CHEF DE CLAN
Dans toutes les familles il y a un chef, un leader, celui qui impose le respect, par son âge, sa sagesse, ou sa force. Dans la famille Porsche, le clan 911 est depuis toujours aux commandes et la plus méchante, celle qu'on craint et qu'on respecte plus que toute autre, c'est la GT2...
Texte:
Gabriel LESSARD - Photos: D.R.
Véritable intermitente du spectacle, la Porsche 911 GT2 ne fait que des apparitions ponctuelles au catalogue des festivités de Zuffenhausen, une fois que toutes les autres animations ont été égrainées. Bouquet final du feu d'artifice 911, la GT2 entretien depuis bientôt 12 ans le culte de la "super-formance" au sein de la famille. A peine moins rapide que la Carrera GT sur la fameuse boucle Nord du Nürburgring, la nouvelle GT2 millésime 997 a encore une fois tous les atouts pour affoler les chronos, et le coeur des passionnés ! Capable de se faire attendre et désirer comme aucune autre, elle vient de rempiler pour un troisième mandat à la tête du clan 911.
DESIGN
On a beau se dire que la Porsche 911 est le coupé sport le plus banalisé au monde, autant par sa longévité que son succès, il faut bien se résigner, encore et toujours, à lui reconnaître un intact pouvoir de séduction. Avec son trait de crayon génial hérité des années 60, la 911 constitue un mariage assez unique entre une fascinante modernité technologique et une authentique pureté conceptuelle empreinte de traditions. Toutes en rondeurs (on lui a même rendu ses phares ronds !), ses formes lisses et rassurantes par leur familiarité ne dégagent pas d'agressivité mais une véritable force naturelle qui impose le respect et l'admiration. On pourrait même se risquer à dire que la 911 est certainement la plus belle forme de beauté technique qui soit. Une fois passé ce stade de la béatitude visuelle, nous pouvons aborder les choses sérieuses et, moins poétiquement, techniques. Pourtant très proche dans ses lignes d'une 997 Turbo, la GT2 s'en distingue par une multitude de détails et c'est un véritable athlète d'élite qui se dévoile alors à nous dans l'intimité de ses parties spécifiquement réservées. Comme pour tout sportif de haut niveau, la respiration est primordiale. L'oxygène apporté au muscle permet d'avoir la force et l'évacuation des calories liées à l'effort est indispensable. Pour commencer, toutes les entrées d'air ont été élargies. Le bouclier avant abandonne les petits antibrouillards de la turbo pour ouvrir un peu plus la bouche et se goinfrer d'air frais. Sur les côtés, l'air refroidit les radiateurs latéraux puis est ensuite "recyclé", en quelque sorte, en étant dirigé vers les freins avant, assurant ainsi un double rôle de refroidissement. Sur la partie supérieure du bouclier, une ouverture supplémentaire comme sur la 911 GT3 permet au radiateur central de mieux évacuer ses calories. Par la même occasion, cet aménagement ajoute de l'appui sur le train avant, conjointement à la lèvre inférieure. Il y a du génie dans ce simple bouclier avant ! Même chose à l'arrière, avec l'énorme aileron qui intégre deux écopes supplémentaires pour permettre au flat 6 de se gaver du précieux gaz oxygéné, tout en créant une force d'appui bien supérieure à celui de la 911 Turbo. Dans les ailes arrières, les ouvertures amènent l'air frais vers les radiateurs situés derrière les roues, puis celui-ci une fois chargé de chaleur peut s'enfuir par la partie basse du bouclier avec l'air chaud des freins des échappements. C'est le cas de dire que la GT2 est une véritable usine à gazs ! Mais quelle belle usine. Cette sculpture roulante posée au sol par 4 grandes roues spécifiques de 19" est plus basse de 25 mm qu'une Carrera. Au final, la GT2 soigne son Cx qui tombe de 0,34 sur la Carrera standard à 0,32 ici. Enfin, pour l'anecdote, on se souvient qu'en leur temps les Porsche 930 avaient inauguré des protections d'ailes arrières noires devenues partie intégrante du fameux turbo-look. Et bien sur la GT2 la fonction existe encore mais la forme a changé. En effet, ce sont deux bas de caisses noirs qui se chargent d'éviter les projections indésirables sur la belle et coûteuse carrosserie, tout en réhaussant discrètement la carrure de l'athlète.
HABITACLE
Ces dernières années, le petit manufacturier a considérablement relevé son niveau de qualité, critiqué à juste titre sur la génération type 996. Depuis la sortie de la 997, les matériaux et les ajustements de la 911 sont redevenus vraiment dignes des meilleurs spécialistes du segment premium. L'intérieur de la 911 GT2 ne déroge pas à la règle, bien au contraire, avec cette console centrale bourrée de boutons et son large écran LCD on pourrait même se croire dans une berline cossue plutôt qu'une brute des circuits ! Toutefois, la Porsche parvient à ajouter un incontestable parfum de course automobile à cet environnement luxueux et d'une ergonomie parfaite. Cela commence en posant ses fesses dans l'un des 2 superbes baquets (réglables manuellement) en fibre de verre et carbone (GFP/CFP) livrés en série et avec airbag de thorax intégré. Ils sont recouverts dans leur partie supérieure de cuir sur les bords et d'alcantara en leur centre, tandis que le dos laisse apparaître le carbone à nu. Superbe, autant que parfait au niveau du maintien. Comme dans la 911 GT3, n'espérez pas en revanche en faire profiter plus d'une personne. La banquette arrière a laissé place à une simple moquette. On pourra toutefois substituer aux baquets des sièges sport en option, qui comme leur nom ne l'indique pas sont plus confortables et offre un réglage électrique à mémoire. Une fois le buste calé dans le siège, les deux mains viennent se poser naturellement de part et d'autre du petit volant en alcantara, les pouces en appui sur les branches horizontales. L'alcantara s'étend d'ailleurs jusque sur le levier de vitesses, le frein à main, sur le toit, les habillages de portes et la console centrale. On a pas fait les choses à moitié. Remarquez, à 191.214 € le morceau, "ça peut" comme on dit ! Pas radine, la 911 GT2 offre aussi le PCM (Porsche Communication Management) avec son écran couleur de 5"8, la clim auto et une sono à 4 HP. En option, on pourra sublimer la sportivité de la GT2 avec le pack Chrono Plus ou le pack Clubsport (gratuit !) avec son arceau, son extincteur et ses harnais 6 points. Enfin, pour finir sur une note d'humour, sachez que parmi la liste d'options longue comme une page du bottin (si, si...), le capteur de pluie, installé de nos jours dans la plupart des citadines, est facturé plus de 500 euros chez Porsche. Certaines mauvaises habitudes ont la vie dure...
MOTEUR
Nos fidèles lecteurs auront remarqué qu'on se demande à chaque nouvelle génération de la 911 s'il sera toujours possible d'améliorer ce formidable moteur qu'est le Flat 6 Porsche. Et la réponse est invariablement la même, c'est oui ! Et comme à chaque fois, il y aurait de quoi en écrire un roman... car, les motoristes ont encore forcé leur talent pour sublimer le 6 cylindres 3L6 biturbo. Pas dur nous direz-vous, certains préparateurs lui sortent déjà depuis longtemps plus de 700 ch des tripes. Oui c'est vrai, mais pas avec les mêmes contraintes de fiabilité, de bruit et de pollution que la maison mère. Partant du moteur tout alu de la 911 Turbo avec ses deux "TGV" (turbos à géométrie variable), l'étalon cabré de Stuttgart cache désormais 390 kilos de Watts et 680 mètres de Newton dans son coffre arrière ! Les unités de messieurs Watt et Newton ne vous parlent pas ? Cherchez pas, ça fait 530 bourrins et un couple de camion ! Pas besoin de sortir la calculette non plus pour constater que ça nous porte exactement à 50 ch et 60 Nm l'écart avec la Turbo, en partant d'une base déjà pas pourrie quand même. L'autre caractéristique notable est la constance du couple maxi entre 2200 et 4500 tr/mn qui ferait pleurer de jalousie n'importe quel gros turbomazout. Pour entrer un peu dans le détail, le principal gain a été obtenu en retravaillant les flux d'air. Avec les écopes latérales de l'aileron, on amène de l'air frais et forcé par la vitesse dans les boites à air, créant ainsi un effet d'admission dynamique. Plus on va vite et mieux ça marche ! Cet air pré-comprimé est ensuite envoyé vers les turbos qui mettent celui-ci en charge à 1.4 bars, soit 0.4 de plus que sur la Turbo. D'autre part, un système d'admission particulièrement innovant permet de contrer l'effet dit de résonance entre les phases de compression et de dépression (qui échauffent l'air admis), en jouant sur le volume et la section de l'admission. La mixture air/essence est alors maintenue à une température plus constante avant d'arriver à la bougie pour s'enflammer. En pratique, le moteur est plus réactif et moins glouton du fait d'une meilleure combustion. Porsche avance 15% d'économie par rapport à un moteur de même puissance dépourvu de son système. Avec ses pistons en alu forgé et son carter sec, le 3L6 porsche a les gènes de la compétition en son coeur. Un total de 9 pompes assurent la lubrification du moteur et des turbos pour faire face aux contraintes les plus extrêmes sur circuit. En principe, aucun risque de déjaugeage n'est donc à craindre avec la GT2, et ce n'est pas le cas de toutes les Porsche rappellons-le. Il y a d'ailleurs pas moins de 11 litres de 0W40 qui circulent dans ce coeur ! Signalons aussi la présence d'une ligne d'échappement en titane. A la fois plus léger de 50% et plus résistant aux hautes températures il réduit le phénomène de contre-pression. Répondant aux normes Euro 4, le 6 cylindres revendique une consommation moyenne de 12,5 L/100 Km. De quoi faire bondir Nicolas Hulot avec 298g de Co2/km mais à comparer avec la conso moyenne et la puissance de nombreuses berlines, 4x4 ou monospaces, la 911 GT2 fait preuve d'un talent qui doit relever de l'énigme paranormale pour de nombreux motoristes. En réalité, une partie du secret tient à son poids "contenu". Le chiffre fera sourire les propriétaires de Lotus, mais 1440 Kg à vide pour un tel missile, et sans faire un appel exagéré à l'aluminium pour la caisse ou la carrosserie, c'est là encore une sacrée belle prouesse technique. Bouclons les aspects mécaniques en évoquant la boîte 6 manuelle, la seule proposée, qui permet à chaque propriétaire bricoleur, s'il le souhaite, d'en changer les pignons assez facilement pour adapter l'étagement à différentes configurations de circuits. Comme sur la 911 GT3, le pilote dispose d'un petit témoin lumineux pour l'aider à optimiser ses passages de rapports. Ah, encore un mot pour vous parler du Launch Assistant. Cette curiosité au nom évocateur pourra faire de vous un homme canon. La pédale de droite fait office de briquet pour allumer la mèche. Mise à feux des 6 pistons, débrayez, passez la première et appuyez à fond sur l'accélérateur sans débrayer. Bien. Relâchez le pied droit tout en maintenant l'embrayage : bravo, vous avez activé le Launch Assistant. Maintenant la gestion Motronic prend le relais et mets les deux turbines en pression à 0.9 bar pendant que le papillon des gazs cale le régime moteur à 5000 rpm. Tout ce que vous avez désormais à faire c'est de tenir le volant des deux mains avant la mise à feu du réacteur, puis lâcher l'embrayage d'un seul coup ! Instantanément, les 680 Nm vous rentrent alors violemment dans le dos pendant que le moteur pousse un rugissement qui couvre à peine le déchirement de la gomme des pneus ! C'est un déluge de puissance parfaitement exploitée dont l'effet est garanti à accoutumance immédiate ! Assistée par le PSM et le contrôle de traction, la GT2 vous catapulte alors en 3"7 de 0 à 100 Km/h, puis encore 3"7 plus tard vous passez les 160 Km/H. Les rapports s'enfilent avec une poussée franche, massive, linéaire, et si vous avez encore suffisament de sang au bout des bras et des jambes, vous pourrez attendre encore 13" pour franchir votre premier kilomètre au volant de la GT2.
CHASSIS
Le châssis et la suspension de la nouvelle Porsche 911 GT2 sont basés sur le set up de la 911 Turbo, mais dans une optique bien plus orientée piste. Plus ferme, dotée de barres antiroulis plus grosses et réglables et d'un train arrière élargi de 5 mm par des cales, la GT2 est une invitation au pilotage. Plus que jamais de nombreuses possibilités de réglages très précis sont proposées, ce qui permet de réellement modifier très sensiblement le comportement de l'auto selon les goûts du pilote. Les points d'ancrage de la suspension à la coque ont été revus et apportent une meilleure précision de direction et de stabilité à grande vitesse. Pour optimiser la répartition des masses, toute la section arrière du berceau moteur et des suspensions est en aluminium. Livré en série, le PASM (Suspension pilotée Porsche) propose 2 modes : Normal et Sport. Sur ce dernier réglage, le PASM réduit au maximum les mouvements de caisse, en rognant à peine sur le confort grâce à une adaptation permanente au relief de la route. Comme sur toutes les 911, la direction à pas variable offre une fermeté et une précision bien meilleure que sur les précédentes générations. Passé 30° d'angle, elle devient très directe au bénéfice de la réactivité. Autre spécialité maison livrée en série : le PCCB, autrement dit les freins à disques carbone-céramique issus de la compétition. La réduction des masses non suspendues (- 20 kg) optimisant le toucher de route, ainsi qu'une résistance à l'échauffement inégalée en sont les principaux avantages. De plus, leur usure est bien moins rapide qu des disques covnentionnels en acier. Rien à redire donc au niveau du freinage, cette Porsche restant largement au top de la catégorie. Pour ce qui est des baskets, faites sur mesure, la GT2 s'équipe en 235/35 devant et 325/30 à l'arrière. Comme la 911 Turbo, elle reçoit un contrôle de pression des gommes qui permet un ajustement depuis l'habitacle à mesure que l'on échauffera les gommards au fil des tours de circuit. Un acessoires pertinent qui n'a rien d'un gadget pour tous les amateurs de journées circuit ! Enfin, désormais incontournable, le PSM (l'ESP Porsche intégrant le contrôle de traction, l'ABS et le contrôle de stabilité) monté lui aussi en standard offre 3 niveaux d'intervention, jusqu'à une désactivation complète. Toutefois, en coupant le contact, le système se réinitialise et se retrouve en position normale lors de la prochaine mise en route. Mais autant vous dire que pour s'en passer, il faut déjà un sacré coup de volant et beaucoup de sang froid...
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CONCLUSION
Chez Porsche, la 911 GT2 constitue actuellement le sommet de la gamme, notamment au niveau tarifaire. De quoi faire passer n'importe quel autre modèle pour un produit hard discount à dire vrai... Alors, oui c'est très cher, même excessivement cher comparativement à ce qu'offre déjà une "simple" GT3 dans sa version "de base". Mais le summum de l'art technologique du talentueux constructeur de Stuttgart, cette vision de la perfection automobile et la renommée fantastique de son blason valent sans doute cet effort financier pour tous les clients de 997 GT2, qui auraient sinon cassé leur tirelire à Maranello. Hissant la 911 au rang de supercar, la 997 GT2 est une main de fer dans un gant de velours. Une force Herculéenne et une apparente facilité de conduite, à condition de ne pas franchir les limites admirablement gérées par l'électronique. Au-delà, il vous faudra outre un talent certain, de nombreuses heures de vols en sa compagnie pour en exploiter tout le potentiel...
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HERITAGE |
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PORSCHE 993 GT2
Chez Porsche, on aime les histoires qui durent.
Depuis la génération 993, chaque 911 a donc eu sa version GT2. En 1996, la GT2 est la dernière salve d'honneur de la génération 993 qui tire sa révérence et avec elle, toute l'histoire des flat 6 "à air". Forte de 430 ch pour seulement 1290 Kg, cette méchante 911 échappée d'un paddock des 24H du Mans sans sa déco est la réponse de Porsche à ceux qui reprochent à la 911 turbo d'être devenue trop "sage" et trop facile. Elle sera produite à 482 exemplaires seulement. | |
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