MATCH : HONDA NSX vs AUDI R8
Les supers et l'extraordinaire
Absent du monde des supercars pendant plus de dix ans, Honda revient en force. En face, Audi a acquis une certaine crédibilité avec la première génération de sa R8. Disposant de puissances proches mais de technologies opposées, il est intéressant de confronter ces deux machines. Deux visions de la supercar, entre le gros atmo, à l'ancienne, et l'association du thermique et de l'électrique, digne d'un film de science-fiction...
Texte
: Maxime JOLY
Photos : Sébastien DUPUIS
D'ordinaire, nous sommes davantage habitués aux comparatifs de GTI sur l'AS (Civic Type R contre 308 GTi, par exemple). Mais parfois, on se laisse aussi aller à l'extraordinaire, goûtant à la part du rêve qui veille en chacun de nous. Outre l'aspect financier qui entre évidemment en jeu, l'opposition de deux supercars est plus rare car plus complexe à mettre en oeuvre. Alors quand l'occasion se présente, il n'y a pas à hésiter longtemps !
C'est ainsi qu'avec un peu de chance dans notre agenda, nous avons eu l'opportunité de confronter la toute nouvelle Honda NSX, déjà essayée individuellement en fin d'année, et le coupé Audi R8 V10 Plus sorti l'an dernier. Nos deux protagonistes ont sur le papier de réelles similitudes qui rendent en effet la comparaison pertinente : deux berlinettes à moteur central arrière, deux super sportives à quatre roues motrices, un budget équivalent et une puissance qui avoisine les 600 ch. Mais derrière les chiffres, des choix techniques bien différents...
PRESENTATION
Sur le thème du design, on est comme toujours dans le purement subjectif. On pourra trouver de prime abord que la nouvelle NSX s'inspire plus de la R8… première du nom, que de son ancêtre, la NSX Mk1. En réalité c'est surtout la Ferrari 458 Italia qui servit de benchmark à Honda. Au final, forte d'une multitude d'influences plus ou moins directement identifiables, il convient de dire que la Honda possède une personnalité bien à elle. A l'inverse, Audi faisant du Audi, la R8 n'évolue pas trop. Il n'y avait sans doute pas lieu de révolutionner une ligne qui a marqué les esprits. La R8 se dynamise simplement avec quelques évolutions finement dosées, à la manière d'une 911.
Mais nous donnerons cependant le point à Honda qui a su jouer la carte de la modernité, avec un travail aéro remarquable qui la dispense d'aileron. Croiser quelqu'un au volant de la japonaise est l'assurance de voir la stupéfaction dans ses yeux, sentiment renforcé par le fait que le grand public ne sait absolument pas ce qu'il a en face de lui. Au contraire, ce que nous pourrions prendre pour le restylage de la R8, est plus mitigé. Pourtant, avec les retouches opérées et plus particulièrement à l'avant, à l'applaudimètre elle semble séduire autant que la Honda. Subjectif je vous ai dit…
Point : Honda
HABITACLE
S'il y a match sur le thème tout juste abordé, il n'y a pas besoin de prolongations, et encore moins de tirs au but pour celui-ci. Critiquable sur la première R8, la présentation intérieure de la nouvelle est devenue irréprochable. Tout est là où il le faut et les matériaux sont de grande qualité. Le Virtual Cockpit Audi enfonce le clou côté modernité. La NSX, censée être plus moderne, déçoit déjà par son ordinateur de bord qui semble avoir un train de retard. La présence de plastique gris à l'aspect basique sur la console centrale et l'excès de faux alu n'est guère plus enthousiasmante. Il y a pourtant matière à se montrer exigeant même sur ce point, lorsque le tarif des deux autos tourne autour des 200.000 €, la note de chacune d'entre elles pouvant grimper selon les options que vous cocherez. Certes, Ferrari a depuis longtemps démontré que la finition n'était pas un argument décisif de vente, mais le cheval cabré aide peut-être à se faire violence…
Point : Audi
MOTEUR
La partie évidemment la plus excitante dans un duel de supercars est la découverte de la borne d'arcade. Les deux consoles prennent place à l'arrière, comme sur leurs devancières. Les joysticks ont disparu, remplacés par des palettes au volant. C'est l'époque qui veut ça. Chez Audi, on s'est senti d'humeur décomplexée. Non seulement le V8 a été mis au placard mais, en outre, la version Plus du V10 récupère les mêmes spécificités que la Lamborghini Huracan LP610-4 quand, auparavant, Audi restait en retrait – même symbolique – par rapport à la Gallardo. Difficile de ne pas tomber amoureux de ce bloc. En s'autorisant une métaphore culinaire, l'essai du V10 pour conclure notre année 2016 ressemblait à du foie gras après avoir mangé beaucoup de pâtes tout au long de l'année… A la conduite, c'est l'orgie à tous les étages. La grosse cylindrée offre du couple à n'importe quel régime, mais finalement pas tant que ça. A 3.000 tr/min, on a moins de 300 Nm. Qu'importe, la souplesse est là grâce aux 10 gamelles. C'est à ce régime que les Nm grimpent en flèche pour atteindre leur apogée de 560 Nm à 6.500 tr/min quand 95% des moteurs vous supplient de changer de rapport. Il reste alors encore 2.000 tours pour se faire plaisir avec la courbe de puissance qui, à l'inverse, entame un second pic jusqu'à 8.250 tr/min. Ce caractère bi-polaire, rarement compatible avec des cotes de longue course, n'est pas que du bla-bla et se confirme derrière le volant. Pour faire simple, ça pousse, ça pousse fort puis ça arrache en même temps que les lumières clignotent au tableau de bord pour faire comprendre que vous avez franchi le mur du son. Et côté son, ce feu d'artifice caractériel s'accompagne d'un déluge de décibels à vous dresser les poils à chaque accélération. N'étant pas patient, j'active l'ouverture des échappements pour profiter du son du V10 dès les bas régimes. C'est le côté partageur du V10, bien que l'échappement sport reste optionnel sur la version Plus. Le 10 cylindres, désormais à bi-injection, est une bête enragée. Conçu pour trouver sa place chez Lamborghini il est de la race des taureaux. Contrairement à ses confrères du moment, il n'a pas reçu ses vaccins sous la forme de turbocompresseurs. Il respire à pleins poumons. Monté derrière vous, vous sentez son souffle chaud sur votre nuque…
Après une prise en main convaincante mais relativement brève de la NSX ayant abouti à un premier essai mis en ligne, j'avais hâte de découvrir la Honda sur une plus longue durée. La mise en route du V6 est agréable, et bruyante. Un vrai démarrage de supercar. Ensuite, l'ambiance change radicalement, ayant l'impression de faire un bond dans le temps d'un siècle. On passe du mode électrique silencieux au Sport+ en deux coups de molette. Ce dernier n'est pas forcément très agréable car, en plus des valves d'échappement totalement ouvertes, un accentueur sonore placé dans l'habitacle s'active en Sport+ et Track. Officiellement, le son délivré est totalement naturel et provient directement de l'admission du V6. Difficile pourtant de cerner pleinement son timbre de voix. Oscillant entre le V6 et le V8 du fait de son angle d'ouverture peu ordinaire, il laisse un peu sur sa faim. Ce constat est encore plus vrai après avoir eu les oreilles bercées par les comptines italo-germaniques, plus animales que robotiques. Les histoires de puissance cumulées entre moteurs thermique et électriques sont toujours compliquées à déchiffrer, les régimes n'étant pas compatibles entre eux. La valeur officielle fait état de 581 chevaux et 646 Nm. C'est 29 chevaux de moins que l'Audi en version Plus, mais 40 de plus que la V10 de base, avec un couple autrement plus généreux et, accessoirement, disponible à des régimes plus favorables. Pour autant, la sensation de poussée n'est pas vraiment supérieure à bord de la japonaise. Il faut dire que l'écart de poids entre nos protagonistes est de 200 kg. On touche aux limites de l'hybridation…
Face au 5,2L atmosphérique, Honda rétorque donc un 3,5L à double turbine et hybride ne reprenant rien de son ancêtre C30A, pas même le VTEC. Il faut se contenter du Dual VTC qui gère la levée des soupapes en continu. C'est propre, souple et ça accélère fichtrement fort. On a même une zone rouge débutant à 7.500 tr/min ce qui, pour une moderne, est loin d'être négligeable. L'impatient que je suis est immédiatement sevré de puissance et de couple mais l'étincelle se fait attendre. C'est trop linéaire face à la frénésie de la R8. Mais pour rouler différent et découvrir de nouvelles sensations à la conduite d'une sportive d'exception, il faut l'essayer au moins une fois dans sa vie avant de juger. Pour une première approche de l'hybride, le résultat ne laisse pas insensible, loin de là. Après avoir laissé le choix entre une boîte manuelle à l'ancienne et la R-Tronic ratée, la R8 était passée à la S-Tronic à double embrayage en fin de carrière sur le précédent modèle. La mk2 repart sur cette base avec une boîte à sept rapports plutôt réussie bien qu'elle ne soit habituellement pas ma tasse de thé. La gestion est bonne et les temps d'exécution rapides. Face à elle, la course à la technologie se poursuit chez une Honda avec une boîte 9, elle aussi à double embrayage. Egalement très rapide, elle pêche un peu par sa gestion en conduite dynamique. Elle mériterait une gestion plus agressive. En revanche, les ingénieurs américains ont eu la bonne idée d'installer des palettes de bonne taille quand Audi s'obstine à utiliser des modèles miniatures. C'est peut-être ça la principale différence avec une Lamborghini…
Enfin, place au bilan carbone. Sans avoir roulé à l'économie avec aucune des deux voitures, l'essai de l'Audi R8 s'est achevé à 19L/100 km quand la Honda NSX s'est « contentée » d'une moyenne de 13 litres. Un gouffre qui ne vous dispensera malheureusement pas d'être taxé au malus maximal dans les deux cas...
Point : Audi
SUR LA ROUTE
Tout les rapproche, mais les oppose aussi à la fois : l'emplacement des moteurs est identique mais les deux GMP n'ont rien en commun puis nous avons affaire à deux 4 roues motrices utilisant des solutions radicalement différentes. Le premier point a été traité plus haut, place au second. Par bonheur, il y a de quoi dire. Au premier abord, la R8 Mk2 est une Audi sportive tout ce qu'il y a de plus classique avec son logo quattro bien visible. Dans les faits, c'est loin d'être aussi évident puisque cette nouvelle génération n'utilise plus un Torsen central comme auparavant, lui conférant par la même occasion un statut d'intégrale permanente. Aujourd'hui, l'allemande est passée à l'Haldex, avec un embrayage multidisques piloté. Ce n'est pas la première du groupe à pareille architecture à franchir le pas, la Lamborghini Aventador ayant déjà tenté l'expérience et la Bugatti Veyron aussi avant elle. Avant de crier au loup, il faut penser aux conséquences que cela a. C'est l'exact opposé d'une TT RS, typée traction et qui transmet la puissance à l'arrière en cas de besoin. Le V10 positionné derrière le poste de pilotage en fait, à l'inverse, une propulsion qui passe à quatre pattes si nécessaire. C'est quand même autrement plus sportif et méritait d'être souligné. Il ne faut tout de même pas s'attendre à un changement fondamental de philosophie. Même les pures propulsions du segment se sont adaptées (comme nous l'avons expérimenté avec la McLaren 650S). Il n'était pas question d'en faire un dragster. Souvent taxées de sous-vireuses, les Audi ont démontré leurs progrès réalisés par le biais des nouvelles plateformes et c'est valable pour la R8 au train avant suffisamment incisif pour que les trajectoires ne s'écartent pas de trop. Pour plus de sportivité, le bouton Performance du volant éveille le démon qui est en elle et transfigure la bête. Tout est accentué, jusqu'à la direction enfin ferme et directe, et la gentille Audi faite pour rouler tous les jours se transforme alors en furie. Génial !
La nippone a d'autres atouts dans sa manche. La NSX 100% propulsion n'est – pour le moment – plus. Les moteurs à l'avant servent à la traction. La motricité à l'accélération sur sol gras n'est pas aussi scotchante que sur l'Audi et ce n'est pas plus mal dans un sens. Il faut juste le garder à l'esprit. Mon premier essai m'avait laissé un goût de pure GT, ce deuxième opus m'a laissé entrevoir d'autres horizons plus sportifs. La conduite de la NSX est hyper propre, du genre chirurgicale. Pas forcément très joueuse mais plus réactive aux transferts de charge que l'Audi. Plus fine, plus précise, plus communicative, elle cache excessivement bien son surpoids face à une allemande moins un peu moins raffinée. En dépit de pneumatiques plus basiques (Continental SportContact 5P), quand ça veut faire du sport, ça le fait bien ! C'est même ultra efficace et les sièges maintenant un peu plus près du corps aident à bien sentir chaque réaction de la machine. On remarquera toutefois dans les courbes très serrées une tendance au sous-virage plus marquée. L'amortissement est également un peu moins conciliant quand l'Audi propose un vrai mode confort, appréciable sur long trajet. En revanche, le freinage céramique de la NSX est d'une puissance aussi incroyable que sur la R8 et présente même une attaque plus franche et rassurante. Facturée 11.700 €, l'option fait grimper le prix de la NSX au même niveau que celui de la R8 V10 Plus qui en dispose de série, ce qui clôt par la même occasion la question du budget.
Point : Egalité
FICHES TECHNIQUES
PRIX NEUF (2017) : 192.500 €
41 CV FISCAUX
MOTEUR
Type : 6 cylindres en V à 75°, 24 soupapes + moteur électrique arrière à entraînement direct + double moteur électrique avant
Position : longitudinal AR + essieu avant
Alimentation : admission Dual VCT, bi-injection directe/indirecte + 2 turbocompresseurs (1,05 bars) avec échangeur
Cylindrée (cm3) : 3493
Alésage x course (mm) : 91 x 89
Puissance maxi combinée (ch DIN) : 581
Couple maxi combiné (Nm) : 646
TRANSMISSION
4x4, différentiel AR à glissement limité
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage 9DCT (9)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques carbone-céramique (381) avec étriers 6 pistons - Disques ventilés (361), étriers monopiston
Pneus Av-Ar : 245 / 35 ZR 19 93Y - 305 / 30 ZR 20 103Y
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1776
Répartition Av-Ar (%) : 48-52
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 308
0 - 100 km/h : 3"5
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 10
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 13
CO2 (g/km) : 228
PRIX NEUF (2017) : 202.100 €
54 CV FISCAUX
MOTEUR
Type : 10 cylindres en V à 90°, 40 soupapes
Position : longitudinal central AR
Alimentation : gestion Bosch MED9.1, injection directe, double calage variable continu
Cylindrée (cm3) : 5204
Alésage x course (mm) : 84,5 x 92,8
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn): 610 à 8250
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 560 à 6500
TRANSMISSION
4x4 à différentiel central piloté (Haldex) + DGL arrière
Boîte de vitesses (rapports) : S-tronic double embrayage (7)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés perforés carbone-céramique (380), étriers fixes 6 pistons - (356), étriers fixes 4 pistons
Pneus Av-Ar : 245/35 R19 93Y - 295/35 R19 102Y
POIDS
Données constructeur (kg) : 1555
Répartition poids AV/AR (%) : 44,7 / 55,3
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2,5
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 330
0 à 100 km/h : 3"2
CONSOMMATION
Moyenne mixte (L/100 Km) : 12.3
Moyenne de l'essai (L/100 Km) : 19.6
CO2 (g/km) : 287
LES NOTES
Audi R8 V10 Plus | Honda NSX V6 3.5 | |
PRESENTATION | ||
EQUIPEMENT | ||
FINITION | ||
POSITION DE CONDUITE | ||
MOTEUR | ||
BOITE | ||
PERFORMANCES | ||
CONSOMMATION | ||
DIRECTION | ||
FREINS | ||
TENUE DE ROUTE | ||
CONFORT | ||
BUDGET | ||
56/65 | 55/65 |
Victoire : Audi
CONCLUSION
La R8 et la NSX sont à la fois comparables et pourtant très différentes, si bien qu'il est difficile de sortir une gagnante. Tout dépend en réalité de ce que l'acheteur recherche. Pour des sensations mécaniques hors du commun, l'Audi est l'engin du moment. Si vous préférez vivre dans le futur par anticipation, la Honda est l'artefact idéal. Puisqu'il faut se mouiller et sortir un vainqueur, nous choisirons quand même l'Audi pour son moteur d'anthologie, à présent unique en son genre...
Tous nos remerciements à Audi France et Honda France, ainsi qu'aux circuits de l'Ouest Parisien qui nous ont ouvert leur piste pour les photos.
PHOTOS
Voir la galerie photos comparatif NSX R8V10PLUS