pression de l'air des passages de roues avant. Le dessin de coffre contribue lui aussi à créer une déportance importante, tout ça au bénéfice de la stabilité.
HABITACLE
La rupture des codes se poursuit plus profondément encore à l'intérieur de la Vantage. Sur ce point, le design prend même le risque de devenir clivant : on aime ou on n'aime pas ! En tirant un trait sur la traditionnelle organisation symétrique autour de sa colonne vertébrale, c'est toute l'ergonomie du poste de conduite qui a été repensée pour former un curieux mélange d'influences germaniques et anglaises. Avec son cockpit ultra moderne au dessin torturé, il n'y a guerre plus que le logo Aston Martin sur le volant pour se convaincre de ne pas avoir changé de marque en s'installant à bord de la nouvelle Vantage. On note au passage que la sublime clé de contact "cristal" a laissé place à un boitier plastique très quelconque dont le contenu technologique est évidemment fourni par Mercedes.
Il faut dire que, dans le cadre du partenariat établi, les anglais ont eu la charge de réutiliser "tels quels" un maximum de composants en provenance d'Allemagne. Ceci bien évidemment afin de réduire les coûts de développement et de production, mais sans que cela ne se voit trop non plus... L'oeil habitués aux produits de l'étoile ne sera toutefois pas long à retrouver les indices dispersés un peu partout, au niveau des commodos, des commandes de boîte, de la navigation ou du multimedia. On peut regretter que l'Aston Martin perde une partie de son identité et de son charme dans cette mutation profonde, mais la rationalisation industrielle est à ce prix. En pleine période de "Brexit", avouons que la situation a quelque chose d'assez incongru. On se console avec une finition tout bonnement exceptionnelle, l'odeur unique de la profusion de cuirs de haute qualité et un équipement de série plutôt généreux... mais gare aux innombrables options (cf. paragraphe Achat).
MOTEUR
Bien que nouveau, le coeur mécanique de la nouvelle Vantage 2018 nous est bien connu. Même si les communiquant d'Aston Martin ne souhaitent pas mettre l'accent (anglais) sur ses origines germaniques, il s'agit bien du V8 4.0 Bi-turbo qui équipe aujourd'hui la majorité des modèles Mercedes-AMG. Placé bas grâce au carter sec et aussi loin que possible dans le châssis pour optimiser le centre de gravité et la répartition du poids, il délivre ici 510 ch. Exactement comme dans la DB11 V8 et comme dans la première version de l'AMG GTS... Ach so ! Rationalisierung, on vous dit !
La Vantage profite toutefois d'un petit bonus côté couple, celui-ci passant de 675 à 685 Nm, toujours constant entre 2000 et 5000 tr/min, à la faveur d'une admission et d'un échappement retravaillés par les motoristes anglais. L'impression se confirme dès la mise en route du V8 qui, même sans activer le mode Sport+, expulse un râle caverneux digne d'un Grizzly en rut ! Comme nous avons déjà pu le dire, le caractère de ce V8 Bi-turbo, plein partout, est très linéaire. Il bondit avec aisance vers 7000 tr/mn, sans lag, mais sans relief non plus. C'est très sonore, mais on ne retrouve pas pour autant le caractère d'un gros V8 atmosphérique, comme dans la Ford Mustang GT ou la Lexus LC 500.
La Vantage déploie cette "kolozale puizanze" aux roues arrière par le biais d’une transmission automatique ZF à 8 rapports montée à l'arrière en position transaxle. C'est la seule entorse faite à son fournisseur attitré puisque l'AMG GT, de son côté, utilise une boîte à double embrayage Speedshift 7. Par ailleurs, l'offre de boîte mécanique disparaît pour le moment, ce qui ne laisse aucune alternative. Très honnêtement, les clients Aston ne sont pas perdant au change tant la désormais fameuse ZF8 a fait ses preuves en matière d'agrément et de rapidité. Elle participe en outre à contenir la consommation à un niveau très raisonnable comme en attestent les 12L de moyenne relevés sur notre essai. Malgré tous ces efforts de modernisation, l'Aston n'échappe toutefois pas au super malus, ce qui poussera sans doute certains à regretter l'ancien V8 4.7L, même avec un bonus de 80 ch...
SUR LA ROUTE
Contrairement à James Bond, il ne s'agissait pas pour nous d'utiliser un "permis de tuer" mais plutôt de ne pas tuer notre permis au volant de cette surpuissante Vantage. Avec un poids à vide - certes très optimiste - donné pour 1530 kg, la nouvelle Vantage V8 affiche en effet un rapport poids/puissance et poids/couple digne de l'ancienne V12 Vantage ! Ces dispositions incomparables se ressentent sans équivoque dès que l’on appuie sur la pédale de l’accélérateur. Capable de bondir sauvagement de 0 à 100 km/h en 3,7 secondes et d’atteindre une vitesse maximale de 314 km/h, la Baby Aston a réellement changé de dimension et envoie désormais du très lourd. En fait, ce n'est plus du bois mais carrément des blocs de béton armé...
Le châssis de la Vantage est directement dérivé de celui de la DB11, comme cela était le cas auparavant. Sa structure entièrement en aluminium collé possède cependant 70% de composants spécifiques. L'équilibre et la rigidité de l'ensemble saute immédiatement aux yeux, ou plus exactement aux fesses et aux mains. A travers le volant, le train avant se montre précis et vif, aidé par une direction directe (2,4 tours entre butées) et moins lourde. Malheureusement aussi, moins naturelle dans son ressenti, l'assistance étant variable selon la vitesse et électrique.
L'amortissement adaptatif Skyhook offre le choix entre les modes Sport, Sport Plus et Track. ne cherchez donc pas de mode "Confort" ou même "Normal", il n'y en a pas. Le fessier comprend rapidement que les ingénieurs ont fait le choix délibéré d'un typage sportif sur la Vantage... pour le coup très différent de celui de la DB11 V8 qui ondule généreusement sur la chaussée de tout son poids. Tout en l'appréciant au moment de profiter des séries de virages offertes par les boucles de Seine, on finit par regretter le manque de polyvalence de l'amortissement piloté lorsqu'on s'aventure en dehors des routes bien lisses... autrement dit la majorité de notre réseau secondaire.
La nouvelle Vantage marque aussi l'arrivée d'un différentiel piloté électroniquement en lieu et place de l'ancien système mécanique. Contrairement à un LSD conventionnel, celui-ci peut passer de complètement ouvert à 100% verrouillé en quelques millisecondes. L’E-Diff, c'est son nom, apporte une nouvelle fonction de vectorisation dynamique du couple et en associant le contrôle de stabilité dynamique, l'amortissement adaptatif et la direction assistée, chaque mode optimise le comportement routier dans son ensemble.
Assurément, la Vantage a gagné en agilité, en réactivité et en vélocité par l'abondance omniprésente de couple du V8 AMG conjuguée à un châssis hautement supervisé par l'électronique. Si vous comptez désactiver les aides sur sol humide, pensez à faire copain-copain avec Saint Christophe... Mais en restant raisonnable, on peut profiter du caractère de Muscle Car de l'Aston sans pour autant mouiller son pantalon à chaque sortie de courbe. Bien sûr, en conduite sportive (et on ne parle même pas encore de circuit) la masse se fait ressentir. D'abord par un léger manque de progressivité de l'amortissement, mais aussi par le mordant un peu faiblard des freins, même si leur efficacité globale n'est pas problématique. Heureusement, car on a tout de même des disques de 400 mm à l'avant ! Résolument modernisée, la Vantage revient dans les standards actuels. Mais en se montrant à la fois plus brutale et facile, la Vantage perd en authenticité et en feeling ce qu'elle gagne en efficacité.
ACHETER UNE ASTON MARTIN VANTAGE
L'Aston Martin Vantage débute ses tarifs à 155 900 €, l'inflation avec la précédente génération est donc conséquente puisqu'elle dépasse les 30 000 € ! C'est cher, mais à mi-chemin entre la Jaguar F-Type R de 550 ch (120 000 €) et la McLaren 540C (173 000 €). Côté Allemand, on trouve en face de la Vantage des rivales très bien armées : la Porsche 911 GT3 Touring (155 300 €), la Mercedes AMG GTS (150 100 €) et l'Audi R8 V10 RWS (143 000 €).
On dispose pour ce prix d'un équipement standard haut de gamme, avec le démarrage sans clé, le contrôle de la pression des pneus et une assistance au stationnement. Le système de divertissement avec écran LCD de 8” comprend le système audio d’Aston Martin et la navigation. La possibilité de personnalisation fait évidemment partie des grands atout de la marque. On a de quoi passer un bon moment sur le configurateur pour trouver l'association idéale de coloris de carrosserie, de finitions, tout notamment, de jantes, et la même chose pour la sellerie et les accastillages !
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
ASTON-MARTIN VANTAGE (2018) V8 4.0 Bi-turbo
MOTEUR
Type : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes, double calage variable continu
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + 2 turbos (1,1 bars) avec échangeur eau/air
Cylindrée (cm3) : 3982
Alésage x course (mm) : 83 x 92
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 510 à 6000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 685 de 2000 à 5000
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : Automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés bi-matière (400) - disques pleins (360) + ESP
Pneus Av-Ar : 255/40 - 295/35 R20 (Pirelli PZero)
POIDS
En ordre de marche (kg) : 1530
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 314
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 3"6
0 - 200 km/h : NC
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 10.5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 12
CO2 (g/km) : 245
PRIX NEUF (01/2019) : 155 294 €
PUISSANCE FISCALE : 41 CV
CONCLUSION
Résolument modernisée, l'Aston Martin Vantage revient enfin au niveau des standards actuels de sa catégorie et muscle son jeu. En se montrant à la fois plus brutale et facile, la Vantage perd toutefois en authenticité et en âme, ce qu'elle gagne en efficacité pure. Une page s'est tournée à Gaydon...
Ligne sculpturale
Sonorité sauvage
Performances ébouriffantes
Châssis parfaitement équilibré...
... mais sans progrès sur le poids
Design intérieur torturé
Navigation non tactile peu pratique
Amortissement ferme
Direction moins naturelle
Anglaise ou Allemande ?