LOTUS EVORA GT410 Sport (2018 - )
A kind of magic
Ayant affiché l'an dernier des résultats records et désormais appuyé par les capitaux du géant chinois Geely, Lotus fête cette année ses 70 ans avec une sérénité inédite. En attendant le renouvellement tant attendu de l'Elise, il nous tardait de pouvoir prendre en main la dernière évolution de l'Evora...
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
Prenons tout d'abord le temps d'un petit flash back. En 2014, Lotus avait arrêté la production de l'Evora S, laissant un vide de plusieurs mois au sommet de sa gamme jusqu'à la présentation de l'Evora 400 en février 2015, puis sa mise en production en juillet. Revue sur de nombreux points, allégée, affinée aérodynamiquement, la belle anglaise nous est revenue en pleine forme et Lotus a, comme toujours, continué de faire évoluer son modèle. Présentée au salon de Genève en février 2016, l'Evora Sport 410 est ainsi devenue la première Lotus à franchir les 300 km/h. En 2017, elle a été détrônée par l'Evora GT430, elle-même dédoublée en GT430 Sport, version un peu moins extrême aérodynamiquement. En janvier 2018, l'Evora Sport 410 a aussi laissé place à la GT410 Sport, version intermédiaire de la gamme entre la 400, toujours au catalogue, et les GT430...
Si, comme nous, vous avez eu du mal à suivre, rien d'anormal tant il est facile de se perdre dans les méandres du marketing Lotus... Il faut dire aussi que la vie à Hethel n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Elle a même été secouée en 2017 par deux changements majeurs : Lotus a atteint la rentabilité pour la première fois depuis le lancement de l'Elise en 1997 (!) et son propriétaire malaisien en a profité pour se séparer de ses actions, les cédant au chinois Geely. Dans le même temps, le réseau de distribution de la marque a plus que doublé ses adresses pour accompagner la croissance sans précédent des ventes, y compris en France. Depuis notre essai de l'Evora S en 2011, de l'eau a donc coulé sous les ponts et c'est par un heureux hasard que nous avons pu enfin renouer contact avec les productions de Hethel. Faute de pouvoir nous rendre en Angleterre, c'est en effet le nouveau distributeur Lotus en Normandie, Sport & Classic Cars (lire notre reportage) qui nous a permis d'essayer l'Evora dans sa dernière évolution en date...
PRESENTATION
Sortie en 2009 et accusant donc, déjà, 9 ans de carrière, la Lotus Evora surprend toujours par sa modernité. Le dessin du belge Steve Crijns a bien résisté aux années et le relooking de 2015 n'a pas fait dans la dentelle pour rester dans le coup, quitte à sacrifier un peu l'élégance naturelle qu'avait l'Evora première version. Avec la 400 et plus encore ses dérivés, la performance brute s'emballe sans quiproquo des derniers développements aérodynamiques pour se la jouer supercar.Pour chipoter un peu, sur le plan du style les "guirlandes de led" des feux de jours ajoutés au bouclier avant dénotent un peu, alors qu'une "signature lumineuse" à l'intérieur des phares aurait été plus actuelle.
Utilisant des panneaux de carrosserie spécifiques (toit et capot moteur en carbone) et des boucliers empruntés à la GT430, la nouvelle GT410 Sport affiche une silhouette résolument sportive. Sportive, mais pas tape-à-l'oeil car chez Lotus, rien ne se fait sans justification technique. Ainsi, même en se privant de l'imposant aileron des 430, l'arrière est capable de générer jusqu'à 96 kg d'appui (+50% par rapport à la Sport 410 et +150% par rapport à l'Evora 400 !) grâce à un diffuseur conséquent, un capot moteur intégrant un béquet et d'énormes écopes dans le bas des ailes arrière qui laissent apparaître la sculpture des pneus. Effet garanti ! Sur le strict plan du style, notre doyenne n'a pas à complexer par rapport à ses concurrentes plus jeunes, que ce soit l'Audi R8, la Honda NSX, l'AMG GT ou encore l'inévitable Porsche 911...
HABITACLE
Si elle ne se voit pas forcément dans l'habitacle dont la finition a fait de sérieux progrès, la chasse aux kilos menée sur l'Evora 400 a permis d'alléger les sièges de 3 kg chacun. Optimisée mais pas radicale, la GT410 Sport se veut plus polyvalente que la GT430 ; elle est donc proposée au choix en configuration biplace "2+0" ou 2+2, en option. Compte tenu de l'espace très restreint qu'offre la banquette, il faudra vraiment limiter son usage à de petits déplacements et pour des enfants qui n'ont pas les jambes trop longues... Le confort des baquets de la GT410 Sport est tout à fait correct et le maintien excellent fait qu'on se sent en osmose avec sa monture.
Globalement, l'ergonomie n'est pourtant pas le point fort de l'Evora, sans être aussi mauvaise que dans l'Elise. Tout d'abord, l'accès y est bien plus aisé. La position de conduite est bonne, bien que la tête soit près du plafond et le volant pas centré par rapport au siège. Sans repose-pied, il y a tout juste la place à caler son pied entre l'embrayage et le passage de roue. L'intégration de l'écran tactile 7" d'info-divertissement (option) au milieu de la planche de bord n'est pas des plus réussies mais il permet surtout de profiter de la caméra de recul, quasiment indispensable compte tenu de la visibilité nulle à travers le capot moteur. Même chose pour la climatisation automatique : les commandes ne sont pas idéalement positionnées mais on s'en passera difficilement. On peut malgré tout regretter l'absence totale de vide-poche et espace de rangement immédiat, sans compter le volume et la forme du coffre rendant celui-ci assez peu logeable, en dehors d'un casque, de bottines et d'une paire de gants. Vous l'avez compris, l'Evora n'est pas la familiale dont vous rêviez...
MOTEUR
Par rapport à sa devancière, l'Evora 400 a apporté un lot de modifications notables au V6 3.5L Toyota. Posé sur un nouveau berceau et de nouveaux supports moteur, il a perdu près de 6 kg superflus et reçu un nouveau compresseur volumétrique, un nouvel échangeur et une gestion moteur remaniée. La puissance brute a ainsi fait un bond de 350 à 406 ch et gagne encore une dizaine de chevaux sur la GT410 pour un couple de 420 Nm qu'il faut aller chercher à 4500 tr/mn.
L'autre grande nouveauté a été l'adoption d'un échappement à clapets, permettant de libérer, enfin, la sonorité du V6 japonais. Et là mes enfants ! On a longtemps reproché à la belle anglaise son manque de charisme et de caractère moteur par le passé mais Lotus semble avoir enfin trouvé la recette de la potion magique. La mélodie se transforme en véritable hurlement animal dans les tours, provoquant chez moi et mon accompagnateur une hilarité spontanée à la première grosse accélération (cf. petite video en fin d'essai) ! Une ligne d'échappement optionnelle en titane permet de soulager le train arrière de 10 kg et de donner encore plus de voix au V6. Une option doublement recommandable !
La boîte manuelle à 6 rapports a elle aussi bénéficié d'améliorations concernant son guidage, parfois problématique sur l'Evora S. Le volant moteur de type mono-masse impose une pédale d'embrayage un peu virile avec un point de patinage en début de course mais à laquelle on s'habitue vite. Adoptée principalement pour le marché américain, la boîte automatique à 6 rapport est aussi proposée sur la GT410 Sport, mais vraiment, ce serait dommage...
Malgré les évolutions moteur et le poids limité, le bilan ne permet pas d'échapper au malus "plein pot". Correspondant à une consommation de 9,7L / 100 km, les 225g de CO2 annoncés sont pourtant plus crédibles que les valeurs de la concurrence turbocompressée, quoique sur un usage purement récréatif, il sera difficile de descendre sous les 10L... Mais qu'importe, en contrepartie vous aurez tout le bonheur de conduire une sportive parmi les dernières véritablement authentiques, avec une vraie boîte de vitesses et un vrai moteur, linéaire certes mais qui ne demande qu'à chanter fort, longtemps et juste en délivrant sa puissance sans aucun temps mort.
SUR LA ROUTE
Les précédents chapitres nous conduisent vers l'apothéose au moment d'évoquer le châssis de l'Evora GT410. Ayant gagné 42 kg sur sa structure, l'Evora 400 a commencé à remédier à une prétendue surcharge pondérale. Construite sur une structure en aluminium, elle peut en effet difficilement rivaliser avec des monocoques en carbone. Gardons les pieds sur terre, ce n'est ni une Ferrari 488, ni une McLaren 570 GT mais notre Evora est loin d'être une obèse... Avec moins de 1300 kg à vide en incluant les options échappement en titane (-10 kg), amortisseurs Öhlins TTX (-13 kg) et les jantes les plus légères, la GT410 Sport affiche tout de même un régime de 98 kg par rapport à l'Evora 400 !
Volant en mains, les chiffres prennent leur réelle dimension. Légère, la Lotus l'est assurémment et le ressenti offert par cette Evora bouleverse dès les premiers kilomètres. Bien sûr, quand on connaît déjà les productions de Lotus, on sait à quoi s'attendre. Mais ici les ingénieurs ont encore repoussé les limites du possible. Et il ne faut pas rouler longtemps avant d'afficher un sourire niais au volant, comme un gosse qui vient de retrouver son jouet préféré. Tout paraît encore mieux que dans nos souvenirs et la sensation, trop rare, de faire corps avec la voiture en est émouvante. Le premier virage arrive comme une révélation divine et provoque immédiatement l'envie... d'acheter cette voiture ! La direction directe, ferme, précise et communicative, offre ce qu'on aime depuis toujours dans l'Elise mais l'Evora ajoute une dose de stabilité et d'équilibre supplémentaires dans les courbes, tout en se révélant aussi agile lors des changements d'appuis et réactive au transfert de charge.
Sur route, même mauvaise, l'ensemble ressorts Eibach/amortisseurs Bilstein fait aussi des merveilles pour se jouer des bosses sans jamais compromettre la stabilité ni le confort. Ferme mais pas figée ni percutante, l’Evora GT410 Sport place des amortis somptueux dignes d'un Nadal pour dominer la route. Une suspension "touring" plus confortable que celle de série est proposée comme option gratuite mais le compromis nous semble déjà parfaitement taré. Comme attendu, le freinage AP Racing est puissant et imperturbable et les Michelin Pilot Sport Cup 2 font étalage de leur talent en ne se faisant jamais remarquer. Même en cas d'optimisme trop prononcé sur la pédale de droite si vous avez déconnecté l'ESP (mode Race), l'arrivée progressive du couple offerte par le compresseur rend les réactions naturelles. A ce niveau de maîtrise des liaisons au sol, si ce n'est pas tout à fait de la magie ce n'en est pas moins du grand art.
Plus encore que le simple plaisir d'enfiler les virages à n'en plus pouvoir, l'Evora élève la relation vers l'extase par la simple pression du bouton d'échappement actif. Notez que cela n'est même pas indispensable car, à pleine charge, la gestion moteur ouvre d'elle-même en grand. Ce bonus permet donc de jouer sur les deux tableaux : volume sonore modéré à vitesse stabilisée et sonorité bestiale en arsouille ! Malheureusement pour moi, même les meilleures choses ont une fin et après ce petit voyage au paradis motorisé, il me faut rendre les clés à Nicolas, faute de pouvoir signer un chèque de 123 200 euros. Snif...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
LOTUS EVORA GT410 Sport
MOTEURType : 6 cylindres en V à 60°, 24 soupapes + calage variable VVTI
Position : transversal central AR
Alimentation : Gestion électronique Lotus, injection indirecte + compresseur Edelbrock
Cylindrée (cm3) : 3456
Alésage x course (mm) : 94 x 83
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 416 à 7000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 420 à 4500
TRANSMISSION
AR + DGL type Torsen
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
POIDS
Données constructeur (kg) : 1320
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3,2
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés perforés sur bol alu (370/350), étriers fixes 4 pistons + ABS
Pneus Av-Ar : 235/35 R19 - 285/30 R20 (Michelin Pilot Sport Cup 2)
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 305
400 m DA :
1000 m DA :
0 à 100 km/h : 4"2
CONSOMMATION
Mixte NEDC (L/100 Km) : 9,7
Moyenne de l'essai (L/100 Km) : 15,1
CO2 (g/km) : 225
PRIX NEUF (04/2018) : 111.900 €
PUISSANCE FISCALE : 30 CV
CONCLUSION
:-) Sonorité Boîte Performances Direction Freinage Amortissement Confort Finition améliorée |
:-( 80 km/h... Habitabilité / ergonomie Visibilité arrière Hausse des tarifs |
"One dream, one soul, one prize"... Ces paroles de Freddie Mercury, à qui Lotus a rendu hommage en 2011 avec une Evora unique, définissent très bien l'Evora GT410 Sport : une ligne de rêve conjuguée à des prestations exceptionnelles et une mécanique ensorceleuse. Ce qui a malheureusement aussi un prix, pas si élevé pour une petite supercar mais loin de ses débuts...