GUEULE D'AMOUR
La Renault Clio 16S avait pour
rôle d'assumer la descendance de feu la Super 5 GT Turbo dans la catégorie des
petites GTI. Pour continuer la lutte contre la Peugeot 205 GTi, certes en fin de carrière mais toujours performante, la nouvelle venue
abandonnait son vieux moteur turbocompressé et s'armait d'une mécanique plus pointue
à "16 soupapes" et d'un châssis ultra efficace, le tout emballé sous une belle gueule d'amour...
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Bien que précurseur en matière de petites sportives avec notamment les R8 Gordini et R12 Gordini, Renault peine à prendre réellement le leadership dans la catégorie des GTI
avec la Renault 5 Alpine, puis Alpine
Turbo. La VW Golf
GTI introduite en 1976 demeure la reine incontestée que seule la Peugeot
205 GTI aura su bousculer en France dans cette domination hégémonique. A la fin des années 80, la Super
5 GT Turbo vieillissante ne peuvent résolument plus lutter contre une Golf 2 GTI 16s ou une Peugeot 309 GTI16 qui ont démocratisé le moteur multisoupapes dans la catégorie des "super GTI".
Renault a toutefois le champ libre pour nous livrer une très sexy Clio 16S qui reprend la brillante mécanique de la R19 16s et devient ainsi la citadine sportive la plus redoutable du moment. Une fois n'est pas coutume, c'est dans sa version "coupe" que Renault dévoile la Clio 16 soupapes qui succède à la Renault 5 GT Turbo. La présentation dynamique a lieu en novembre 1990 à Nogaro, avec Jean Ragnotti au volant, sous des trombes d'eau ! Les pilotes étant servis, la voiture de série débarque l'année suivante dans les concessions, où elle est très attendue ! Parallèlement au lancement commercial, en mai 1991, Renault engage officiellement la Clio 16s en groupe A dans le championnat de France des rallyes, sous les couleurs DIAC. A la fin de la saison, Ragnotti termine deuxième au général derrière la Sierra Cosworth 4x4 de Béguin, une sacrée performance ! L'histoire de la Clio en rallye va se poursuivre ensuite avec la Williams et la Clio Maxi. Même si la victoire du championnat ne sera jamais à la clé, Renault n'abandonnera jamais son engagement en Rallye.
PRESENTATION
Pour séduire une clientèle exigeante et surtout une clientèle plus large, Renault
a conçu une petite sportive capable de jouer également dans la cour des citadines
bourgeoises. Son nom : Clio 16S, comme "16 Soupapes". Exit le turbo de feu la R5 GT Turbo, place au moteur atmosphérique multisoupapes. Avec la Clio 16S,
la Peugeot 205
GTI 1.9L, reine de la catégorie, trouve donc une nouvelle concurrente à qui
parler. La nouvelle petite de la régie a en effet de quoi séduire les amateurs
de petites sportives virulentes avec 140ch DIN annoncés, mais elle est aussi capable
d'aller conquérir une clientèle aimant également le confort grâce à une longue
liste d'équipements disponibles... en option. Par rapport à la supercinq, les
progrès en matière d'agrément sont en effet énormes. La Clio
est moderne et offre un niveau de confort et d'équipement jusqu'ici inconnu dans
la catégorie des GTI,
plutôt spartiates, rustiques et dépouillées à l'extrême. Pour séduire, la Clio
16s soigne également son look. Larges boucliers, capot bombé avec une grosse prise
d'air sur le dessus, voies élargies, ailes gonflées, assiette rabaissée... pas
de doute sur les prétentions sportives de l'engin. Petit détail technique, les ailes avant sont en matériau composite (Noryl GTX) plus fin (2 mm), plus léger (860 g contre 2 kg pour une aile en tôle emboutie) et souples ! Elles ont la particularité de pouvoir reprendre leur forme initiale sans casser après un choc inférieur à 15 km/h. Le résultat stylistique est de bon goût
et vraiment séduisant puisque plus de 10 ans après, la Clio 16S garde un certain
charme avec ses rondeurs caractéristiques. L'habitacle de la Clio 16s est accueillant et plutôt bien fini pour la catégorie. La planche de bord élargie
reçoit une instrumentation plus complète avec 3 manomètres supplémenatires. Le maintien des sièges
est bon, mais leur assise est trop haute.
MOTEUR
Le moteur est dérivé du bloc F7P 1.7L, déjà bien éprouvé chez Renault.
Cette version passe à 1764 cm3 et développe, grâce à sa culasse 16 soupapes, 140
ch CEE puis 137 ch dans sa version catalysée à partir du millésime 1993. Nettement
plus à l'aise que sous le capot de la R19
16S où il est apparu, ce multisoupapes assure des performances de premier
ordre à la petite Renault. Avec 100kg de moins que sa grande soeur tous pleins
faits, la clio affiche une meilleure santé. Malgré 80 kg supplémentaires, les
chiffres relevés par les différents essais réalisés à l'époque indiquent des chronos
très proches de ceux de la Peugeot
205 GTI 1,9L, référence de la catégorie. Cependant, les reprises n'arrivent
pas au niveau de la R5 GT Turbo ni de la 205 et c'est bien dommage. Une simple Clio RSI s'offre même de meilleurs chronos en 4/5ème. Le manque de punch relatif
de ce moteur à bas régime va longtemps faire regretter le Turbo... et son fameux
coup de pied au cul. Handicapée par ce creux dans sa courbe de couple
entre 3500 et 4500 tr/mn, la Clio 16s se prête mieux à une conduite dans les tours.
N'hésitant pas à aller chercher sa puissance maxi autour de 6500 tr/mn, elle se
prédispose à un usage effectivement sportif. Mais bon, la Clio 16S est aussi une
petite voiture moderne et civilisée, tout à fait capable d'être conduite tranquillement
au quotidien et surtout plus fiable et mieux finie que son ailleul... On regrette juste un niveau
sonore élevé sur autoroute et assez vite fatiguant d'autant que la sonorité
de ce quatre cylindres n'est pas particulièrement musicale.
SUR
LA ROUTE
C'est le point fort de ce modèle. En effet, en matière de
comportement routier et d'efficacité la Clio 16S devient rapidement la référence
de la catégorie. Ajoutant même à ses qualités de sportive, un confort de suspension
appréciable au quotidien et relativement nouveau dans la catégorie des "GTI".
Son train avant remarquable en motricité, ce qui faisait gros défaut à la Super
5 GTT, est aussi un modèle de précision. Gràce à ses trains roulants revus (géométrie
spécifique, suspension raffermie, ressorts, barres antiroulis), l'efficacité de
la petite Renault est diabolique. A tel point que l'arrière en vient souvent à
"lever la patte". Le manque de couple à bas régime du moteur permet d'ailleurs
d'attaquer plus nerveusement dans les virages et de passer plus rapidement qu'avec
une 205. Partant en légère dérive
à la moindre sollicitation, le train arrière est plutôt agile. Cela peut d'ailleurs
inquiéter à très vive allure sur autoroute car la tenue de cap requiert une certaine
attention. Sensible au vent latéral et vive sur les inégalité de revêtement la
Clio 16s trahit ses réglages sportifs. Bref, très plaisante à mener, efficace et sûre,
la Clio met la barre trop haut pour ses rivales directes et restera la référence
de la catégorie... jusqu'à l'arrivée d'une certaine Clio Williams.
EVOLUTION
Comme toutes les sportives de cette époque, la Clio 16S ne coupe pas à la réglementation européenne sur la dépollution des mécaniques essence. En juillet 1992, un catalyseur est donc monté en série sur la Clio 16S qui perd ainsi 3 ch dans la bataille pour ne revendiquer désormais que 137 ch. Bonne nouvelle cependant, Renault en profite pour améliorer l'ordinaire avec un équipement de série qui progresse : jantes alu de 15 pouces, lève-vitres électriques et centralisation sont enfin dans la dotation de série. Une option sellerie cuir est désormais disponible. En mars 1994, la gamme Clio s'offre un léger facelift et la 16s devient alors 16v comme sa grande soeur la R19 : grille de calandre, rétroviseurs plus grands et équipement enrichi (volant avec airbag et antidémarrage en option), nouvelles jantes alu (celles de la R19 16v).
ACHETER UNE RENAULT CLIO 16S
Commercialisée de 1991 à 1996, la Clio 16s n'est pas une sportive rare en occasion. Vous pourrez donc envisager d'en trouver un exemplaire encore "100% origine" mais à ce stade, les choses se corsent. En effet, arrivée en pleine explosion du phénomène tuning les Clio 16s ont massivement servi de base à des "projets" de toutes natures, mais souvent de nature monstrueuse. Bref, ce n'est évidemment pas de ce côté là qu'il faudra chercher. Si l'on retire également toutes celles qui ont intensément été exploitées en compétition, le choix se réduit finalement à un parc roulant comptant surtout des véhicules en état plus moins d'origine (les bidouilles moteurs à coups de puces miracles sont très répandues pour tenter de compenser le creux naturel du 16 soupapes...), souvent kilométrés, et parmi lesquels les vrais beaux exemplaires ne sont plus légion. Souvent passées de main en main, plus ou moins expertes, plus ou moins respectueuses, au gré des saisons les Clio 16s ont pour la plupart sévèrement morflé. En cause, une fiabilité, en apparence irréprochable dans le cadre d'une utilisation respectueuse et d'un entretien scrupuleux mais qui peut, à l'inverse, s'avérer décevante. Bien que son bloc en fonte soit du genre incassable, comme tous les moteurs 16s le 1.8 de la Clio nécessite d'être lubrifié avec une huile de qualité et arrivée bien à température pour donner le meilleur de lui-même, sans quoi il vous claquera un joint de culasse un jour ou l'autre, ce qui est un moindre mal. Mais une fois chaude, une huile de synthèse très fluide a tendance à entrainer une surconsommation dont ont été victimes bon nombre de moteurs sur les modèles de 93 à 95, ayant pu causer des casses sérieuses (problèmes de culasses notamment). Deuxième fardeau, une boîte de vitesse qui ne supporte pas bien d'être maltraitée et se manifeste au mieux par une seconde qui saute avec l'usure, ou au pire, par une boîte qui lâche. Les problèmes électriques ne sont pas non plus absents : moteurs de lève-vitres faiblards, ventilateur de radiateur HS, ralenti instable, mauvais fonctionnement du contacteur de feux de recul... Côté carrosserie, si l'ensemble de la caisse vieillit assez bien, le joint du pare-brise qui se décolle ou la rouille sur les aile arrières sont très fréquentes. L'entretien, sans être ruineux, est donc exigeant, et de plus en plus avec le temps qui passe. Le changement de courroie de distribution, des galets tendeurs et de la pompe à eau est parmi les opérations les plus chères, sans oublier tout ce qui est silent-blocs, rotules, roulements et amortisseurs pour que la bombinette conserve tous les talents de son châssis. Au final, vous aurez compris que derrière un prix d'achat attractif (comptez au moins 2000 € pour un exemplaire sain), la Clio 16s peut rapidement imposer un certain nombre d'interventions relativement coûteuses qui finiriront par décourager un acheteur au budget trop serré.
CHRONOLOGIE RENAULT CLIO 16S
1991 : Commercialisation de la Renault Clio 16S en mai.
1992 : En juillet, jantes alliage en série et puissance
abaissée à 137 ch (catalyseur).
1993 : Commercialisation de la Clio Williams
2 litres.
1994 : En mars, commercialisation de la Clio
16v (Clio 16s Phase 2).
1996 : Restylage avec nouvelle face avant. Arrêt de la Clio
16S.
::
CONCLUSION
Rendant quelques points à
la 205 GTI 1.9 au niveau mécanique, la Renault Clio 16S est une petite sportive
globalement plus intéressante. Dotée du meilleur train avant de sa génération,
elle a su fixer de nouvelles références dans sa catégorie en terme de compromis
confort/tenue de route. Ajoutez à cela une fabrication et une finition correctes
et vous obtenez une petite bombinette très séduisante en occasion. Sa large diffusion permet de trouver encore quelques beaux
modèles à des prix intéressants, à condition de ne pas avoir négligé l'entretien !
CE QU'EN DISAIT LA PRESSE
:
"Mais plus encore que par sa mécanique, la Clio 16S brille
par un châssis remarquablement équilibré. Sur sol sec, sa
motricité ne peut pratiquement pas être prise en défaut, et
son train avant est d'une précision extrême. Très facile à
conduire, même à un rythme soutenu, la Clio 16S est donc bien plus
polyvalente que la plupart de ses concurrentes, souvent plus délicates
à maîtriser. A l'intérieur, on trouve des sièges envelopants
et une finition de bonne qualité. En revanche, on regrette le nombre trop
important d'options. En effet, ni les vitres électriques, ni la direction
assistée ne sont de sérei. En regard du prix de la voiture c'est
quand même dommage."
AUTO PLUS - HS 500 Essais 1992 - Renault
Clio 16S. |