UN RETOUR ROYAL !
Après une
histoire chargée de réussites et de légendes, la firme Bugatti
n'a pas survécu à la mort coup sur coup de son géniteur,
Ettore, et de l'un de ses fils prodiges, Jean, qui écrivit les plus belles
pages de l'histoire de la marque. Après la deuxième guerre mondiale,
la famille Bugatti tenta bien un retour, mais sans succès. Puis après
des dizaines d'années d'oubli, c'est en Italie que Bugatti refit surface
avec la très réussie EB110. Hélas, la folie des grandeurs
et une époque peu propice aux Supercars jeta de nouveau la marque dans
la pénombre. Puis enfin, un autre grand de l'Automobile, Ferdinand Piech,
décida que Bugatti allait intégrer le groupe VAG avec comme objectif
le cap des 400 km/h. Un vrai retour royal en quelque sorte...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R. Rares sont désormais les
survivants de l'âge d'or des Bugatti, du temps d'Ettore
et de Jean, l'un de ses fils. Si le père su faire des châssis et
des mécaniques d'exception, le fils su compléter les talents de
son père en dessinant certainement les plus belles carrosseries qui soient
dans les années 30 comme en témoigne les mythiques Bugatti Atalante
et leur épine dorsale boulonnée. Mais comme trop souvent hélas
dans l'industrie automobile française, Bugatti ne réussi pas à
franchir l'étape de l'après-guerre mais aussi de la perte encore
récente et indélébile de son père fondateur et de
son fils prodige. Après quelques tentatives grossières d'habiller
des châssis d'avant-guerre avec des carrosserie "ponton", la marque
sombra dans l'oubli pour ne devenir qu'une marque spécialisée dans
l'aéronautique chez Messier-Bugatti. Dans les années 90, Romano
Artioli tenta bien un rêve un peu fou de faire revivre la marque sous la
forme de la Bugatti EB110. Une auto pétrie de qualité
mais dont la génèse démarra par des conflits de personnes
entre ses géniteurs annoncés, puis enfin une folie des grandeurs
en pleine période de récession économique eut raison de ce
rêve brisé. Seul un homme (ou femme) d'une trempe et d'un charisme
évident pourrait de nouveau tenter l'aventure et passer outre les obstacles,
à commencer par ce fardeau de la généalogie Bugatti. Impossible
? Pas pour l'audacieux et mégalo Ferdinand Piëch qui va décreter
Bugatti sienne et lui donner un cahier des charges des plus succins : plus de
400 km/h, gabarit compact et facile à conduire par tous. Facile à
écrire mais pas à faire, tant la génèse de cette supercar
va s'éterniser dans le temps. Tant et si bien que les oiseaux de mauvaise
augure chantaient déjà la triste mélopée du drâme
industriel et commercial. Mais la Bugatti Veyron est bien réelle et affiche
fièrement ses plus de 1000 ch et sa vitesse de pointe mesurée par
Bugatti à 407 km/h sur l'anneau de vitesse Volkswagen
à Wolksburg. Ou quand le constructeur des voitures du peuple se met au
secours des bourgeois...
DESIGN
La Bugatti Veyron possède
un style à nulle autre pareil. Alors que la Ferrari
Enzo ou la Porsche Carrera GT joue
le registre de l'aérodynamique pure, la Veyron avait d'entrée de
jeu une ligne évocatrice et ramassée. Le seul hic pour les ingénieurs,
c'est que marier cette forme de carrosserie compacte et ramassée avec l'objectif
des plus de 400 km/h est un exercice délicat voire impossible. Cela explique
en partie cette puissance indécente de plus de 1000 ch (l'usine annonce
1100 ch), bien nécessaire pour vaincre la traînée aérodynamique
à cette vitesse, sans même parler des pertes dues aux frictions de
transmission et pneumatiques. Et deuxième contrainte majeure pour les styliste
: respecter l'esprit Bugatti. Un écueil que les designers n'avaient pas
réussi à surmonter sur l'EB110. La Veyron se caractérise
donc par des cotes peu communes avec une longueur de 4,4 mètres, mais une
largeur de 2 mètres et une hauteur de 1,2 mètres seulement. La face
avant est très aérée et tente d'intégrer au mieux
la calandre historique en fer à cheval. Les blocs optiques sont d'une forme
conventionnelles peut être peu en phase avec le caractère de l'auto.
Une teinte bicolore rappelle les Bugatti Type 55 de la belle époque bien
que ce choix peu s'avérer là encore discutable.
L'arrière
est très largement échancré et donne le meilleur visuel selon
nous de la Veyron. De grosses prises d'air latérales, des feux ronds avec
une sortie déchappement centrale carrée et enfin les grosses lettres
enchâssées "EB" avec le "E" à l'envers
constituent la touche réellement sportive de l'auto. D'autant que depuis
l'arrière on aperçoit les écopes qui amènent l'air
frais au W16 quadriturbos en position central arrière. A noter les très
belles jantes. L'habitacle de la Veyron démontre tout le bien-fondé
d'appartenir à un gros groupe généraliste. Fini la sensation
de l'artisanat ! Ici tout est bien monté, bien assemblé et cela
respire à la fois le luxe et la qualité.
A BORD DE LA BUGATTI VEYRON 16.4
Tout l'habitacle est tendu
de cuir précieux. Les seules excentricités sont notées sur
la forme du pommeau de vitesses très réussie et design ou du volant.
Les formes de la planche de bord restent simples mais élégantes
et elles sont réhaussées par des touches d'aluminium poli ou bouchonné
selon les endroits. Superbe ! Derrière le petit volant, on devine les palettes
de changement des rapports de la boîte DSG. L'équipement de série
est heureusement pléthorique (à plus d'un million d'euros on en
attendrait pas moins) et on notera dans les nouveautés jamais vues jusqu'ici
un compteur de "puissance" gradué jusqu'à 1001 ch.
MOTEUR
Avec le cahier des charges édicté par Ferdinand Piëch, il est
très vite apparu qu'aucun moteur dans le groupe VAG existant n'était
capable d'une telle prouesse. Les motoristes sont donc partis d'une feuille blanche
et on déterminé les meilleures combinaisons possibles, notament
en gardant à l'esprit un rapport poids/encombrement/puissance idéal.
C'est donc un W16, sous la forme de deux bancs de huit cylindres en quinconce)
qui est ainsi né. Avec ses 8 litres de cylindrée et ses quatres
turbocompresseurs, la Bugatti Veyron ne manque pas de souffle ni de ressources
! Jugez plutôt : 1 001 ch à 6 000 tr/mn et 1 250 Nm de couple de
2 200 à 5 500 tr/mn. Cette dernière mesure a d'ailleurs posé
de nombreux problèmes aux ingénieurs de VAG puisqu'aucune boîte
de vitesse au monde ne pouvait encaisser un tel couple ! Ils ont donc missionner
la société anglaise Ricardo qui a accouché d'une transmission
adaptée et fiable d'après Bugatti mais qui n'a pas été
sans conséquence sur le poids de l'ensemble moteur-boîte. C'est donc
une boîte type DSG à sept rapports avec double embrayage qui a été
retenue, comme sur d'autres fleurons du groupe VAG (Audi
RS4, Lamborghini Gallardo, Audi
R8, Volkswagen Golf R32...). Ne boudons
pas notre plaisir sur les chiffres annoncés par Bugatti, qui ont tendance
à nous donner le vertige et se passent de commentaires : 407 km/h en vitesse
maxi, un 0 à 100 km/h en 2,5 secondes et le 0 à 200 km/h en 7,5
secondes. La Bugatti Veyron serait-elle sans rivale ? On serait tenté de
le penser, mais dès que la presse pourra la confronter face à la
concurrence en tests réels et indépendants. Affaire à suivre...
Toujours dans la démesure, Bugatti avoue vider les 100 litres du réservoir
en 15 minutes seulement à la vitesse maxi, soit une autonomie de 100 km
environ !
CHASSIS
Pour la course à la vitesse il faut
souvent avoir beaucoup de puissance. Mais malheureusement la quête de la
puissance grêve le poids par l'augmentation des éléments roulants
et de l'ensemble transmission-moteur. Les ingénieurs de Bugatti ont donc
du travailler sur un objectif impératif de rester sous la barre des deux
tonnes, sous peine d'être soumis à d'autres contraintes, notamment
d'ordre pneumatiques. La structeur de la coque de la Veyron est donc composée
de deux éléments en carbone boulonnés (fabriqué chez
l'italien ATR). Tout le berceau avant est en aluminium extrudé tandis que
l'arrière est en acier inoxydable mécasoudé, tout comme les
triangles de suspensions. Pour continuer vers les extrêmités des
liaisons au sol, les porte-moyeux sont en fonderie d'acier complexe (à
moules perdus) et les moyeux sont, de même que les étriers de frein,
les ressorts et l'échappement, en titane ! Les disques de freins sont en
carbone-céramique pour une endurance maximale. Mais pour atteindre des
vitesses aussi vertigineuses qu'annoncées par Bugatti, l'aérodynamique
doit se mettre au service de la partie liaison au sol. Ainsi il faut donc tourner
la petite clé "magique" d'un cran avant de souhaiter réaliser
un petit sprint à plus de 375 km/h pour que la garde au sol soit abaissée
de 30 mm (sélection "TopSpeed"), les flaps avant sont refermés
et l'aileron est débraqué pour réduire la traînée
aérodynamique (le Cx baisse de 0,417 à 0,355). Qui dit abaissement
de la garde au sol signifie bien entendu (devant le tel niveau de technologie
embarqué, tout semble une évidence sur la Veyron) la présence
de suspensions à vérins hydrauliques entre la caisse et les ressorts/amortisseurs
(Eibach en titane/Bilstein passifs). Cela permet ainsi d'opter pour trois hauteurs
de caisse différentes. Les qualités générales dynamiques
de la Bugatti Veyron, malgré son poids de 1,9 tonnes semblent abouties
puisque Bugatti annonceun temps de 7 minutes et 30 secondes sur la boucle nord
du Nürburgring avec un ingénieur maison au volant qui n'est pas pilote
professionnel...
CHRONOLOGIE
1997 : Cessation d'activité avec faillite et vente des actifs de
la société Bugatti Automobili.
1998 : Rachat de la marque
Bugatti par le groupe VAG sous l'impulsion de Ferdinand Piech.
1999 : Au salon de Tokyo, présentation de la Bugatti Veyron sous sa forme définitive
actuelle.
2005 : En octobre, les premiers clients sont livrés.
:: CONCLUSION
Que dire
devant cette démesure industrielle ? Pas grand chose en fait, car il est
à craindre que la Veyron ne rejoignennt les autres supercars dans les pages
glacées des livres et magazines et qu'elles demeurent enfermées
à jamais dans les musées et collection privés faute d'un
entretien suffisament souple et pratique (remplacement prévu des pneus
tous les 5000 km de 1400 à 1800 euros le pneu !). Contrairement à
beaucoup de nos confrères, nous ne chanterons pas les louanges face à
une telle stratégie qui ne parait pas, selon nous, permettre à Bugatti
de réimplanter la marque dans la sérennité et la rentabilité.
Seulement 300 exemplaires seront produits et déjà 90 seraient commandés
(300 000 euros d'accompte à la commande). Nous applaudissons en revanche
des deux mains la prouesse technique qui constitue avant tout une belle vitrine
technique pour le groupe VAG.. CE
QU'ILS EN ONT PENSE : "En désaccord total avec notre époque,
financièrement inaccessible et de surcroît inutile avec son coffre
minuscule, la Veyron fait un bras d'honneur à tous les standards de l'automobile
contemporaine. Voiture au superlatif, elle est un simple exercice de style, un
hommage appuyé au grand ingénieur qu'est Ferdinand Piëch au
constructeur de génie qu'était Ettore Bugatti. C'est tout. Et c'est
suffisant." Le Moniteur Automobile - 15 juin 2006 - Bugatti Veyron. |