ESPRIT DE SYNTHESE
Présentée à Genève en 2004 sous la
forme d'un concept-car très réaliste, la nouvelle
Ford Focus ST se positionne un bon cran au-dessus de la précédente
ST 170. Sur le papier, elle serait même supérieure à la redoutable RS. Ford saura-t-il s'imposer au sein d'une catégorie
de plus en plus disputée ? C'est ce que nous avons vérifié...
Texte :
Anthony SINCLAIR
Photos : D.R.
Depuis la Ford Cortina Lotus, l'Escort
RS en passant par la Sierra Cosworth
jusqu'à la récente Focus RS
ou la Mustang GT, personne ne peut
contester l'héritage inégalé de la marque en
la matière, héritage au combien important aux yeux
de nombreuses générations de passionnés d'automobile
et de sport mécanique. Après la Fiesta
ST 150, la nouvelle Focus ST 225 montre plus encore la manière
dont Ford a redéfini sa philosophie ST, "Sports Technologies"
depuis la précédente Focus
ST 170. Les toutes dernières créations de Ford
arborant le label ST se veulent plus expressives, mais également
parfaitement adaptées à une utilisation quotidienne.
Commercialisée depuis fin 2005, la nouvelle Focus ST a été
développée par le département Ford TeamRS,
une équipe de passionnés à la tête de
laquelle on trouve l'allemand Jost Capito, pilote et ingénieur
ex BMW Motorsport et Porsche. Excusez du peu ! "Nous n'avons
pas ménagé nos efforts pour créer la plus fantastique
Ford Focus jamais réalisée," a déclaré
Jost Capito. Nous voilà au parfum ! D'ailleurs, la couleur
bleu performance de notre modèle d'essai n'est pas
sans réveiller le souvenir ému de l'excellente Focus
RS qui n'était disponible qu'en bleu. Mais, par crainte sans
doute de nous voir partir en hors sujet, Ford ne manque pas de préciser
que la ST ne se veut pas radicalement sportive...
DESIGN
La nouvelle Ford Focus ST affiche son potentiel à travers
un dessin qui rappelle ses illustres homologues du Championnat du
monde des rallyes, notamment par des ailes gonflées au niveau
des passages de roues. Malgré tout, le style extérieur
de la Focus ST reste relativement sobre au premier coup d'oeil (à
condition de ne pas opter pour la couleur orange électrique...
à 1200 euros !) et préserve un bon Cx de 0,30. Contrairement
à son aînée, la nouvelle ST est disponible en
3 ou 5 portes, à l'image de sa rivale toute désignée
: la Volkswagen Golf V GTI,
ou encore la Renault Megane RS.
L'élégance sobre de la nouvelle Focus reflète
clairement la volonté de Chris Clements, styliste en chef
du TeamRS, et de David Hilton, styliste chargé de l'extérieur,
qui ont simplement cherché à souligner les proportions
naturelles de la Focus par une touche de sportivité. Avec
sa hauteur de suspension réduite, la ST semble solidement
posée sur ses pneus taille basse 225/40 R18 montés
sur des jantes en aluminium de 18 pouces dont le dessin n'est pas
sans s'inspirer des dernières créations d'Opel. Des
bas de caisse spécifiques - alignés avec la crosse
du bouclier avant - font ressortir encore davantage cette silhouette
surbaissée. A l'avant, entre deux optiques acérées
(qui nous permettent de constater que les phares Xénon sont
en option), la ST se distingue par sa calandre supérieure,
plus haute et plus étroite que celle des autres modèles
de la gamme, et par un bouclier exclusif qui intègre une
calandre inférieure en forme de trapèze. De part et
d'autre se trouvent intégrés les blocs antibrouillards
entourés par une baguette en aluminium brossé. A l'arrière,
les feux de recul et de brouillard reçoivent un traitement
similaire tandis que le bouclier a été sculpté
pour créer un effet d'extracteur et laisser apparaître
la double sortie d'échappement chromée. La Focus ST
se distingue également par un large becquet arrière.
Conçu pour améliorer l'aérodynamique et l'esthétique
du véhicule, il déborde de la largeur du hayon, juste
au-dessus du troisième feu stop. Enfin, des petits badges
ST appliqués sur les ailes avant et le hayon terminent la
signature exclusive de cette sportive.
HABITACLE
L'intérieur insiste lui aussi sur l'exclusivité. Serife
Uenal, la styliste responsable des coloris et matériaux,
a joué un rôle clé dans le processus de développement
de l'habitacle. L'inspiration puisée dans les créations
récentes des fabricants de vêtements de sport se ressent
en effet immédiatement en montant à bord. Les coloris,
les textures et les matériaux, tout renforce l'esprit sportif
et une qualité de fabrication n'ayant pas grand chose à
envier aux références du segment. La Focus ST offre
4 ambiances intérieures qui peuvent s'harmoniser avec la
couleur de la carrosserie. Mais la première qualité
qui retient notre attention, c'est de pouvoir poser son popotin
dans d'excellents sièges Recaro. Le siège conducteur
se règle non seulement d'avant en arrière mais également
en inclinaison, en hauteur et permet le réglage en inclinaison
du support lombaire et du coussin d'assise. Une sellerie cuir intégrale
ainsi que des sièges arrière individuels façon
"baquet" sont également disponibles en option,
contre 1950 euros (aie !). Autres détails intérieurs,
les panneaux de porte se distinguent par un rappel en cuir et intègrent
des poignées de porte en aluminium brossé. La Focus
ST se distingue enfin par son garnissage de pavillon et ses montants
de couleur noire. Face à soi, le volant gainé de cuir
rempli bien la paume par une jante de section plus large intégrant
des repose-pouce superbement dessinés ainsi que trois branches
également en aluminium brossé. Le logo ST rouge est
frappé sur la branche centrale. Tombant naturellement dans
la main droite, le joli pommeau de levier de vitesse laisse apparaître
en rouge les six chiffres des rapports de la boîte. La Focus
ST se dote également d'un combiné d'instruments spécifiques
à trois compteurs, intégré dans le panneau
supérieur du tableau de bord, qui affiche en permanence la
pression de suralimentation, la température et la pression
d'huile. Les autres cadrans intégrés au combiné
principal bénéficient d'un graphisme exclusif. Côté
équipement, Ford fournit la climatisation automatique bi-zone,
un autoradio CD, l'ordinateur de bord, l'allumage automatique des
feux mais le régulateur de vitesse est malheureusement absent.
En conclusion, on se sent bien à bord et tout est mis en
oeuvre pour qu'on ait envie de manger du kilomètre à
bord de cette compacte généreuse.
MOTEUR
Dans le cadre du progamme Global Shared Technologies
(partage des technologies au sein du groupe Ford Motor Company),
les ingénieurs du Ford TeamRS ont choisi de prendre comme
base pour la motorisation de la Focus ST un moteur à essence
5 cylindres, garant de souplesse et de vivacité. Sous le
capot de la Ford Focus ST 225 on retrouve une "vieille"
connaissance, en l'occurrence, le 5 cylindres en ligne turbocompressé
qui anime la Volvo S40 T5. Nos
craintes quand à la sportivité relative de cette mécanique
ayant été confirmées par l'essai de la placide
Suédoise, nous redoutions de le retrouver tel quel à
bord de la sportive Ford. Sans doute conscients du problème,
les ingénieurs Ford ont heureusement pu jouer de la technologie
Ti-VCT (distribution à calage variable) et de la pression
de suralimentation un peu relevée (0,9 bar en crête),
pour le rendre plus vif et incisif dans la Focus ST. L'évolution
du 5 pattes suédois rebaptisé pour la circonstance
"Duratec ST" exprime sa pleine puissance de 225 ch (soit
5 de plus) à 6000 tr/min (soit 1000 de plus !) et développe
son couple maximum de 320 Nm de 1600 tr/min jusqu'à 4000
tr/min. Voilà qui laisse présager un regain de caractère,
même si les courbes de couple et de puissance laissent penser
l'inverse. D'ailleurs, le rendement du moteur (89,2 ch/L) demeure
bien peu flatteur. Influencés dans le succès incontestable
des motorisations Diesel, les ingénieurs ont tenté
de concilier le meilleur des mondes : du couple à bas régime
et de la pêche à haut régime... Seulement, si
une Porsche 911 Carrera le fait très bien avec son 6 cylindres
à plat atmosphérique c'est qu'elle dispose d'une cylindrée
confortable de 3L6... et aussi parce que c'est une Porsche. Hors,
la Focus ST avec son "petit" 2.5 nordique tente de compenser
ce handicap par une suralimentation "maîtrisée".
De là à en déduire des similitudes de caractère
entre la Focus ST et ses soeurs à chaudières, il n'y
a qu'un pas... que nous ne franchirons pas ! Dieu merci, la musique
envoûtante du 5 cylindres à haut régime permet
de se recentrer sur nos convictions concernant ce qui consistue
le plaisir automobile. Parmi les différentes modifications
opérées sur ce moteur, on peut citer notamment la
réduction de la masse du volant moteur, une liaison plus
directe entre l'accélérateur et le papillon des gaz,
de nouveaux injecteurs et de nouvelles stratégies d'allumage.
De conception moderne, le bloc-cylindres en alliage léger
est boulonné solidement sur une semelle porte-paliers en
échelle, ce qui garantit un parfait maintien des six paliers
de la ligne d'arbre. Les cinq chambres de combustion bénéficient
d'un refroidissement à flux croisés qui permet une
recirculation du liquide de refroidissement dans tout le moteur.
Les deux arbres à cames peuvent être réglés
en continu sur 50 degrés côté admission et sur
30 degrés côté échappement. Ainsi, il
est possible de disposer d'un couple accru - notamment à
bas régimes - malgré la suralimentation. A tel point
que le turbo semble carrément inexistant. Le 5 en ligne de
la Ford Focus nous gratifie d'accélérations vives
et instantanées, quel que soit le régime du moteur.
Les rapports de la boîte 6 manuelle s'enchaînent prestement
tandis que l'aiguille du compte-tours grimpe linéairement,
un peu à la manière d'un 6 cylindres en ligne atmosphérique
BMW. Avec une boîte DSG comme la Golf, la Focus offrirait
sans doute encore moins de sensations ! Car au moins ici, peut-on
sentir la reprise de traction après chaque courte pose. Il
faut d'ailleurs bien regarder les chiffres pour cerner la vitesse
réelle de déplacement de l'engin, très (trop
?) bien insonorisé. Matthias Tonn, ingénieur en chef
de la Focus ST, a déclaré : "Comme le montrent
les mesures, la Focus ST accélère de 0 à 100
km/h en à peine plus de 6 secondes, ce qui la situe dans
la catégorie de performance de voitures de sport largement
plus puissantes." En effet, malgré des sensations bien
différentes, la ST avance clairement plus vite que l'ancienne
RS ! Pour être plus précis, elle lui colle même
14 secondes sur la boucle nord du fameux Nürburgring... Quelle
trahison ! La vitesse maxi atteint quand à elle 241 km/h,
à 5720 tr/min au compte-tours. Côté budget,
la consommation, notamment en ville ou sur circuit, pâtit
du nombre des cylindres à alimenter, du turbo et du poids
respectable de cette compacte vitaminée qui affiche tout
de même 1392 Kg sur la balance en ordre de marche.
CHASSIS
La Mondeo a été la première Ford à
bénéficier de la suspension arrière à
multibiellettes qui contrôle le débattement des roues
arrière. Ce système a ensuite été amélioré
puis adapté sur la première Focus dans sa version
"Control Blade". La première génération
de Ford Focus avait alors établi de nouvelles références
sur le plan des suspensions et de l'avis de nombreux experts, la
structure du châssis de la Focus était très
largement supérieure à tout ce qui existait alors
sur le segment C. Pour développer les suspensions de la seconde
génération de la Focus ST, il n'a pas été
nécessaire de les modifier en profondeur. Paul Wijgaerts,
directeur de la fabrication au département Ford TeamRS était
responsable du projet Focus ST. "Sur la ST, notre tâche
a consisté à optimiser le réglage des suspensions
pour lui conférer un comportement encore plus sportif et
une meilleure agilité. Toutefois, notre objectif n'a jamais
été d'obtenir de bonnes mesures au tour sur le circuit
du Nürburgring au détriment du confort général
de la voiture." La Focus ST utilise un train avant identique
aux versions normales, doté de bras transversaux et d'éléments
de suspension de type MacPherson avec une barre antiroulis de 21,5
mm. La caisse de la nouvelle Focus a pourtant été
renforcée sur la version ST : une traverse supplémentaire
a été ajoutée au niveau du tablier entre les
tourelles de suspension. Les dimensions des ressorts de la ST ont
été calculées de manière à ce
qu'ils offrent un débattement total d'environ 200 mm, bien
que la garde au sol de la ST soit inférieure de 15 mm à
celle d'une Focus normale. Cette hauteur de suspension réduite
est associée à une course plus ferme
et plus courte des ressorts en compression mais plus longue
en détente. Etant donné que le débattement
total des suspensions est plus grand, les pneus de la Focus ST assurent
un meilleur contact avec la surface de la route - "sur la totalité
du rebond négatif," - comme le disent les ingénieurs
dans leur jargon - ce qui, concrêtement, optimise la tenue
de route dans les pires conditions. La suspension arrière
a été optimisée par l'adoption de bagues caoutchouc
plus rigides au niveau des bras inférieurs, tandis que la
géométrie du train a été améliorée
pour supporter plus efficacement les forces latérales accrues.
Les ressorts de la suspension arrière ont également
été raffermis de 30 % et les dimensions de la barre
anti-roulis accrues de 5% (21mm). Ces améliorations confèrent
ainsi deux avantages majeurs à la Focus ST : une très
grande adhérence et une tenue de route exceptionnelle qui
améliore nettement l'efficacité globale de la ST 225,
au point de la rendre à la fois plus efficace et plus confortable
que la RS. Pourtant, au niveau des sensations, la ST n'égale
pas la RS et la prouesse eu été trop belle. La direction
à crémaillère EHPAS (direction assistée
électro-hydraulique) a degré d'assistance variable
figure parmi les meilleures du moment, mais ne satisfait pas aussi
pleinement qu'un bon vieux système hydraulique. Pourtant,
Ford a fait des efforts là aussi. La direction offre une
réactivité supérieure de 8 % à celle
des modèles Focus classiques afin que le conducteur bénéficie
de sensations plus directes au volant, soit 2,38 tours de butée
en butée. Enfin, une sportive qui accélère
bien se doit de freiner encore mieux : c'est le cas de la Focus
ST qui à l'intérieur de ses larges chaussures de 18
pouces est équipée d'étriers de freins à
quatre pistons qui pincent des disques ventilés de 320 mm
de diamètre x 25 mm d'épaisseur à l'avant tandis
qu'à l'arrière, les étriers de freins à
deux pistons sont associés à des disques de 280 x
11 mm. L'ensemble est secondé par un classique ABS avec répartiteur
électronique de la force de freinage (EBD) et l'aide au freinage
d'urgence (EBA), tant critiquable pour un usage sur circuit reste
en option. La Focus ST est également équipée
du programme de stabilité électronique (ESP) Conti
Teves Mk 60, entièrement déconnectable, mais qui laisse
apparaître une vraie lacune : bien que collée au bitûme
en toutes circonstances, la ST ne dispose pas d'un autobloquant
mécanique comme la RS et faire passer 225 chevaux au sol
avec une traction avant, cela demeure toujours à nos yeux
une hérésie. Sans compter que pour le vrai fun, il
faudra chercher une autre monture.
:: CONCLUSION
Au moment de faire le bilan, il apparaît que cette nouvelle
Ford Focus ST domine les débats en termes d'agrément
général. A l'aise partout et très performante,
elle vient même titiller les ténors de la catégorie
dotés de gros V6, tels l'Alfa Romeo 147 GTA ou l'Audi A3
V6. Pourtant, c'est justement la recherche du compromis parfait
de la ST qui se retourne contre elle. Trop facile, trop policée,
il lui manque un brin de caractère pour donner le grand frisson.
Mais comme pour nous mettre du baume au coeur, Ford laisse entendre
que la réussite commerciale de ce modèle conditionnera la conception,
ou non, d'une nouvelle Focus RS...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"La ST offre le meilleur rapport prix/performances de sa catégorie
et demeure sans doute l'une des GTI les plus efficaces du moment.
Mais derrière ce tableau idylique, il manque le panache et
les frissons que se doit d'offrir une sportive digne de ce nom.."
MOTORSPORT - N°2 - ESSAI FORD FOCUS ST. |