ABSOLUE MAITRISE
Oui, BMW maîtrise son sujet, les voitures plaisir, celles
qui bravent les interdits mais aussi les lois de la physique. Coupé
à la fois sportif et luxueux, la M6 E63 perpétue
une tradition vieille d'un quart d'année. Et forcément,
25 ans d'expérience, feront toujours la différence...
Texte :
Anthony SINCLAIR
Photos : D.R.
En 1984 le coupé BMW
M635 CSI se distinguait déjà par ses qualités
et ses performances. Baptisé M6 en fin de carrière, ce coupé aura
attendu près de 20 ans pour trouver digne descendance. Avec
la nouvelle M6, la société BMW Motorsport GmbH présente le coupé
de luxe de la série 6 dans sa déclinaison la plus sportive. Contrairement
à ses concurrentes - dont la plupart sont de strictes biplaces -,
la M6 E63 offre cependant l'habitabilité et l'agrément d'une 2+2 places
typique ainsi que l'équipement somptueux caractérisant toute BMW
haut de gamme. Sans oublier le principal atout du clan "M"
: un moteur, et quel moteur, celui de la BMW
M5 E60 !
DESIGN
Figurant parmi les références dans la catégorie
des coupés de luxe, la nouvelle BMW série 6 a fait
taire les anti-Bangle du monde entier. D'ailleurs, la M6 E63 devait
respecter au maximum les lignes du modèle de base. Les différences
stylistiques sont donc discrètes, mais cohérentes.
Elles soulignent l'assurance que dégage la voiture : où
qu'elle se présente, la M6 joue sans ostentation le rôle
d'un coupé sportif. Descendant plus bas, son bouclier avant
présente de larges prises d'air destinées à
alimenter le gros moteur en air frais. De petites lèvres
aérodynamiques intégrées au bouclier avant
- les "flaps" - réduisent le coefficient de portance
sur l'essieu avant. Renflés et surbaissés, les bas
de caisse sont plus musclés que ceux de la série 6
de base. Comme d'autres, cette modification a une finalité
autant esthétique que technique : ils améliorent l'écoulement
de l'air sous la voiture. Le soubassement présente, lui aussi,
des carénages optimisant son comportement aérodynamique.
La BMW M6 E63 adopte aussi de très belles roues de 19" au
look exclusif. Le logo M apposée sur les baguettes latérales
intégrant les répétiteurs de clignotant souligne
les nobles origines de ce coupé Bavarois.
Grâce à
leurs contours étudiés en soufflerie aérodynamique,
les rétroviseurs spécifiques contribuent eux aussi
à la réduction de la portance au niveau de l'essieu
avant. Avec son diffuseur arrière, le bouclier arrière
rappelle celui de la M5 E60 avec ses 4 embouts d'échappements
ronds. Résultat de ces aménagements aérodynamiques
: un excellent coefficient de traînée et un appui au
sol accru. De plus, le diffuseur favorise l'évacuation de
l'air de refroidissement du différentiel arrière.
En dépit des apparences, BMW a entâmé une chasse
aux kilos superflus, ainsi les panneaux latéraux avant sont
réalisés en thermoplastique, le capot arrière
en composite SMC (Sheet Moulding Compound) et le toit en carbone
collé sur la caisse, à l'instar de celui de la M3
CSL, ce qui a permis aux ingénieurs M de gagner environ
4,5 kilos, tout en apportant un peu plus d'exclusivité à
ce superbe coupé. En option, la M6 peut même recevoir
une lunette arrière à paroi plus mince... Enfin, notre
BMW M6 d'un jour se pare d'un inédit rouge Indianapolis.
HABITACLE
A l'intérieur, la sportivité se fond dans une noblesse
bourgeoise prédominante. En plus d'une habitabilité
généreuse pour un coupé 2+2 (ou d'un cabriolet concernant la M6 E64) et d'un grand coffre
pour voyager (bien que celui-ci contienne la batterie), le coupé M6 E63 offre
un haut niveau de sécurité active et passive, ainsi
qu'un équipement de limousine. Mais malgré cette débauche
de matériaux somptueux, le dessin de cette planche de bord
prend des airs de SUV. Heureusement, le poste de conduite, orienté
vers le conducteur, conserve une propriété typiquement
BMW. Toutes les fonctions relevant directement de la conduite sont
agencées sur le volant ou autour de lui dans une position
plus ergonomique qu'esthétique. Les sièges sport M
de série aux contours parfaits assurent un maintien optimal
et de multiples réglages. Le volant gainé cuir tombe
bien en mains, les palettes de commande SMG redessinées et
repositionnées permettent de commander le passage des rapports
par une simple pression du doigt. Le compteur de vitesse et le compte-tours
cerclés par des anneaux chromés semblent de prime
abord bien seuls pour afficher les informations vitales d'une telle
mécanique. Mais BMW a rusé. Sur le compte-tours, la
plage de régimes est représentée de manière
exceptionnelle : en fonction de la température de l'huile
moteur, la plage des régimes autorisée est délimitée
par un champ de pré-alerte jaune et un champ d'alerte rouge.
Plus la température d'huile augmente, plus la plage des régimes
exploitable s'élargit. Cette solution permet au conducteur
de respecter la température d'huile moteur de manière
intuitive. Véritable centre de contrôle du bolide,
la fonction "MDrive" s'active depuis le volant. Elle permet
au conducteur de passer de la configuration d'un coupé confortable
à celle d'une voiture de sport pur sang, et vice versa par
le biais de réglages et programmes dynamiques configurés
au préalable, peuvant être mémorisés
dans le système Key Memory !
Enfin, il y d'autres traditions
qui ne se perdent pas, et à quelques exceptions près,
le client d'une M6 E63 peut choisir tout ce qu'il veut dans la gamme
très complète des équipements et options de
personnalisation. On retiendra surtout l'éclairage directionnel
adaptatif, le visuel tête haute (Head-Up-Display, HUD) ainsi
que le régulateur de vitesse, option indispensable avec une
telle cavalerie mais mesquinement facturée 290 euros...
MOTEUR
Le dix cylindres en V de la BMW M6 E63, s'il n'est pas inédit car
issu directement de la berline M5, reste l'une des mécaniques
les plus fascinantes animant une automobile de série. Attention,
c'est du lourd ! Quoique de par son poids de 240 Kg, il s'avère
plutôt extrêmement léger. 10 cylindres en V ouvert
à 90°, 5 litres de cylindrée, alimentation atmosphérique,
507 ch (373 kW), 520 Nm, 8 250 tr/mn de régime maxi : la
fiche technique de ce moteur l'élève dans une catégorie
où bien peu de motoristes exercent. Sans revenir sur tous
les détails de cette motorisation, largement abordés
sur le dossier de la BMW
M5 E60, rappellons que conformément à la philosophie
Motorsport, la puissance s'obtient en allant chercher le couple,
loin dans le haut du compte-tours, pour dépasser la barre
magique des 100 ch par litre de cylindrée. Nul ne saurait
d'ailleurs nier qu'il est empreint de la sonorité du moteur
d'une F1. D'une acoustique un peu plus grave et plus sonore que
sur la M5, le dix cylindres de la BMW M6 ne cache pas son envie
de tourner vite, sur circuit de préférence pour préserver
les 12 petits points de son permis.
Et pourtant, il n'en est pas
moins apte au quotidien. Quelles que soient les exigences, la M6
y répond à la perfection, grâce à sa
gestion électronique "maison" très puissante
et capable de traiter un nombre incroyable de paramètres,
dont notament une détection très fine du cliquetis
pour chaque cylindre et un réglage permanent du mélange
air/carburant permettant d'obtenir une très grande douceur
de fonctionnement. Alors que 450 Nm sont disponibles dès
3 500 tr/mn, 80% du couple maxi sont disponibles sur une plage de
5 500 tr/mn et, donc, très large.
Premier constructeur au
monde à proposer une boîte à commande séquentielle
à sept rapports et fonction Drivelogic, BMW accouple à
son merveilleux V10 une transmission qui ne l'est pas moins. Elle
permet tant un passage manuel ultrarapide des rapports que le passage
automatisé des rapports pour des balades plus sereines. Gérée
sans accroc et pouvant encaisser jusqu'à 550 Nm de couple,
elle peut ainsi tenir, en théorie, toute la vie du véhicule.
Dans la pratique, les sauts de régime et de couple sont encore
moins perceptibles que sur la boîte à six rapports
SMG2 de la M3 e46.
Cette boîte SMG 3 raccourcit les temps de passage des rapports
de 20 %. Les changements de vitesses sont quasiment insensibles
et ultrarapides c'est l'âme en peine que l'homme doit s'incliner
devant la machine. Objectivement, aucun pilote, aussi chevronné
soit-il, ne saurait faire mieux... La M6 passe quasiment de l'arrêt
à la vitesse maximale sans rupture de charge, c'est encore
plus impressionnant avec la fonction de départ automatisé
("launch control") comme en F1 proposée par la
fonction Drivelogic de la boîte SMG. Le conducteur dispose
au total d'un panel de 11 options lui permettant d'adapter les changements
de vitesses à son style de conduite ! Mais il y a fort à
douter que devant tant de possibilités de réglages,
la plupart des acheteurs renonceront à utiliser leur voiture
comme un PC...
A vouloir trop en faire, la BMW M6, comme la M5 en
deviennent trop faciles et trop assistées, des caractériqtiques
autrefois incompatibles avec la notion de sportivité. La
boîte SMG à sept rapports aide en fait le simple conducteur
à réaliser des exploits de pilote de course. Pourtant,
il est un indicateur preuve de sportivité qui lui, ne trompe
pas son monde : le rapport poids/puissance. Avec 3,3 Kg/ch, le coupé
BMW M6, qui pèse environ 45 Kg moins lourd que la M5, est
donc en droit de réclamer une place de choix parmi les meilleures
sportives. La M6 n'est pourtant rien d'un poids plume : presque
1800 Kg à vide selon la norme choisie, voilà de quoi
faire hérisser les poils d'un pilote ! Ce 10 cylindres permet
pourtant à la BMW M6 E63 de tutoyer en performances des coupés
2+2 tels que Porsche
996 Turbo, Ferrari
612 Scaglietti, Dodge
Viper SRT10 ou encore Mercedes
CL 65 AMG... des poids-lourds certes, mais excusez du peu !
CHASSIS
La répartition des charges sur essieux (54/46% - AV/AR) et
le centre de gravité se trouvant optimisés par rapport
à la M5, la BMW M6 E63 fait preuve d'une agilité sensiblement
accrue, avec une neutralité qui fait plaisir à voir.
Les trains roulants de la M6 sont déclinés de la BMW
série 6 E63 dont la cinématique s'est vu adapter à
la puissance supérieure de la nouvelle voiture. Les cotes
d'empattement et de voies sont conservées, mais grâce
à un carrossage négatif plus prononcé, le guidage
des roues répond aux contraintes supérieures. A l'exception
de quelques éléments hautement sollicités,
comme les barres d'accouplement, les roulements de roue ou les pivots,
l'essieu avant à jambes de suspension et articulation double
est entièrement en aluminium. La Servotronic pilote l'assistance
variable selon la vitesse et le mode EDC sélectionné,
soit carrément sportif, soit privilégiant le confort.
Le train arrière de la série 6 du type Integral IV
est lui aussi réalisé presque entièrement en
aluminium. Les articulations de la suspension sont rigides sur la
M6 au lieu d'être amorties par silentbloc. Cette solution
assure encore plus de précision au guidage et au recentrage
des roues.
A l'instar de celui de ses surs M3 et M5, le différentiel
arrière de la M6 E63 dispose d'un autobloquant Motorsport variable
à capteur de vitesse différentielle. Cet autobloquant
confère au coupé une grande stabilité directionnelle
et une motricité optimale, surtout en sortie de virage. Il
aide le pilote à exploiter les qualités positives
de la propulsion arrière, notamment sur des routes présentant
un bon coefficient d'adhérence, permettant même dans
des situations présentant des coefficients d'adhérence
différents pour les deux roues motrices, de fournir un avantage
de traction décisif. En cas extrême, la totalité
du couple moteur peut être transmise à la roue évoluant
sur le revêtement plus adhérent. Associé au
système DSC mis au point avec finesse et à une répartition
équilibrée des charges sur essieux, l'autobloquant
M variable confère ainsi à la M6 une grande aisance
de pilotage. Si le premier mode du DSC correspond, pour l'essentiel,
à celui de la série 6, son deuxième niveau
- le mode M Dynamic - sera apprécié surtout des conducteurs
à la fibre sportive. Bien sûr, à l'extrême
Big Brother constitue le garde-fou de manoeuvres jugées trop
périlleuses pour être correctement gérée
même par un très bon pilote. En clair, le tête
à queue est définitivement annihilé, le système
intervenant aux limites dictées par la physique. En cas de
besoin, il agit de manière ciblée sur la gestion moteur,
réduit le couple moteur et active le frein de chaque roue.
Toutefois, pour les "puristes", la fonction DSC peut aussi
être complètement désactivée.
La commande
(électronique, encore...) de l'amortissement (EDC) permet
de régler la loi d'amortissement par voie électronique
selon 3 modes. En mode "Normal", la force d'amortissement
est automatiquement adaptée aux besoins, le système
réalisant un compromis idéal entre confort et sécurité
de conduite. Les modes "Confort" et "Sport"
permettent au conducteur de présélectionner la loi
d'amortissement de son choix. En mode "Sport", le train
roulant réagit par des forces d'amortissement plus élevées
aux irrégularités de la route, réduisant ainsi
les mouvements de la caisse et permettant à la M6 de coller
sensiblement mieux à la route. En virage, au freinage ou
à l'accélération, les amortisseurs se durcissent
et accroissent ainsi la sécurité de conduite, quel
que soit le mode choisi.
Enfin, principal talon d'Achile des précédentes
BMW signées Motorsport, le freinage trouve désormais
un niveau en adéquation avec le potentiel du moteur et le
poids de la voiture. Avec ses disques mesurant 374 x 36 mm aux roues
avant et 370 x 24 mm aux roues arrière, pincés par
des étriers flottants en aluminium à 2 pistons, la
BMW M6 atteint des distances dignes d'une sportive de très
haut niveau : depuis 100 km/h, il ne lui faut que 36 mètres
pour stopper et 140 m à partir de 200 km/h. Par ailleurs,
comme sur la M5, un capteur saisit l'usure en différents
points des garnitures de frein et transmet les valeurs relevées
au boîtier DSC.
Les nouvelles jantes de 19" en alliage
matricé, spécialement conçues pour la M6, offrent
aussi un meilleur refroidissement des freins, tout en économisant
sur chaque roue, 1,8 Kg par rapport à des roues conventionnelles
en aluminium coulé. Autre spécificité, la géométrie
à épaulement (Extended Hump, EH) des jantes évite
qu'en cas de dégonflement, le pneu ne déjante et permet
d'arrêter la voiture en toute sécurité. En complément,
le système anticrevaison avec indicateur de dégonflage
(RPA) et le système de mobilité M (MMS) de 2ème
génération, capable obturer des perforations d'un
diamètre de 6 mm, il a été possible de renoncer
à la roue de secours galette et de gagner là encore,
un peu de poids. Sur ces jantes superbes, la M6 E63 ne chausse pas du
prêt-à-porter : les pneus avant sont en 255/40 ZR 19
et l'arrière en 285/35 ZR 19. Leurs mélanges de gomme
et leurs dimensions garantissent la transmission précise
d'importants efforts transversaux et longitudinaux sur la route
- sèche ou mouillée - tout en offrant un confort de
roulement relativement élevé. En outre, ces pneumatiques
assurent un retour d'information précis afin de permettre
au conducteur de sentir les limites de l'adhérence en toute
sérénité.
:: CONCLUSION
Ligne séduisante, moteur extraordinaire, technologie très
avancée, la BMW M6 E63 ne fait l'impasse sur aucun point pour
offrir le maximum du savoir-faire Motorsport et beaucoup de plaisir
à son pilote. Il n'y a qu'a regretter un poids élevé
et une électronique omniprésente dans cette GT ultra
high tech, qui en devient peut-être trop "facile".
Encore que, devant le niveau d'intelligence artificielle atteint
ici, il y ait bien de quoi douter à vouloir s'en passer.
Assurément, la M6 E63 ouvre la voie de fort belle manière
pour les GT sportives du futur...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Si elle n'a pas l'extravagance d'une Gallardo ou le charme
naturel d'une 575 Maranello, la M6 n'en demeure pas moins un merveilleux
pur-sang. Outre un V10 d'anthologie, elle offre la fiabilité
d'une Porsche et les performances d'une Lamborghini pour le prix
d'une Dodge Viper SRT-10. Pas mal pour une auto en principe destinée
à un large public. Rien qu'en France, on espère en
vendre une quarantaine en 2005. Des acquéreurs forcément
fortunés car le "bestiau" dépasse largement
les 100 000 €. Mais, exclusive par sa conception ou sa réalisation,
la M6 se devait également de l'être par un prix sans
concession."
ECHAPPEMENT - MAI 2005 - ESSAI BMW M6. |