PORSCHE 928 S4 / GT (1986 - 1991)
LABEL GT
La Porsche 928 S4 apparaît en 1986 avec le premier restylage depuis le lancement de la 928 en 1977. Sous le long capot avant, le gros V8 gagne pour l'occasion une poignée de chevaux. Désormais affranchie de son rôle de tueuse de 911, la Porsche 928 va pouvoir terminer sa carrière sans souffrir des "anti-moteur avant". Ayant trouvé sa clientèle, au sommet de la gamme Porsche, la 928 S4 reste l'une des plus formidables GT de la marque...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Étienne ROVILLÉ
On l'a accusée de tous les maux parmi les porschistes de la première heure, elle qui devait secrètement se substituer à la 911 techniquement vieillissante et devenue trop peu rentable pour Porsche. Pas assez performante, la 924 au succès incontestable exigeait néanmoins le renfort d'un modèle plus musclé afin de satisfaire à la réputation de la marque. Dès son lancement, la Porsche 928 s'impose comme la nouvelle référence Grand Tourisme et décroche même le titre convoité de voiture de l'année 1978 ! Conçue d'une feuille blanche, c'est une vraie voiture d'ingénieurs dont toutes les solutions techniques, souvent innovantes ou très avancées pour l'époque, ont été longuement mises au point et analysées. Mais globalement jugée trop lourde, trop confortable, trop neutre de comportement, trop gourmande en carburant, elle est boudée par les fans de la 911 et plus largement par les amateurs d'automobiles sportives.
C'est un coup dur pour Porsche qui doit se résigner à garder la 911 au catalogue plus longtemps que prévu. Pourtant, la 911 accuse l'âge de sa mise en service et Porsche se devait de prévoir sa succession. Heureusement, la 924 et son 4 cylindres permettront de traverser une décennie difficile en assurant le gros des ventes et la pérennité de l'entreprise. La 928 se fera alors une place discrète dans la gamme jusqu'au début des années 80.
Afin de prolonger la carrière de son vaisseau amiral, faute de pouvoir investir plus d'argent dans un nouveau modèle, Porsche opère un restylage subtil de la 928 en 1986, avec une nouvelle évolution moteur. La 928 S4 va relancer alors avec brio la vie commerciale de la grande GT allemande pour une décennie supplémentaire...
PRESENTATION
Le principe du "moteur à l'avant" avait toutes les faveurs du Dr Ernst Fuhrmann, président du directoire de Porsche AG. Pour lui, un V8 en position avant était une bien meilleure solution pour une GT à 4 places avec un coffre digne de ce nom et semblait parfaitement adaptée à la demande du marché américain. Les bases du cahier des charges de la 928 sont donc posées au début des années 70. La ligne de la Porsche 928, dessinée par Anatole Lapine fait désormais partie du patrimoine mondial de l'art automobile. Ce gros squale au dessin unique et intemporel est le résultat d'un coup de crayon inspiré mais aussi d'un gros travail aérodynamique en soufflerie. Quand on pense que la 928 est presque aussi vieille qu'une Jaguar XJ-S !
En 1986, la 928 S4 succède à la S2 lancée en 1984 en y apportant des retouches esthétiques, plus en phase avec leur époque. Extérieurement, la S4 arbore des boucliers inédits, inspiré à l'avant du nouveau modèle fort de la gamme : la 944 Turbo. Les nouveaux feux arrières, surplombés par un aileron déporté sur le hayon sont aussi en rupture avec la 928 originelle. Très réussi, ce lifting va donner un sacré coup de vieux aux précédentes 928 et le nouveau look sera conservé jusqu'à la retraite complète du modèle en 1996 (928 GTS). A moindre frais, Porsche parvient donc à remettre sa 928 dans le coup et les ventes se maintiendront à leur niveau initial.
HABITACLE
Sur le plan de la qualité de fabrication et de l'agencement, la 928 S4 évolue peu par rapport aux premiers modèles et conserve donc fortement l'empreinte des années 70. C'est certainement son plus gros défaut car il apparait aujourd'hui comme en deça des standards attendus d'une Porsche. Les équipements de confort sont nombreux mais les assemblages, l'ergonomie générale et certains plastiques accusent leur âge. C'était moins flagrant à sa sortie et il faut toutefois relativiser en se disant que la décennie 80 reste très certainement la pire de l'industrie automobile en matière de finition et de qualités de plastiques... Ce qui permet donc de placer la Porsche 928 parmi les "moins pires" de son temps.
Passé ce petit heurt visuel, l'habitacle de la 928 se dévoile comme fondamentalement différent de celui des autres Porsche. Hormis le volant 4 branches des Carrera et 944, tout le reste est spécifique à ce modèle. L'impression d'espace et de luminosité est marquante. En position très allongée, le pilote a l'impression d'être aux commandes d'un vaisseau spatial, avec un bloc de compteurs très volumineux, réglable d'un seul tenant, et une console centrale couchée et fuyante vers l'avant d'un pare-brise très incliné. Assis à côté du tunel central, juste devant la boite de vitesses, deux passagers pourront apprécier les petits baquets qui leurs sont offerts à l'arrière pour déguster les glougloutements du V8 ou ses montées en régimes caverneuses. A la condition de ne pas avoir de jambes trop longues cependant... ou même pas de jambe tout court.
MOTEUR
Conçu initialement pour cuber 5L, le V8 tout alu fût ramené à 4L5 pour affronter la crise pétrolière. La crise ayant fini par se faire oublier, Porsche pu remettre au premier plan les performances de sa grande GT. La 928 S fût la première évolution dans ce sens. Le V8 remonta à 4L7 et affichait ainsi 60 ch de plus, soit 300 tout rond. Symboliquement le signal était fort, la 928 revenant au niveau de la plus puissante des 911 du moment, la 930. Cette évoilution fût suivie par le passage à l'injection électronique sur la 928 S2 en 1982, portant la puissance à 310 ch.
Deux ans plus tard, avec un alésage de 100 mm, le V8 Porsche gagne de nouveau en cylindrée sur la 928 S4 pour grimper à 4957 cm3, atteignant ainsi la cylindrée qui aurait toujours dû être la sienne. La S4 inaugure aussi une nouvelle culasse à 4 soupapes par cylindre et double arbre à cames en tête qu'elle partage avec la 944 S ainsi qu'une admission double étage. Le moteur gagne au passage encore 10 ch et du couple avec 430 Nm disponibles à 3000 tr/mn. Plus que la puissance, c'est le couple et la souplesse d'utilisation qui sont mis en avant avec cette nouvelle augmentation de la cylindrée. Et il faut au moins ça pour déplacer rapidement les quelques 1600 Kg de la belle allemande.
Même si aujourd'hui ces chiffres sont à la portée de n'importe quelle compacte sportive, le 0 à 100 Km/h affiché par la 928 S4 est sensiblement meilleur que celui d'une 944 Turbo, soit tout juste sous la barre des 6", et la vitesse maxi accroche sans complexe les 270 Km/h à la faveur d'une aérodynamique toujours aussi remarquable.
Enfin, comme sur les 924 et 944, la boîte manuelle ou automatique en option est rejetée à l'arrière et est reliée au moteur via le système Transaxle qui autorise une rigidité accrue et une répartition des masses idéale.
SUR LA ROUTE
Le long capot s'étend à perte de vue et pour prendre ses repères il est judicieux de relever les yeux de grenouilles qui font office de phares lors des premières manoeuvres, conseil d'ami ! La visibilité vers l'arrière est en revanche très bonne pour un coupé. Merci aux deux vitres latérales de part et d'autre du hayon, aucun angle mort n'est à déplorer et l'aileron indique l'extrémité de la voiture sans trop perturber la rétrovision.
L'assistance de direction donne une perception très fine du placement du train avant et la 928 parvient finalement à faire oublier sa masse conséquente. D'autant que le freinage se montre lui aussi encore tout à fait dans le coup par son efficacité et sa facilité de dosage. L'ABS, généralement fournit en série sur les 928 S4 et GT, ne se montre finalement pas si intrusif que ça compte tenu du potentiel d'accroche des pneus en 225 à l'avant et 245 à l'arrière. Même si la motricité peut se montrer critique sous la pluie, le différentiel autobloquant sera un précieux allié du pilote sportif. Pour les autres, il suffira de conduire "léger" et tout se passera, normalement, bien. La pédale d'embrayage lourde et le fonctionnement viril du levier de vitesse des premières 928 ont été adoucis avec le temps mais la S4 présente toujours des commandes assez fermes. Rien de désagréable, au contraire, quand on peut se passer de l'antique boîte automatique qui retire beaucoup de ses véléités sportives à la 928.
Mais ce qui impressionne encore plus à bord de la 928 S4, ce n'est pas tant la force inépuisable de son V8 que la facilité qu'elle a à avaler les grandes (et même moins grandes) courbes rapides. Une aisance qui peut encore laisser derrière elles certaines sportives actuelles ! La répartition des masses idéales de la 928 et son essieu arrière à effet directeur ne sont pas étrangers à ce sentiment de sécurité, de précision et d'efficacité. Dans le même temps, jamais la 928 ne vous casse les oreilles, ni les lombaires. Du vrai Grand Tourisme on vous dit...
EVOLUTION
La 928 S4 Club Sport
En 1987, après avoir fourni à ses pilotes officiels en endurance une version modifiée de la 928 S4, Porsche propose à ses clients la 928 Club Sport. Grâce un pack d'options (M637), la 928 S4 "CS" devient plus sportive et perd pour cela une grosse centaine de kilos en abandonnant des éléments de confort. Elle se dote également d'une suspension plus ferme et plus basse de 20 mm ainsi que d'une boîte plus courte. Une modification de la gestion moteur permet également de reculer le régime maxi. Au total, Porsche ne produira que 19 exemplaires clients de cette version, ce qui en fait la 928 la plus rare ! En savoir plus : Porsche 928 Club Sport.
La 928 GT
En 1989, la 928 Clubsport est remplacée par la 928 GT qui reprend un peu de poids mais s'affine sur d'autres points. Le V8 reste à 5.0 L mais sa puissance est portée à 330 ch à 6200 tr/mn grâce à de nouveaux arbres à cames. Le couple maxi ne change pas mais se trouve décalé 1000 tr/mn plus haut et l'étagement raccourci de la boîte de vitesse manuelle (seule disponible) est conservé. On remarque également de nouvelles jantes forgées en magnésium, plus légères, des amortisseurs Sport B6 de Bilstein et un nouveau différentiel variable piloté électroniquement (PSD). Plus caractérielle et sportive, cette version vendue neuve un peu plus de 600.000 Francs (!) est sans doute le meilleur choix pour ceux qui aiment la conduite sportive et permet même d'envisager quelques sorties circuit sans modification majeure grâce à un freinage remarquable. De la 928 GT naîtra quelques années plus tard la fabuleuse 928 GTS. Avec la GT, la 928 entre aussi dans l'ère électronique en intégrant un tableau de bord enrichi de nouvelles fonctions à partir de 1990, RDK (contrôle de pression des pneus), ordinateur de bord, etc...
ACHETER UNE PORSCHE 928 S4 / GT
Produites de 1986 à 1991, les Porsche 928 S4 ne sont pas rares en occasion, en dehors des versions spéciales Clubsport et GT. Vendues plus de "six cents mille balles" en fin de carrière, époque où le vendeur vous regardait presque signer le chèque avec de la gratitude, elles se trouvent désormais à des prix outrageusement alléchants. De quoi donner l'envie de péter sa tirelire à tous ceux qui rêvaient d'elle étant plus jeune. Pour vous offrir une belle Porsche 928 S4, comptez aujourd'hui un budget de 20 000 euros minimum. En dessous, ce qui pourra vous sembler être l'affaire du siècle cachera bien souvent un véritable "nid à emmerdes" !
Il faut en effet savoir que si la Porsche 928 est une voiture très fiable mécaniquement, elle est aussi très sophistiquée pour sa génération et au fil du temps de plus en plus bardée d'électronique "vintage", composée de multiples relais, câbles, capteurs et sondes qui ne demandent qu'à égayer vos week-ends. Par conséquent, les coûts d'entretien et de réparation exigent un portefeuille tout aussi solide que la "deutsch qualitat", même en roulant peu. C'est généralement pourquoi de trop nombreux modèles tombent progressivement en décrépitude par faute de soins souvent trop onéreux pour leurs propriétaires. Donc, nous ne dirons jamais assez que compte-tenu du prix des pièces et des réparations sur une Porsche, il ne faut surtout pas acheter une 928 sans un historique limpide ni factures d'entretien. N'oubliez pas qu'il vaut mieux louper une bonne affaire que sauter sur une mauvaise ! Avant de repartir avec la première venue, lisez notre petite "check-list" des problèmes désormais bien connus :
Commençons par la carrosserie, peu sensible à la rouille avec ses ailes et portes en alu et sa coque galvanisée. En théorie donc, seul un choc mal réparé pourra être à l'origine d'un point de départ de rouille. Attention tout de même aux entourages de custodes. L'ensemble moteur-boîte est également très robuste, à deux conditions : les courroies de distribution doivent être remplacée impérativement tous les 80000 km ou 5 ans (la seconde condition étant généralement la moins respectée) et son niveau d'huile doit être vérifié et complété régulièrement. Avec la distribution, on recommande vivement de changer le galet tendeur et la pompe à eau. Attention également aux débimètres à fil chaud qui vieillissent mal. Les boîtes manuelles et auto sont solides mais les synchros de 1ère et 2ème affichent généralement une fatigue passé les 150000 km. L'embrayage quant à lui dépasse rarement 80000 kms. Moins facile à vérifier, l'état des silent-blocs conditionne en bonne partie la tenue de route et le plaisir au volant. Sur des voitures âgées de plus de 20 ans, un remplacement récent sera toujours un bon point. Dans l'habitacle les matériaux peuvent trahir facilement un manque de soin du propriétaire du fait de leur qualité assez moyenne. Boutons, cuirs, moquettes et fonctions électriques souvent capricieuses sont autant d'éléments qui en disent long sur le laisser-aller (ou pas) d'un propriétaire. Privilégiez les modèles avec l'intérieur cuir et l'option tableau de bord en cuir qui vieillissent mieux.
PRODUCTION PORSCHE 928 S4
928 S4 :
13 701 exemplaires
928 Club Sport : 19 exemplaires
928 GT :
1 366 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
PORSCHE 928 S4 / GT
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection électronique
Cylindrée (cm3) : 4957
Alésage x course (mm) : 100 x 78,9
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 320 à 6000 / 330 à 6200
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 431 à 3000 / 431 à 4000
TRANSMISSION
AR + autobloquant
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar : disques ventilés
Pneus Av-Ar : 225/50 - 245/45 R 16
POIDS
Données constructeur (kg) : 1580
Rapport poids/puissance (kg/ch DIN) : 4,9 / 4,8
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 270 / 275
400 m DA : 14"2 / 14"1
1000 m DA : 25"4 / 25"2
0 à 100 km/h : 5"9 / 5"8
CONSOMMATION
Mixte (L/100 km) : 16
PRIX NEUF (1987) : 558.600 FF (S4)
COTE (2014) : 15.000 €
PUISSANCE FISCALE : 32 / 31 CV
CONCLUSION
:-) 2+2 Ligne intemporelle et unique Habitacle confortable (pour deux) et lumineux Sonorité du V8 Onctuosité, reprises Châssis sain et plaisant Robustesse mécanique Cote basse... |
:-( ... mais pièces et entretien chers Finition décevante Consommation Souvent mal entretenues |
Boudée par les puristes de la 911, la Porsche 928 n'aura jamais vraiment acquis ses lettres de noblesse dans la famille et pourtant, ce ne sont pas les qualités qui lui font défaut. Hormis une consommation et un coût d'entretien élevés, à la hauteur de l'agrément de son V8 et non de sa valeur actuelle, elle s'avère une formidable dévoreuse de kilomètres. Elle ne demande qu'à laisser s'exprimer la force tranquille de son coeur vaillant et sa tenue de route exceptionnelle dans presque toutes les conditions. Dotée d'une ligne unique, décalée et intemporelle, ce classic de Stuttgart se montre plus séduisant encore dans ses versions S4 et GT. Un plaisir à s'offrir tant qu'il est encore temps, vous ne le regretterez pas...
L'Automobile Sportive remercie chaleureusement Mickaël pour la présentation de sa très belle Porsche 928 GT.
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J ai eu cet voiture pendant 8 ans dont 2 ans pour la rénovation complète. Voiture très fiable si y a un entretien parfait mais qui est onéreux. C est une voiture très mal connu du grand publique et c est vraiment dommage, Routière parfaite,son V8 qui chante, une consommation assez importante et très importante sur circuit.J avais la climatisation toit ouvrant, régulateur de vitesse et ABS. Une boite automatique pas très rapide mais qui faisait son boulot. Elle commence a monté en cote. On a aucune fatigue sur des grands trajets. Son train arrière un peux directionnel etait une révolution à l époque lui donne une tenue de route remarcable et encore très moderne voilà une voiture vraiment superbe