FORD FOCUS RS MkI / MkII / MkIII
CE REVE BLEU
En l'espace de trois générations, la Ford Focus RS a sérieusement évolué que ce soit en termes de motorisation, de transmission mais aussi de carrosserie. La commercialisation récente de la troisième génération est l'occasion rêvée pour effectuer une rétrospective sur l'une des compactes les plus emblématiques du marché…
Texte : Maxime JOLY
Photos : Thomas POSLUSZNY
Il y a un an et demi, nous faisions un comparatif entre les Mégane RS ultimes, j'ai nommé la R26.R et la Trophy-R. Aujourd'hui, c'est au tour de la trilogie de la Focus RS de faire l'actualité. Plus qu'un réel comparatif, c'est avant tout un reportage sur l'évolution d'une voiture passion que nous vous proposons. Une rencontre de trois générations rendue possible grâce à la participation du forum focusrstteam.com et de Ford France que nous remercions au passage. Quatre mois après avoir essayé la Focus 3 RS sur route et sur la piste Michelin, nous avons donc la chance de la revoir pour un second essai qui s'achève sur la comparaison avec ses deux aînées. Direction les superbes routes du Vexin…
FOCUS Mk1 RS : LE POIDS
De nos trois protagonistes, la Focus RS "mk1" est la plus fluette. Elle est sortie avant que la crise de croissance ne subisse un nouveau palier ces dernières années. En dehors de son aileron, son look se veut suggestif, pour ne pas dire même plutôt sage. Certes, les passages de roues sont marqués mais les ailes élargies de l'Escort RS Cosworth n'ont pas été reconduites. L'époque est décidément bien différente puisqu'une seule canule termine la ligne de l'échappement quand, aujourd'hui, les constructeurs n'hésitent plus à coller quatre sorties sur des quatre cylindres… L'intérieur de la Focus RS mk1 est plus démonstratif du fait de la présence des baquets Sparco et d'une console centrale en (vrai) carbone. J'apprécie la mise en route de la mécanique par l'intermédiaire d'un bouton de démarrage, comme sur les versions de rallye.
Il est à présent temps de s'installer au volant. Les baquets sont enveloppants mais la position de conduite plutôt haute. La sonorité du 2 litres Duratec turbo est correcte, sans plus. Ce ne sera sans doute pas pour son timbre de voix ni pour sa puissance maximale atteinte à 5.500 tr/min que vous craquerez. Qu'importe, la Ford a d'autres atouts dans sa manche. A l'instar de ce que peut être la Fiesta ST actuelle, cette Focus RS mk1 donne l'impression d'être plus ancienne qu'elle ne l'est. Ce n'est pas péjoratif, au contraire, pour quiconque recherche les sensations de conduite. C'est clairement moins aseptisé qu'une Mégane 2 RS sortie seulement deux ans après.
Après avoir touché aux deux et quatre roues motrices avec les Escort RS turbo et Escort RS Cosworth, Ford décide de revenir sur une configuration de traction en dépit de l'importante cavalerie qui anime sa nouvelle compacte. Faire passer 215 chevaux et un couple de 310 Nm sur le train avant relève de la prouesse en 2002. Pour y parvenir, un différentiel autobloquant Quaife est installé. La motricité assure un excellent comportement routier et les performances sont au rendez-vous. 6,7 secondes sur le 0 à 100 km/h, ce n'est pas anodin et cela semble plausible. Merci aux 1.278 kg de l'engin. Seul grief à la fin du roulage, la direction apparaît trop démultipliée. L'amortissement semble aussi un peu trop souple mais difficile d'émettre un jugement définitif sur une voiture de plus de 130.000 km. Une chose est sûre, voilà un collector en puissance dont la cote en occasion est encore très abordable…
FOCUS Mk2 RS : LE MOTEUR
Avec la Focus RS mk2, on change de catégorie. D'abord, elle est plus grosse bien que toujours limitée à trois portes. Ensuite, c'est du brutal, à tous les niveaux. La RS de 2009 ne fait pas dans la dentelle, ce n'est pas foncièrement joli mais ça ne laisse pas indifférent ! L'intérieur, et plus particulièrement sa console centrale, a mal vieilli. On zappe facilement ce point pour passer à ce qui nous intéresse : le cœur de la bête. D'origine suédoise (Volvo S60 R, plus exactement), il s'agit du 2.5 turbo déjà vu dans la 2ème Focus ST mais, ici, avec une copieuse cure de vitamines le gratifiant de 80 chevaux supplémentaires. Le couple n'est pas en reste puisqu'il passe à 440 Nm, excusez du peu. Des valeurs qui donneraient les chocottes à n'importe quel train avant, mais pas chez Ford. L'équipe de Jost Capito s'est dit « même pas peur » !
Après avoir osé sept ans plus tôt dépasser les 200 chevaux sur une traction, Ford franchit un nouveau palier en passant la barre fatidique des 300 équidés. Inévitablement, cela implique un travail de furieux sur le train avant pour qu'il digère sans maux d'estomac ce trop-plein de calories. Pour cela, deux solutions sont trouvées. La première est relativement simple et consiste en la bride de puissance des deux premiers rapports afin de préserver la motricité. La deuxième relève en revanche de la sorcellerie. On a jeté un sort à la Focus et cet esprit vaudou prend le nom de RevoKnuckle. Derrière cet acronyme incompréhensible pour nous français se cache une sorte de train avant à pivots découplés, un peu différent dans sa conception de ceux de Peugeot et Renault.
Une direction bien calibrée, des Recaro enveloppants et une bande-son à vous faire dresser les poils après 4.000 tr/min, la Focus RS mk2, c'est tout cela à la fois. Le summum de la compacte sportive des années 2010 avec la Mégane 3 RS. Le nirvana…
FOCUS Mk3 RS : L'INTEGRALE
Au premier coup d'œil, la Focus RS mk3 se distingue de ses devancières de par sa carrosserie. La Focus 3 n'ayant pas de déclinaison trois portes, il en est évidemment de même pour la RS. Ford Performance s'est tout de même efforcé de muscler son poulain. Ainsi, la dernière Focus RS en date reçoit une face avant largement retravaillée et l'habituel aileron RS. Tout ceci ajouté au Bleu Nitrous et vous voilà sûr de ne pas passer inaperçu une nouvelle fois. Notre modèle d'essai était équipé des baquets Recaro optionnels dont le défaut est de ne pas être réglables en hauteur. Préférez les sièges de la Focus 3 ST 250, au maintien sensiblement équivalent.
Devant faire le deuil du bloc cinq cylindres, il fallut à Ford trouver l'argument de vente capable de faire passer la pilule. Ils en arrivèrent à l'idée de proposer une transmission intégrale pour le prix des tractions concurrentes, moins puissantes de surcroît. Mais pas n'importe quel système quatre roues motrices, s'il vous plaît. Bien que l'Haldex utilisé principalement par le groupe Volkswagen, notamment sur la Golf R, ait considérablement progressé et soit plus amusant que celui développé par Magna et retenu par Mercedes sur son A45 AMG, Ford s'orienta vers autre chose. Ils toquèrent à la porte de GKN Driveline pour utiliser le mécanisme vu sur la Land Rover Evoque. Pourquoi ? Pour gagner du poids par rapport à une transmission intégrale classique. La Focus étant basée sur une ancienne plateforme déjà lourde, ce n'etait pas du luxe. Mais, les petits malins de chez Ford ajoutèrent une ligne au cahier des charges : un Torque Vectoring capable d'envoyer 100% du couple sur une seule des roues arrière, comme le faisait la Mitsu Lancer Evo X. De ceci découle le fameux mode Drift, argument marketing imparable mis en lumière par le spécialiste du genre, Ken Block en personne.
Mécaniquement, on retrouve le moteur 4 cylindres 2.3 L Ecoboost de la Mustang, au tempérament revu pour le rendre plus sportif. Il faut admettre que le résultat est efficace. Pas de creux en bas, un gros couple dès le mi-régime et de l'allonge jusqu'en haut du compte-tours. Mais c'est terriblement linéaire et ça fait plus de bruit que ça ne chante. Un quatre cylindres moderne, en somme.
ACHETER UNE FORD FOCUS RS
Chaque génération de Focus RS a son tempérament et un élément qui lui est propre pour vous faire tomber dans ses bras. Que vous privilégiez les sensations à la puissance, le son du moteur ou la polyvalence, il y a forcément une Focus RS qui vous correspond. Il est compréhensible que l'association "quatre roues motrices / 350 chevaux" affichée au prix d'autres tractions plaide en la faveur de la Focus 3 RS et son succès semble tout à fait mérité à ce titre. Cependant, il me faut avouer qu'à titre personnel, j'ai du mal à me passionner pour une transmission intégrale même quand cette dernière est typée propulsion avec, en moyenne, 70% du couple transmis sur les roues arrière. Sur le sec, cela accroche tellement que le survirage n'est de toute façon pas immédiatement au programme. Le mode drift est une fausse bonne idée puisqu'il est inutilisable dans la vraie vie. De plus, la direction perfectible dans la restitution d'informations est inférieure à celle de son aînée.
La Mk2 justement, quand on a goûté à son gros train avant taillé comme un demi de mêlée, il est difficile de consentir à perdre, même qu'un peu, dans ce registre. Je n'ose évoquer la salle des machines, le moteur de Volvo n'ayant aucune comparaison possible avec l'Ecoboost. Toutefois, il faut être en mesure d'assumer sa consommation d'un autre temps - même si la faible autonomie de la Focus 3 RS ne contourne pas totalement le problème. Si bien que si vous voulez du caractère et une consommation relativement décente, il faut se tourner vers le bon vieux Duratec de la RS 1 et ses vénérables 215 chevaux qui accusent déjà 14 ans de bons et loyaux services. Tout n'est donc pas rose et il ne s'agit pas de tomber dans la nostalgie du « c'était mieux avant ». La vérité d'un essai d'un weekend est-elle celle d'un achat raisonné ? Rien n'est moins sûr…
Merci à Hervé et Sébastien, propriétaires des très belles Focus RS MkI et MkII mises à disposition pour ce reportage.
CONCLUSION
Traction, cinq cylindres, quatre roues motrices. La première trilogie de la Focus RS a écrit de passionnants chapitres à son histoire. Avec des évolutions tellement marquantes qu'aucune des nouvelles versions ne démode la précédente. La première RS vous charme par son feeling plus authentique, la seconde est un pur bonheur pour les mélomanes tandis que la troisième offre le meilleur rapport prix/performances/plaisir du segment… En conclusion, l'idéal est sans doute d'avoir les trois !
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