MCLAREN 570GT (2016 - )
Britain's got talent
Sensations, poids réduit, exclusivité et utilisation au quotidien, voilà comment McLaren résume l'esprit de sa gamme Sport Series. Après l'essai de la formidable 650S Spider l'an dernier, il nous tardait donc de voir si la "petite McLaren" tenait elle aussi toutes ses promesses...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
Désormais retiré des affaires de McLaren, Ron Dennis laisse derrière lui la renaissance de la marque en tant que constructeur de voitures de sport. Outre la mythique F1 qui s'apparentait plus à une voiture de course homologuée pour la route et les collaborations furtives avec Mercedes-AMG (SLR), c'est en effet l'arrivée de la MP4-12C et de ses dérivés (gamme Super Series) qui aura remis le spécialiste anglais en selle dans la catégorie très enviée des fabricants de supercars.
Maintenant que la grande soeur (720S) s'est un peu plus émancipée côté design et puissance, la gamme Sport trouve d'autant mieux sa place au catalogue. Conçue sur une plateforme similaire autour de la cellule MonoCell II et animée par l'ancien V8 3.8L dans une version assagie, elle permet d'élargir la clientèle de façon considérable en proposant la technologie McLaren juste sous la barre des 200.000 €. De quoi peser à terme pour environ deux tiers de la production totale du site de Woking. A ce tarif, la "baby Mac" vient se frotter aux Mercedes-AMG GT, Porsche 911 Turbo, Ferrari California et Aston Martin Vantage, mais aussi les Audi R8 V10 et la nouvelle Honda NSX II. Plus spécifiquement destinée aux adeptes de "road trips" comme les apprécient tant nos voisins anglais, la 570GT devient donc la McLaren la plus polyvalente et pratique à ce jour. Si faire cohabiter une architecture de pure sportive avec l'esprit Grand Tourisme est un exercice délicat, l'essayer dans des conditions hivernales ne l'était pas moins pour juger de ses qualités de grande voyageuse...
PRESENTATION
Présentée en 2015 au salon de New York, deux ans après la P1, la 570S est le troisième volet de l'offensive commerciale de McLaren. Après avoir complété cette offre par le bas avec la 540C, McLaren ajoute une nouvelle version inédite à Genève en 2016 avec la 570GT, une évolution plus "polyvalente" de la 570S. Mais derrière les appellations marketing parfois discutables des constructeurs, l'idée d'une Grand Tourisme conçue sur la base d'une supercar à moteur central arrière pouvait lever quelques doutes, de même que l'utilité réelle de cette porte vitrée située juste au-dessus du moteur...
Dans la pratique, la ligne de la 570GT évolue très peu par rapport aux autres versions. Et c'est une très bonne chose car elle est admirablement réussie, avec des éléments de style qui reflètent autant la puissance de son moteur que l'intelligence de sa conception aérodynamique. On notera tout d'abord que le toit panoramique de série, proposant 3 niveaux de teintage, n'est pas là que pour baigner l'habitacle de lumière. Il s'étend aussi plus loin vers l'arrière pour dégager un rangement supplémentaire et plus d'espace pour la tête. Comme sur la P1, il est traité avec un film acoustique et solaire. Dicté par cette nouvelle ligne, l'aileron arrière spécifique à la GT a été réhaussé de 10mm pour obtenir plus d'appui à haute vitesse. Tout le reste conduit à la contemplation, de la face avant qui dirige les flux d'air exactement là où on en a besoin, en passant par les flancs sculptés comme une oeuvre contemporaine, jusqu'à la poupe qui dégage de multiples ouvertures sur le coeur mécanique d'orfèvre qui s'y loge, même dans les ovales formés par les feux. Superbe !
HABITACLE
L'accès à bord entre les portes dièdres et le robuste longeron de la cellule en carbone a été amélioré sur la petite McLaren mais requiert toujours un peu de gymnastique. Cette configuration fait que la 570GT conserve un pied dans le monde des supercars. L'accès à l'espace de rangement aménagé derrière les sièges n'est guère plus simple, même en passant par la nouvelle porte vitrée qui ne se soulève pas comme un hayon classique mais s'ouvre seulement côté passager. On laisse alors glisser ses affaires sur le toboggan en espérant ne pas dépasser la hauteur réduite sous le vitrage. Au total cet espace libère 220 litres de contenance et permet de "plus que doubler" le volume de chargement théorique, jusqu'ici limité aux seuls 150 litres du coffre présent sous le capot avant, mais reste à savoir si deux petits coffres valent mieux qu'un grand...
En dehors de ces réserves purement pratiques, une fois installé au volant, l'esprit humain (plus exactement masculin dans le cas présent) fait qu'on oublie de toute façon rapidement ces critères pour focaliser son attention sur le poste de conduite. La position du volant et du siège offrant 8 réglages électriques frise la perfection (malgré l'absence de repose-pied) tandis que la finition, de très bon niveau, préserve un dessin épuré et sans ostentation inutile. Alors même si l'ergonomie des menus de l'ordinateur n'est absolument pas intuitive, on s'en accomode aussi... La magie "supercar" opère.
Ajoutons que, même si les options ne manquent pas pour personnaliser la voiture, l'équipement de série est à peu près complet avec la climatisation automatique bi-zone, la navigation GPS, la sellerie cuir et un système audio de bonne qualité. En option, le pack GT ajoute le système de levage à l'avant (+40mm) pour les parkings difficiles, une caméra arrière (pas inutile compte-tenu de la visibilité quasi nulle), l'alarme volumétrique, un système audio Bowers & Wilkins, une housse de voiture et des tapis de sol brodés McLaren. Il ne vous manquera plus que le set de bagages optionnel pour partir à l'assaut des plus belles routes d'Europe.
MOTEUR
Comme son nom l'indique, la McLaren 570GT hérite du même V8 que la 570S, fort de ses 570 ch et 600 Nm de couple. Si les valeurs de ce V8 bi-turbo (M838TE) n'ont plus de quoi impressionner les grosses berlines allemandes, ce que les chiffres bruts ne traduisent pas directement c'est son caractère unique.
Pour le comprendre, il faut lire plus en détail la fiche technique et, encore mieux, l'expérimenter. "Contraint" de grimper jusqu'à 7500 tr/mn pour délivrer toute sa puissance, ce petit V8 y va (et même 1000 tours au-delà) avec une rage peu commune. Un peu creux en bas, la poussée s'accentue au-dessus des 3000 tr/mn, puis devient hystérique et digne des meilleurs atmos. Associée au couple des deux turbos, disponible sans aucun temps de réponse, il procure des poussées absolument grisantes. Les poils se dressent aussi sûrement que l'antipatinage clignotte, jusqu'à des vitesses inavouables sur nos routes à moitié gelées...
Dans le même temps, l'insonorisation a été optimisée, avec des matériaux ultra légers comme il se doit, pour éviter de transformer le nouveau coffre vitré en horrible caisson de raisonnance. Sur ce plan, le résultat est probant, en revanche la sonorité du V8 a perdu de son éclat et de sa sauvagerie par rapport à la 650S. Proche d'un banal 4 cylindres turbo en raison de son vilebrequin à plat, comme chez Ferrari, le V8 McLaren ne transporte pas l'auditoire comme le fabuleux V10 Audi-Lamborghini.
L'étagement serré des premiers rapports de la boîte à double embrayage aide autant aux sensations qu'aux accélérations, lesquelles sont ébourrifantes malgré les 80 ch de moins que sur la 650. A ce niveau là de catapultage, sans l'aide d'un chronomètre il devient impossible de vraiment faire la différence. Mais les données officielles sont formelles : on atteint les 200 km/h en moins de 10 secondes...
A cette cadence, la consommation moyenne à peine croyable enregistrée sur grande route (9 L/100 km) ne devient plus qu'un lointain souvenir, mais le "bilan carbone" reste admirable avec un petit 13 L de moyenne sur l'ensemble de notre essai.
SUR LA ROUTE
Bien que conservant la cellule en carbone de sa grande soeur, la 570GT a du concéder quelques coupes budgétaires de la part des ingénieurs châssis. Entre autres, par rapport à la 650S, on perd les freins carbone-céramique (ils restent disponibles en option) et le spectaculaire aérofrein pour de simple disques en fonte d'acier sur bol alu (le diamètre est en revanche identique à la 650S). La suspension à régulation hydraulique qui permettait de se passer de barres antiroulis est aussi remplacée par un système plus classique. Pas de quoi en faire un drame, comme vous allez le voir.
L'amortissement reste piloté selon 3 modes, Normal, Sport et Track. Par rapport à la 570S, la raideur des ressorts a été réduite de 15% à l'avant et 10% à l'arrière. McLaren précise aussi que le système de direction électrohydraulique du Coupé 570 a été conservé mais avec une démultiplication moins directe de 2% pour lisser les efforts du conducteur à haute vitesse. Derrière le volant, elle se montre toujours aussi précise avec un train avant hyper incisif et très communicatif qui met immédiatement la banane. La relation entre le volant et la route semble toujours se faire d'un seul bloc, comme sur une voiture de course. Comme cela a déjà pu être dit à propos de la 650S, malgré un poids en ordre de marche d'environ 1450 kg, la conduite de la 570GT s'apparente un peu à celle d'une Lotus... qui aurait beaucoup de chevaux ! La puissance d'une supercar, l'agilité d'une "light" et la facilité d'usage d'une GT, le meilleur des mondes en résumé.
La petite McLaren trouve toutefois en face d'elle des rivales à moteur central plus dociles, comme l'Audi R8 V10 Plus et la nouvelle Honda NSX II (voir aussi notre comparatif) et de vraies GT comme l'AMG qui peuvent faire hésiter au moment de signer un gros chèque de presque 200.000 € (hors malus et options). Moins envoûtante mécaniquement que l'allemande et son V10 atmosphérique d'un autre temps, moins technologique que la japonaise et son hybridation visionnaire, la McLaren joue la carte des sensations et de la sportivité comme son meilleur atout, avec un zest de polyvalence. On peut regretter que le simple ajout d'un - petit - volume de chargement supplémentaire ne s'accompagne pas d'un amortissement encore plus confortable et d'autres raffinements, mais la frénésie de tours-minutes de sa mécanique et la sensation d'être connecté à la route en permanence placent la McLaren bien à part. Quand le poids et la technologie deviennent souvent des obstacles à la pureté des sensations, la 570GT évite soigneusement le piège de l'embourgeoisement pour mieux souligner son incroyable talent...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MCLAREN 570GT
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : central AR
Alimentation : injection directe, double calage variable + 2 turbos avec échangeur air/air
Cylindrée (cm3) : 3799
Alésage x course (mm) : 93 x 69.9
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 570 à 7500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 600 de 5000 à 6500
TRANSMISSION
AR + DGL électronique
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage SSG (7)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (370-350)
Pneus Av-Ar : 225/35 R19 - 285/35 R20 (Pirelli P Zero)
POIDS
Constructeur (kg) : 1350 (à sec)
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2,3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 328
0 à 100 km/h : 3"4
0 à 200 km/h : 9"8
CONSOMMATION
Moyenne normalisée (L/100 Km) : 10.7
CO2 (g/Km) : 249
PRIX NEUF (12/2017) : 196.950 €
PUISSANCE FISCALE : 48 CV
CONCLUSION
:-) Ligne magnifique Caractère moteur exceptionnel Position de conduite Direction Freinage Comportement Rapide et sûre... |
:-( ... mais pas vraiment GT (accessibilité, rangements, confort) Sonorité du V8 un peu décevante Moteur invisible Coffre réduit |
La McLaren 570GT se veut moins radicale que ses soeurs mais la pose du hayon ne suffit pas à la transformer en véritable GT. Son amortissement reste un peu trop ferme sur mauvaise route et les aspects pratiques sont limités. Elle n'en est pas moins une sportive de la plus belle race, avec une ligne, un moteur et un châssis d'exception.