SEAT IBIZA (4) SC Cupra 1.4 TSI (2010 - )
L'ATTAQUE DES CLONES
Episode 2. Après notre essai de la Skoda Fabia RS, c'est peu dire que le groupe Volkswagen demeure l'un des plus actifs en matière de petites sportives. Avec pas moins de quatre déclinaisons d'une même base technique (Fabia, Ibiza, Polo et maintenant A1), l'acheteur de GTI du 21ème siècle a déjà l'embarras du choix au sein même de la famille VW ! Politique de mutualisation des plateformes et des motorisations oblige, on est logiquement en droit de craindre une uniformisation de l'offre, en dehors de l'emballage et du prix. Cette Seat Ibiza SC Cupra tente de nous prouver que la diversité peut exister à partir d'un même patrimoine génétique...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
La haut de la gamme Ibiza a fait son apparition en 1996, par le biais d'une version commémorative de la victoire de Seat en WRC dans la classe 2.0 litres. C'est ainsi qu'est apparue furtivement l'Ibiza Cupra dotée du 2.0 16 soupapes qui avait fait les beaux jours de la Golf 3 GTI 16s. Le nom Cupra, abbréviation de "Cup Racing" est depuis devenu synonyme de sportivité au sein de la filiale espagnole de Volkswagen. Un blason qui ne peut compter que sur lui-même pour s'offrir une image et une reconnaissance, compte-tenu du vide absolu de la marque dans l'histoire du sport auto avant son intégration au géant allemand. Ayant désormais prouvé qu'il fallait compter avec lui sur le créneau des petites et moyennes sportives avec la précédente Ibiza 3 Cupra 1.8T de 180 ch, restait maintenant à nous convaincre en transformant l'essai avec cette quatrième génération d'Ibiza (6J) et troisième Cupra du nom. Pour cela, rien de mieux qu'une petite escapade sur le circuit de Dreux que nous connaissons bien, avec en bonus histoire de corser un peu les choses, un véritable déluge de pluie !
PRESENTATION
A la faveur d'une pause pluviométrique, nous attaquons la séance photo en même temps qu'une découverte plus approfondie du design de cette Ibiza Cupra. La version trois portes de l'Ibiza IV est baptisée SC. Son style très personnel signé Luc Donckerwolke, le père des Lamborghini actuelles, répond au nom de Arrow Design et s'inscrit pleinement dans les codes du designer. Il tend à faire oublier la "monospacisation" qui touche le reste de la gamme Seat, au grand regret de la Leon Cupra R. Avec son regard acéré, ses ailes avant tendues et ses feux arrière dégageant de belles arrêtes sur les flancs, l'Ibiza fait mouche auprès de la cible de jeunes à laquelle elle s'adresse en priorité. Il suffit pour s'en convaincre de voir ces "ptits jeunes" de passage la prendre en photo avec leur téléphone comme s'il s'agissait de la dernière Lambo... Etonnant ! Et rassurant, car on se dit que les bombinettes savent encore parler au coeur des jeunes ou futurs conducteurs. C'est la preuve aussi d'une certaine manière que l'image de la marque Seat a été progressivement tirée vers le haut. En effet, dans les années 90, même l'Ibiza SXi "system Porsche" ne faisait guère fantasmer...
Généreusement posée sur ses grandes jantes anthracite de 17", l'Ibiza Cupra TSi affiche une agressivité et une sportivité sans ambiguïté, même si notre modèle d'essai n'enfile pas la tenue réglementaire habituelle des Cupra, à savoir le jaune. Certains détails de style comme les fausses grilles en nid d'abeille autour des antibrouillard et dans le bouclier arrière ou la grosse sortie d'échappement centrale sont un peu trop racoleurs pour nous mais après tout, ce trompe l'oeil se rencontre aussi sur des sportives de plus gros calibre. Reste que globalement, l'Ibiza Cupra présente un style très personnel tout en sachant se préserver une certaine discrétion et c'est tant mieux.
HABITACLE
Passons à l'intérieur. En ouvrant la porte deux choses sautent aux yeux : la sellerie avec son original croisillon de coutures blanches et tout autour, une atmosphère pesante d'un noir omniprésent. Déjà que la météo n'est pas très gaie mais alors là, c'est l'austérité la plus totale ! Passée cette première impression un peu déprimante, on découvre une position de conduite très bien pensée et qui ne peut cacher ses origines allemandes malgré une planche de bord moins carrée. L'assemblage des divers éléments de l'habitacle est rigoureux, mais le choix des matériaux respecte la hiérarchie soigneusement étudiée au sein du groupe VW. De son passé low cost, la Seat conserve donc des plastiques durs et granuleux bien peu valorisants. Difficile à accepter à bord d'une bombinette qui frôle malgré tout la barre des 24.000 € hors option. Sans fioriture aucune, le tableau qui se dessine devant nous est une invitation très claire à concentrer son regard sur la route... ou la piste en l'occurence. Pas aussi pingre qu'il n'y paraît, la Seat se rattrape sur le plan de l'équipement, les principaux éléments de confort moderne étant fournis d'entrée de jeu. Et pour les plus exigeants en matière d'exclusivité, l'inédite finition Bocanegra peut s'avérer intéressante.
IBIZA CUPRA BOCANEGRA
Inspirée par la Seat 1200 SPORT, la finition Bocanegra est dérivée du concept car présenté à Genève en 2008 est qui dévoilait les lignes de l'Ibiza SC. Proposée sur les Ibiza FR et Cupra, elle se distingue notamment par cette "bouche noire" symbolisée par la partie avant peinte en noir laqué et un équipement spécifique, dont une superbe sellerie cuir. Sur la Cupra Bocanegra, les jantes sont de couleur alu et non anthracite. Aucune modification technique n'est à signaler.
MOTEUR
Le 1.4 TSI Volkswagen étant maintenant bien répandu au sein du groupe, il est bien connu de tous. Mais rappelons quand même que ce petit 1400 cm3 à injection directe, pionnier du downsizing, affiche 180 ch et un couple de 250 Nm constant de 2000 à 4500 tr/mn grâce à sa double suralimentation constituée d'un compresseur mécanique (actionné seul jusqu'à 2400 tr/mn) et d'un turbo qui vient s'ajouter à partir de là puis termine le travail seul de 3500 tr/mn jusqu'au régime de coupure fixé à 7000 tr/mn. Une solution aussi originale que convaincante à l'usage tant la souplesse et la vivacité de ce petit bouilleur sur une large plage d'utilisation étonnera même les plus sceptiques concernant les bienfaits de la réduction des cylindrées.
Par rapport à l'ancien 1.8T de même puissance, aucun regret à avoir. Un agrément accentué par une sonorité rageuse suffisamment audible. Certes, un bon vieux 2.0 atmo comme celui de la Renault Clio RS affiche un tempérament plus rageur et nettement moins lisse, mais sous la contrainte des normes "CO2", cette race là semble amenée à s'éteindre comme celle des dinosaures...
D'une part, sur le plan des performances, la forte valeur de couple disponible très tôt avantage les reprises comme les accélérations. Un petit jeu auquel l'Ibiza Cupra n'a pas cessé de nous surprendre par son souffle bien réel. D'un point de vue chrono, la Clio RS voit carrément remise en cause sa domination en dépit de sa boîte 6 qui mouline tout ce qu'elle peut et de ses 23 ch supplémentaires. Même le plus gros 1.6 turbo de la Mini Cooper S se retrouve en ligne de mire de la Seat ! Quand au 1.4 Multiair des Fiat Punto Evo Abarth et Alfa Mito QV, il ne peut que s'incliner sur le plan de l'agrément ou des performances.
Il faut dire que comparé à la Skoda Fabia RS que nous avons essayée précédemment, la Seat Ibiza Cupra profite d'un poids plus contenu (1169 kg) pour laisser s'exprimer au mieux son berlingot, bien épaulé par la boîte DSG 7 rapports, seule disponible. Pas parfaite, nous le verrons plus tard, mais sur le plan de la consommation normalisée, la Seat enfonce le clou avec son septième rapport surmultiplié. Le 2.0 Renault Sport ne peut définitivement pas lutter face à la frugale modernité du TSI en conduite routière. Evidemment, notre journée sur circuit se solde par des valeurs moyennes bien moins flatteuses et qui n'ont rien à envier à celle du vieux 2.0 de la Clio, au contraire.
SUR LA ROUTE
Le trajet sur les petites routes qui nous mènent à la piste met déjà en lumière des réglages de trains roulants qui diffèrent de ceux de la Fabia RS, moins sportive dans sa définition. Amortissement plus ferme, direction plus consistante et voies élargies : la rigueur du châssis de l'Ibiza Cupra TSI apparaît soignée. Casque enfilé, c'est maintenant parti pour plusieurs sessions de roulage sur l'asphalte bien lisse du circuit. Le taux d'humidité approche les 100% à vue de nez mais nous pouvons secrètement compter sur l'électronique (non déconnectable) pour nous épargner des sorties de piste indésirables en cas de défaillance humaine. L'ESP est en effet en activité permanente puisque l'autobloquant XDS fait partie intégrante de ses fonctions. Un XDS qui bien que peu noble par sa nature face à un vrai DGL, s'est montré diablement efficace, pour ne pas dire épatant.
Car du boulot, il en a eu ! Maltraités par le couple débordant dès les bas régimes, les Pirelli en 215/40 R17 auraient eu bien du mal à s'en passer. L'habitude des tractions puissantes dont le train avant est vite débordé dans ces conditions nous invite à beaucoup de retenue sur les premiers tours, puis, à force de monter le rythme et la pression sur la pédale de droite en sortie de courbe, on finit par se rendre compte que les puces parviennent à juguler toute tentative de patinage massif. Le sous-virage reste le penchant naturel de la Cupra lorsqu'on atteint la limite d'adhérence, heureusement restreint par l'action du XDS sur les freins. Ceux-ci se sont montrés plutôt robustes en dépit de leur forte sollicitation se traduisant juste par une légère perte de mordant à l'attaque. La direction, un peu trop assistée, reste avare en informations mais la précision du train avant est satisfaisante. Il serait certainement en appel d'urgence permanent sans la présence salvatrice de son antipatinage "intelligent"... Avec cette météo pourrie, c'est presque rageant !
L'avantage procuré à l'Ibiza Cupra sur les autos qui tournent en même temps que nous vire rapidement à l'indécence... Excusez-moi de vous avoir doublé, c'est pas ma faute... j'ai pas fait exprès... Bon, certes on en a profité avec un certain plaisir. Car blague à part, on se prend vite au jeu de surestimer ses propres compétences avec l'aide invisible (au moins de l'extérieur...) des calculateurs. Mis en confiance par une bienveillante sécurité active, on est plus facilement tenté de jouer avec les limites. Mais le besogneux labeur qu'imposerait la météo dans ces conditions sans l'insolente débauche technologique ne serait qu'une illusion si l'ibiza Cupra ne parvenait pas à semer le doute chez les puristes du pilotage que nous sommes. Car même dans une petite sportive, on peut rapidement s'accomoder du confort évident apporté par la boîte DSG en mode S et ses palettes (trop petites) au volant qui permet de se concentrer uniquement sur la perfection de ses trajectoires. Ou même de leur mode "auto" en conditions urbaines. A l'inverse, on en vient à pester contre cette même boîte DSG lors de rétrogradages récalcitrants. On peut aussi regretter que la marge de tolérance de l'ESP en cas de dérive du train arrière soit aussi mince et impose des trajectoires hyper propres sous peine de devenir un peu frustrant. Mais elle est suffisante pour s'autoriser quelques "emoción" sans pour autant risquer de partir au tas au premier levé de pied en courbe. Vu que l'Ibiza Cupra ne s'adresse pas en priorité aux vieux routards c'est sans doute préférable, mais une mise en veille serait sans doute possible à moindre coût.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
SEAT IBIZA (4) SC Cupra 1.4 TSI
MOTEURType : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes, 2 arbres à cames en tête + admission à calage variable
Position : transversal AV
Alimentation : Gestion intégrale Bosch Motronic injection directe + compresseur volumétrique Eaton + turbocompresseur Borg Warner K03 (1,15 bars) + échangeur air/air
Cylindrée (cm3) : 1390
Alésage x course (mm) : 76,5 x 75,6
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 180 à 6200
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 250 de 2000 à 4500
TRANSMISSION
AV + ESP (non déconnectable) + ASR + XDS
Boîte de vitesses (rapports) : DSG (7)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : Disques ventilés (312) + étrier flottant 1 psiton- disques pleins (232) + ABS + BAS
Pneus Av-Ar : 215/40 R17 (Pirelli P7)
POIDS
Données constructeur (kg) : 1169
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,5
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 225
0 à 100 km/h : 7"2
1000m D.A. : 28"1
CONSOMMATION
Moyenne normalisée (L/100 km) : 6,2
Emissions CO2 (g/km) : 148
PRIX NEUF (10/2010) : 23.730 €
PUISSANCE FISCALE : 10 CV
CONCLUSION
Homogène est le mot qui nous vient à l'esprit au moment de dresser le bilan de la nouvelle Seat Ibiza Cupra. Austère aussi, car cette espagnole ne souffle pas le vent chaud attendu côté sensations. Elle peut en effet manquer de caractère aux yeux de certains parce que sa conduite est facile en toutes circonstances. Pas latine pour un sou, elle se résoud à suivre la philosophie Volkswagen avec un pragmatisme typiquement germanique. Mais son efficacité générale a pourtant de quoi faire trembler une concurrence aux prétentions sportives plus affirmées. Lorsque la technologie prend l'ascendant sur le critère émotionnel, on se dit que non, on n'arrêtera pas le progrès. On peut juste décider de s'en passer... mais cela devient compliqué.
Moteur plein partout
Performances
Consommation
Comportement efficace
Homogène...
... mais manquant de caractère
Habitacle austère
ESP non déconnectable
Boîte DSG imposée et perfectible en conduite sportive
Tous nos remerciements à SSO et au circuit de Dreux Bois-Guyon pour nous avoir ouvert l'accès à la piste pour cet essai.