© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (11/05/2013)
SORCELLERIE ITALIENNE
Conscient qu'il ne faut pas laisser passer sa chance, Fiat investit le marché en plein boum des petites sportives dès le début des années 80. Pour cela, le constructeur mise sur sa nouvelle berline compacte, la Ritmo. Voulue comme la "Golf italienne", elle se doit donc d'avoir sa version GTI. Et pour aller au bout de l'idée, son développement va être confié au département compétition du groupe. Trois ans après le lancement de la Ritmo, la version Abarth 125 TC est mise sur le marché...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Débarquée sans doute prématurément sur le marché des petites sportives, la Fiat Ritmo 105 TC a laissé une impression très mitigée. La réponse italienne à la VW Golf 1 GTi n'est pas à la hauteur des attentes et les nouvelles rivales sont presque chaque jour un peu plus nombreuses (Ford Escort XR3, Alfa Romeo Alfasud ti, Opel Kadett GT/E, Renault 5 Alpine turbo...) dans une catégorie où la guerre des chiffres fait rage. Pour Fiat il convient de sortir les bons arguments afin de séduire cette nouvelle clientèle sportive. Fidèle à sa réputation, la marque va jouer sur le rapport prix/performances en proposant un moteur plus puissant que celui de la Golf.
En septembre 1981, au salon de Turin, Fiat présente donc la Ritmo Abarth 125 TC. La crédibilité et l'image du nom Abarth lui confère une pleine et entière légitimité sur le terrain du sport. Par ailleurs, il ne s'agit pas que d'un fantasme marketing puisque la voiture a effectivement été conçue par la filiale Abarth, devenue le département compétition de Fiat. La Ritmo Groupe II s'est d'ailleurs illustrée en 1978 et 1979 en remportant le tour d'Italie. Officiellement pourtant, la Ritmo Abarth 125 TC n'est pas destinée à exploser les scores de vente. Il s'agit de produire 5000 exemplaires en 12 mois pour satisfaire à la nouvelle réglementation du Groupe II de la FIA prévue pour 1982...
DESIGN
Présentée au salon de Turin en avril 1978, la Fiat Ritmo (ou Strada dans les pays anglo-saxons) est une petite berline polyvalente résolument moderne dont la gestation a duré plus de 6 ans sous les noms de code projet X1/30, X1/38 et 138. Succédant à la Fiat 128 sortie en 1969, elle se définit comme l'anti-Golf de Fiat. La stratégie commerciale est en bonne partie calquée sur le best seller allemand, à commencer par le choix des carrosseries, 3 portes, 5 portes et cabriolet. Dans la veine de la Golf 1 dessinnée par Giugiaro, la Ritmo se pare d'une robe signée Bertone marquée par ses lignes anguleuses. Pour afficher sa modernité, dans l'époque, il n'hésite pas à employer massivement le plastique. La Renault 5 a été la première voiture de grande diffusion à bénéficier du concept de bouclier en plastique à sa sortie en 1972 et depuis, toute la production mondiale lui a emboité le pas. Chez Bertone on a donc poussé l'idée encore plus loin en réalisant toute la face avant, bouclier+calandre d'un seul bloc, avec du plastique teinté dans la masse. Dans sa première version, la Fiat Ritmo se distingue par cette face à deux phares ronds très originale. Même les poignées de portes sont originales ! Assurément, ce style typiquement italien a de quoi marquer les esprits.
HABITACLE
Typique d'un discours marketing décomplexé, le premier extrait du dossier de presse de l'époque provoque immanquablement quelques éclats de rires. Je cite : "Dans l'habitacle prévu pour accueillir quatre personnes en tout confort, la finition est spécialement soignée avec un habillage en tissu à chevrons de couleur beige. La forme enveloppante des sièges s'accorde à la conduite sportive . La planche de bord est revêtue d'un film de vernis noir spécial anti-reflet et anti-griffe." Avec ça, si on ne vend pas du rêve ! Le retour à la réalité est violent... mais pour la défense de la Fiat Ritmo, les concurrentes de l'époque ne faisaient guère mieux. Bon, en fait si... à l'époque déjà tout le monde pouvait se rendre compte que la finition de la Fiat Ritmo était à des années de celle d'une Golf. Le petit volant à 3 branches chromée avec sa jantes couverte de cuir est bien le seul composant valable au milieu de toute cette débauche de matériaux d'un autre âge aux assemblages approximatifs. Mais bizarrement, c'est aussi ce qui confère à la Fiat Ritmo Abarth 125 TC un charme attendrissant et furieusement kitsch. Comme dans la 105 TC, la batterie de manomètres "d'une extrême richesse" (dixit Fiat !), comporte 3 cadrans circulaires supplémentaires au milieu de la planche de bord pour surveiller la température d'huile, la pression d'huile et la tension électrique. Fort heureusement, l'essentiel est ailleurs comme nous le suggère la pédale d'accélérateur en acier perforé...
MOTEUR
En récupérant le 2.0 "double arbre" signé Aurelio Lampredi, utilisé notamment dans la Lancia Beta, Abarth n'a pas lésiné sur les moyens pour faire oublier le poussif 1600 des Fiat Ritmo 105 TC, surtout qu'en 1982, Volkswagen présente la Golf GTI 1.8 de 112 ch. Il faut donc frapper fort pour marquer les esprits. Le bloc 2.0 de la Ritmo Abarth reste en fonte et la culasse à 8 soupapes en alliage d'aluminium reçoit des conduits et soupapes plus gros, des arbres à cames redessinés et un joint de culasse renforcé "Goetz". Les coussinets de bielles et le vilebrequin utilisent la technique de fonderie dite "tri-métal". Abarth a aussi monté un collecteur d'échappement type 4/2/1, un carter cloisonné et un radiateur d'huile thermostatique. La Ritmo Abarth 125 TC fournit donc, comme son nom l'indique, 125 valeureux chevaux à la force de son carbu Weber double corps. Une valeur record dans la catégorie, que seule l'éphémère Golf GTI Oettinger viendra contester. Le couple n'est pas en reste et figure parmi les références du moment avec 172 Nm obtenus dès 3500 tr/mn. La boîte de vitesse ZF à 5 rapports, virile à manier, accompagne un embrayage et des cardans renforcés pour conférer à l'ensemble des performances parfaitement dans le coup. Le 0 à 100 km/h est sous les 9" et le 1000m s'approche des 30". Les reprises sont également très bonnes grâce au bon étagement des rapports, la consommation un peu moins...
CHASSIS
Faisant suite au moteur spécifique, les ingénieurs de chez Abarth ont revu en profondeur le train avant de la Ritmo 105 TC qui avait bien peu convaincu par son manque d'efficacité et de précision. Eprouvée sur le modèle de compétition, l'épure de type McPherson a reçu un déport négatif, des ressorts à flexibilité variable, des coussinets de plus grande dimension et une barre anti-roulis plus grosse. A l'arrière, la suspension reprend un principe McPherson avec des triangles inférieurs et un ressort à lame qui fait en partie office de barre stabilisatrice. Il est spécifique sur la Ritmo Abarth avec une seule lame d'épaisseur variable, au lieu de 2 lames sur les autres Ritmo, selon le principe retenu par Abarth en compétition sur la Ritmo 75 Groupe II. Enfin, le freinage reçoit des disques ventilés à l'avant mais conserve des tambours à l'arrière. La direction à crémaillère non assistée est très lourde en ville et le moteur s'y révèle souple mais très vorace, réservant plutôt la Ritmo Abarth à son vrai terrain de jeu : les petites routes. Là, elle fait état d'une tenue de route bien moins mauvaise qu'on pourrait l'imaginer. La suspension revue contient mieux le roulis et la tendance au sous-virage est moins marquée. La motricité est plutôt bonne malgré quelques retour de couple au volant et le freinage ne fait jamais défaut. En conduite sportive, c'est principalement le maintien des sièges qui pose problème, ou plus exactement son absence ! Disponible en option, à un tarif quasiment dissuasif, les jolis baquets Recaro retiendront les faveurs des amateurs de conduite nerveuse sur routes sinueuses. Une option qui peut aujourd'hui faire nettement grimper la cote du modèle ! La suspension trop souple et mal amortie accuse aussi le poids des ans et de sa conception datée. Le train avant n'est pas aussi précis qu'on le souhaiterait et se montre un peu trop chargé pour offrir un comportement réellement sportif. On se console donc avec la vivacité et la sonorité du moteur qui permet en grande partie d'oublier tous les autres aspects moins positifs. La Fiat Ritmo Abarth ne manque pas de tempérament, au contraire, mais sa fougue aurait mérité d'être mieux canalisée. D'un autre côté, le rodéo musclé infligé en conduite sportive fait partie du piment et du tempérament attendu d'une latine, non ?
EVOLUTIONS
RITMO ABARTH 125 TC
La version Abarth 125 TC de la Ritmo est commercialisée en France à partir de 1982. "Objet roulant non identifié", c'est en ces mots que les publicitaires présentent la nouvelle sportive Fiat. Avouez qu'on a fait plus vendeur, à moins que ce soit du second degré... Afin d'aller au plus vite, Abarth n'a pas perdu de temps avec les détails cosmétiques et globalement, la Ritmo 125 TC récupère le kit carrosserie spécifique (boucliers et élargisseurs d'ailes) de la 105 TC. Sur la Ritmo Abarth 125 TC, des phares longue-portée intégrés dans la partie basse du bouclier avant ont remplacé les anti-brouillard qui restent proposés en option. Un becquet en polyuréthane épouse le contour de la lunette arrière et permet selon Fiat de gagner "2-3 km/h en vitesse de pointe". On les croit sur parole... Les jantes en alliage de 14" fabriquées par Pirelli sont chaussées de gommes larges en 185/60 HR. L'antenne radio, les encadrements de vitres, les moulures de portières, le rétroviseur conducteur (l'autre est en option), les poignées de portes et la fameuse prise d'air sur le capot moteur ajoutée sur la Ritmo 125 TC sont en plastique noir mat. Enfin, l'emblématique scorpion est apposé sur les ailes avant.
RITMO ABARTH 130 TC
En septembre 1982, la production de la Fiat Ritmo Abarth 125 TC est arrêtée. Quelques mois plus tard, la Ritmo subit un restylage important qui lui donne une allure plus conventionnelle avec avec une nouvelle calandre séparée à quatre phares et des boucliers qui n'enveloppent plus les optiques. Les feux arrière sont agrandis pour une meilleure visibilité. Le logo Fiat à 5 barres inclinées est également nouveau et s'étend sur toute la hauteur de calandre. A l'intérieur, les changement sont de même ampleur et Fiat a entendu la critique en revoyant totalement l'ergonomie de la planche de bord. Le dessin très carré s'inspire ouvertement de celui de la Golf mais la finition demeure très inférieure. Il faut attendre le mois de septembre pour retrouver la Ritmo Abarth, rebaptisée 130 TC. Le moteur a en effet été revu et reçoit principalement un second carburateur double corps (des Weber 40 DCOE ou Solex 40C) et un allumage Marelli Digiplex pour gagner 5 ch et quelques Newton-mètres de couple. Sur le plan des performances, cela permet surtout à la Ritmo Abarth 130 TC de passer sous la barre des 30" au 1000m DA et de gagner 4 km/h en pointe. Des arguments qui ont beaucoup de poids commercialement parlant à l'époque. Mais en réalité, le gain ne s'arrête pas là car la Fiat Ritmo II est également plus légère, avec une baisse de 30 Kg dans le cas de l'Abarth. La géométrie du train avant est également modifiée avec des ressorts désaxés par rapport aux amortisseurs. La Fiat Ritmo atteint désormais 4m en longueur (+7 cm) et son empattement est allongé de 1 cm. En 1985, la Fiat Ritmo est à nouveau retouchée au niveau du pare-chocs avant. La calandre est fermée autour des phares. A l'arrière, une plaque de plastique strié est insérée entre les feux arrière et la plaque d'immatriculation est déplacée dans le pare-chocs. Les jantes reprennent le dessin de celles des Uno Turbo i.e. De nouveaux garnissages sont employés dans l'habitacle mais la finition reste définitivement médiocre.
LA FIAT RITMO ABARTH EN COMPETITION
Deux Ritmo préparées par Abarth font leur apparition dans le Giro d’Italia (Tour d'Italie) en octobre 1978. Développées en un temps record, elles se montrent tres rapides dès le début. Les équipages sont Patrese-Pozzeto-Sodano et Scheckter-Mannuci-Verini. La participation du groupe Fiat dans cette course est complétée par la Lancia Stratos de Alen-Munari-Kivimaki et la Fiat 131 de Mouton-Concini. Le 1500 cm3 des Ritmo 75 fournit à l'arrivée environ 160 ch grâce à l'injection Kugelfisher. Un carter sec et un differentiel autoblocant à 25% sont ajoutés par Abarth. Esthétiquement, on se contente d'utiliser des ailes (beaucoup) plus larges pour monter des pneus plus gros. Des freins à disques sont également montés à l’arrière. Dans de nombreux Rallyes, surtout en Italie, les Ritmo commencent à bousculer la concurrence. En 1983, une coupe Ritmo Abarth est mise sur pied. En 1985, la Ritmo 130TC est championne d'Europe des rallyes et championne de France de la montagne en 2ème division.
ACHETER UNE FIAT RITMO ABARTH
Plus encore qu'une question de prix, trouver une belle Fiat Ritmo Abarth, 125TC ou 130TC, est une question de patience et de bonnes adresses. Ravagée par la corrosion, le mauvais entretien ou une conduite approximative, l'essentiel de la production de Ritmo a périt au fond des casses en attendant d'être recyclé en limaille. Pour beaucoup, c'est sans doute mieux ainsi, tant le modèle n'aura pas fait date dans l'histoire par ses piètres qualités. Pour les autres, il reste le cas de l'Abarth, définitivement sacralisée auprès des puristes. Aujourd'hui, sa cote peut atteindre ou dépasser les 3.000 € tant les beaux exemplaires se font rares. Vous me direz, est-ce bien raisonnable ? Si on considère la finition déplorable et des qualités dynamiques très quelconques de nos jours, objectivement non. D'autant plus que la majorité des pièces ne sont plus fournies chez Fiat et peuvent donc coûter un bras via les filières parallèles. D'un autre côté, le tempérament bouillant du 2.0 "carbus" associé au design improbable de Bertone (on préfère la 125 TC de ce point de vue) rend cette GTI italienne particulièrement attachante dès qu'on en prend le volant. Alors il faut bien dire que si la qualité de fabrication tient du biodégradable, on ne peut qu'encourager et saluer tous les ardents défenseurs de ce morceau du patrimoine de l'histoire de l'automobile sportive. Et pour consolation, sachez que le double arbre Lancia et la boîte ZF sont très robustes, ce qui vous laissera plus de temps pour vous occuper de la rouille, l'électricité, la sellerie, enfin tout le reste quoi... Pour tous les conseils utiles, pensez à visiter le forum du club officiel.
CHRONOLOGIE FIAT RITMO ABARTH
1978 : Présentation de la Fiat Ritmo au salon de Turin
1981 : Présentation et début de production de la Ritmo Abarth 125TC.
1982 : Commercialisation en France, arrêt de production en septembre.
1983 : Restylage global de la Fiat Ritmo (Ritmo II). Apparition de la Ritmo 130TC
en septembre.
1985 :
Nouveau restylage plus léger (pare-chocs, jantes, instrumentation et sellerie).
1987 : Arrêt de l'importation de la Ritmo 130TC et fin de production au mois de juin.
1988 : La Fiat Ritmo est remplacée par la Tipo.
PRODUCTION FIAT RITMO ABARTH
Ritmo Abarth 125 TC (1981-1982) : 9 174 exemplaires
Ritmo Abarth 130 TC (1983-1987) : 13 158 exemplaires
:: CONCLUSION
Plus qu'un simple Youngtimer, la Fiat Ritmo Abarth est en passe de devenir un véritable Collector. Pour ceux qui connaissent déjà ses qualités, la démonstration n'est plus à faire et ils bichonnent amoureusement les quelques exemplaires survivants. Pour les autres, disons simplement que cette italienne au sang chaud est antant pétrie de défauts que de caractère et sa rareté ne fait qu'ajouter à l'envie de posséder un objet passionnel d'une autre époque...
Un grand merci à notre lecteur suisse, Patrick, pour la présentation de sa Fiat Ritmo Abarth 125 TC "flambant neuve" et ce n'est pas mentir puisqu'elle n'affiche que 7600 km d'origine !
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Avis des propriétaires
Bien sur le tableau de bord peut s'illuminer comme un sapin de noël sans raison et un commodo vous rester dans les doigts . Mais en 150 000km de route de campagne menée à vive allure je n'ai pas eu à déplorer de panne mécanique majeure sur ma 130 Tc qui avait toujours la même rage de vivre. Au point que je n'ai pu me résoudre à m'en défaire et l'ai engagée en Rally-cross. Après quelques aménagement, cure d'amincissement, arceau cage, bacquets, barres anti-rapprochements, les Ets Viard de Montbelliard m'ont modifié les hauteurs de caisse, déplacé les ancrages inférieurs d'amortisseurs av. Méconnaissable, d'autant qu'une paire de gros gicleurs et un réglage de carbu " maison" ont permis d'obtenir en peu de temps 145 cv à la roue ...( sur le banc à rouleau Peugeot de Sochaux )
En trois saisons de course , dont les 2/3 gagnées je n'ai eu à déplorer que la casse d'un roulement d'alternateur . Aussi décrire la Ritmo Abarth comme une voiture fragile est particulièrement injuste et non fondé . Je sortais d'une golf Gti première génération , une calamité en terme de fiabilité, et j'ai particulièrement apprécié la solidité de l'Abarth . D'ailleurs aucune Gti engagée en course contre moi n'a survécue trois saisons. Rendons à César ... ce qui pour une italienne ... Cordialement . Voir tous les avis sur la FIAT RITMO ABARTH 125TC / 130TC
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