FERRARI DINO 246 GT/GTS (1969 - 1974)
LA MEILLEURE DES FERRARI...
Voitures à part dans la chronologie Ferrari, les coupés Dino 206 GT et 246 GT jouissent d'une forte cote d'amour. Créée spécifiquement pour le moteur V6 imaginé par le fils d'Enzo, la marque Dino se voulait en effet plus accessible. Conçues et réalisées chez Ferrari, les Dino 206 et 246 GT ne portent d'ailleurs aucun écusson du cheval cabré. Ce qui ne les empêche pas aujourd'hui d'avoir largement dépassé leur statut initial de "Ferrari du pauvre"...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Thomas POSLUSZNY
Malgré son appellation GT, la Dino 246 de Ferrari reste très proche dans sa conception et sa conduite d'une authentique voiture de course des années 1960-1970. Comprenez que les longs-trajets vous offriront surdité et mal de dos ainsi qu'une grosse suée par temps chaud ! A cette époque, rouler en voiture sportive était encore un art de vivre pour lequel le sacrifice du confort n'était pas un frein. Mais ce n'est pas grâce à ces traits de caractère que la Dino a connu un succès sans précédent dans l'histoire de Ferrari. On lui trouva en effet, outre un tarif plutôt compétitif, un comportement routier équilibré, neutre et agile, à la faveur de sa mécanique légère implantée au centre.
C'est cette ambiance unique, doublée de la sonorité fantastique et du caractère vif de son V6, qui compensera des faiblesses désormais bien connues de tous ses propriétaires. Pour le journaliste José Rosinski, c'était tout simplement "la meilleure Ferrari" lors de sa sortie. Un compliment qui n'a toutefois pas dû faire beaucoup plaisir à Enzo... A ceux qui ont eu la chance de l'utiliser au quotidien à une époque de vitesse libre (ou presque), elle laissa des souvenirs émus et toujours bien vivaces autant que des anecdotes roccambolesques. Aujourd'hui sous le coup de la spéculation, elle revendique quasiment un statut d'oeuvre d'art et sa cote est en train de flamber comme celle d'une toile de maître. La Dino 246 GT a pourtant beaucoup plus à offrir qu'un rendement financier. C'est une voiture passion, rare et attachante, que nous avons le plaisir de vous présenter grâce à l'un de nos aimables lecteurs.
PRESENTATION
Enzo était trop fier pour apposer son nom sur une Ferrari qui ne soit pas munie d'un V12. Pourtant, afin de profiter du marché croissant des voitures de sport abordables, sur elquel Porsche allait lui voler la vedette grâce à sa 911, la marque "Dino" est créée en 1964. En choisissant ce nom, Enzo rendait aussi hommage à son fils unique Alfredino, géniteur du fameux V6 éponyme et disparu en 1956. En cela, Enzo protégeait aussi le nom Ferrari, et son image, d'une association que l'on allait retrouver chez Fiat avec les Dino Spider et Dino Coupé.
Reposant sur la même base et toujours assemblée à la main chez Scaglietti, la 246 GT est présentée en mars 1969. Elle pallie différents problèmes de jeunesse du coupé Dino 206 GT, notamment au niveau moteur. Dessinée chez Pininfarina par Aldo Bravarone, la carrosserie en alu sera progressivement remplacée par de l'acier pour réduire les coûts de produciton. La première série de Dino 246 GT (Tipo L) fût globalement livrée avec la carrosserie en alu ou au moins les capots en alu. Le bouchon de réservoir est également masqué sous une trappe.
Enfin, on procède à un allongement de l'empattement de 60 mm (2m34 au total) et des porte-à-faux, ce qui conduit à un allongement lobal de 94mm (4m23) bénéfique à l’habitabilité ainsi qu’à la stabilité à grande vitesse. La contrepartie est un poids qui enfle de 50 kg environ.
MOTEUR
Bien que visuellement identique à la Dino 206 GT pour le profane, la 246 GT (Tipo 607L) lui succéde avec diverses améliorations dont notamment un moteur plus gros (Tipo 236L). Son V6 quatre arbres à cames en tête carter sec et double allumage, est directement issu des Ferrari de compétition où il excellait avec seulement 1600 cm3.
La cylindrée est portée ici à 2,4 litres, par augmentation de la course et de l'alésage et le bloc est désormais en fonte. Ce moteur est gavé par 3 carburateurs Weber double corps et développe désormais 195 ch à 7600 tr/min. A la fois plus puissant, plus souple et plus docile, il donne entière satisfaction. Ce moteur, Enzo Ferrari acceptera à contre-coeur de le fournir à un autre constructeur, pour animer la non moins légendaire Lancia Stratos. On le retrouve également dans les Fiat Dino Spider et Coupé au destin moins flamboyant.
Cette mécanique propulsait la Dino 246 jusqu'à 240 km/h et lui permettait d'abattre le 0-100 km/h en à peine plus de 7 secondes. Il est surprenant de constater que ces chiffres sont toujours dignes d'une vraie sportive aujourd'hui. Avec ces performances redoutables, la Dino 246 faisait mieux que répondre à la Porsche 911 S car elle lui opposait aussi un autre atout : son châssis bien plus moderne.
SUR LA ROUTE
Car la petite Ferrari Dino est tout sauf une sportive au rabais dans sa conception. La suspension est indépendante aux quatre roues, à ressorts et amortisseurs téléscopiques Koni et barres anti-roulis avant et arrière. Derrière les jantes 14" Cromodora à écrou central, on découvre quatre freins à disques ventilés. Et surtout, avec son moteur à l'arrière, elle présente un équilibre des masses remarquable qui se traduit par une tenue de route qui parait encore étonnament moderne.
En cours de production, la monte pneumatique passera de 185 à 205/70, toujours en 14" de diamètre. A cette occasion, la Ferrari Dino reçoit également une barre stabilistrice arrière plus grosse et des suspensions plus fermes.
EVOLUTION
La Ferrari Dino 246 subit une seconde évolution au millésime 1971, identifiée sous le code Tipo M (ou Série II) et appliquée à partir du châssis 1118. Pour commencer, la carrosserie évolue peu stylistiquement mais ne dispose plus désormais d'aucun élément en aluminium. Les essuie-glaces ne sont plus chromés mais noir et il n'y a plus qu'un seul feu de recul. Les jantes, auparavant fixées par un écrou central (knock off) évoluent vers un système de fixation à 5 boulons et se distinquent par leur cache moyeu orné du logo Dino. La Ferrari Dino troque également ses disques Girling pour des Ate. La production des Dino 246 GT conduite à droite démarre avec le tipo M, 62 exemplaires seront réalisés. Pour rédurie les coûts, Ferrari remplace le cuir des sièges dont les appuie-tête sont incorporés par du simili noir. Apparaissent dans l'habitacle à ce moment les poignées d'ouverture du coffre et du capot moteur ainsi que le repose pied côté passager et les commandes de ventilation sur la planche de bord. On note également le rajout de bacs vide-poches dans les portières, issus de la Fiat 500.
Dernière évolution de la Ferrari Dino, la série III ou Tipo E apparaît au second semestre 1971. Le succès de la 246 GT ne se dément pas malgré une concurrence dynamique (Porsche 911 S, Alfa Romeo Montreal, Lamborghini Urraco, DeTomaso Pantera) et la production est passée de 3 voitures par semaine à 3 voitures par jour ! Esthétiquement, on note encore quelques évolutions et ces versions se reconnaissent principalement à leur calandre à coins plus carrés et aux pare-chocs qui ne rentrent plus à l'intérieur. Le positionnement des essuie-glace revient à un mouvement plus conventionnel. A l'arrêt, le croisement central est remplacé par le classique calage à droite. Les serrures de portes sont maintenant placées sous les écopes latérales et non plus à l'intérieur de celles-ci. La Ferrari Dino 246 GT Tipo E perd une pompe à essence (simple au lieu de double) et revoit l'étagement de sa boite de vitesses (pont plus court). La nouveauté la plus significative est l'introduction en mars 1972 d'une nouvelle version de carrosserie baptisée GTS (voir encadré). Ferrari propsoe également de nouvelles options, comme les jantes plus larges Campagnolo et des extensions d'ailes de type Group 4. Plus tard cette même année, Ferrari propose l'option sellerie "Daytona", dont le cuir et le design reprend celui de la célèbre V12 de Maranello. La production des 246 GT et 246 GTS est finalement arrêtée en 1974, avec un total de 3700 exemplaires, dont 1431 Tipo E.
DINO 246 GTS
En 1972, Ferrari introduisit la 246 GTS. Cette version "Spyder", d'où le "S", est en rélaité inspirée du toit Targa de la Porsche 911. Le toit amovible se range derrière les sièges. Pour compenser son absence, le châssis a été rigidifié au niveau des berceaux moteur et de l'arceau situé derrière les passagers (obligeant à supprimer les custodes), le surpoids officiel étant de seulement 20 Kg. Les nouvelles options de confort proposées caractérisent une clientèle différente du coupé pour cette Ferrari plus bourgeoise.
ACHETER UNE FERRARI DINO 246 GT / GTS
En 2005, les coupés Dino 246 GT s'échangaient pour moins de 70.000 €. Oui, vous avez bien lu. Cela signifie qu'en 10 ans, la cote a plus que doublé, notamment ces dernières années, crise financière aidant. Cela peut donc donner des aigreurs à ceux qui n'ont aujourd'hui plus les moyens de sortir aux alentours de 200.000 € pour un bel exemplaires. A ceux là, il reste encore les Dino 308 GT4 et quelques berlinettes V8 (308/328/348) pour accéder au mythique cheval cabré. Combien de temps cette bulle durera ? Difficile à dire, mais à la fin des années 80 les Dino valaient plus qu'en 2005 et certains ont perdu gros avec leurs "placements automobiles"...
Dans tous les cas, l'aspect positif de cette remontée soudaine d'intérêt pour les petites Dino 206 et 246 aura au moins levé le doute sur un point : même bon marché, une Ferrari ancienne n'est pas faite pour les petits budgets ! Et par là même, la remontée des cours aura sans doute permis de sauver bon nombre d'exemplaires nécessitant une restauration et un entretien trop coûteux. Si vous n'avez pas un talent certain pour la mécanique mais beaucoup d'argent, restaurer une Dino peut donc avoir actuellement un sens économiquement parlant. Pour tous les autres, qui veulent s'éviter cette peine et en profiter dès maintenant, les beaux exemplaires ne manquent pas sur le marché et avec les prix pratiqués, l'acheteur est en droit d'exiger un véhicule en parfait état.
Parfait état qui passe donc par quelques précautions pour ne pas supayer une voiture passablement restaurée dans le but de réaliser une culbute financière... Tout d'abord, les pièces de carrosserie et diverses pièces mécaniques en aluminium résistent par nature très bien au temps. En revanche, la remise en état d'une Dino ne se fait pas dans le premier atelier venu. C'est une affaire de spécialistes. Faisant de plus en plus appel à l'acier, les Dino sont devenues avec le temps aussi plus sensibles à la rouille, notamment au niveau des arches de roues et des casquettes de phares mais aussi en divers points du châssis. Certaines pièces telles que les portes ou les capots ont été refabriquées par Ferrari mais il existe aussi un petit réseau d'indépendants qui produisent le nécessaire pour ne pas se trouver à court de pièces.
Côté mécanique, il n'y a pas de crainte particulière à avoir, il suffit de tout vérifier très régulièrement ! Le V6 Dino éprouvé en compétition se montrant plutôt endurant (ce qui signifie qu'on ne devra pas l'ouvrir avant 90-100.000 km), à la condition d'un entretien aux petits oignons, tous les 5000 km. Cependant, la piètre accessibilité mécanique entraîne un coût élevé des opérations dans le réseau Ferrari, ce qui a pu dissuader certains propriétaires (surtout ceux ayant pour but premier de faire un placement et non de rouler) d'en reculer les échéances. Les points sensibles du V6 Dino sont la carburation, la lubrification (surtout si consommation d'huile) et la distribution (usure des cames). L'allumeur Marelli ou Dinoplex présentent également une usure rapide. Le principal facteur risque du moteur reste son manque de refroidissement dans certaines conditions, qui mettent à mal le faisceau électrique (déjà léger d'origine), ses carburateurs et son joint de culasse. Les incendies n'étaient d'ailleurs pas rares en Dino... Enfin, la boîte manuelle 5 rapports présente rapidement un mauvais fonctionnement connu du synchro de seconde.
PRODUCTION FERRARI DINO 246
DINO 246 GT
Tipo L (1969-1971) : 357 exemplaires
DINO 246 GT Tipo M (1971) : 506 exemplaires
DINO 246 GT Tipo E (1971-1974) : 1624 exemplaires
TOTAL DINO 246 GT (1969-1974) : 1213 exemplaires
TOTAL DINO 246 GTS (1972-1974) : 1274 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
FERRARI DINO 246 GT/GTS
MOTEURType : 6 cylindres en V à 65°, 12 soupapes
Position : transversal central AV
Alimentation : 3 carburateurs double corps Weber 40 DCF/1 ou 7 ou 13 ou 19
Cylindrée (cm3) : 2419
Alésage x course : 92.5 x 60
Puissance (ch DIN à tr/mn) : 195 à 7600
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 225 à 550
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports): manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar : Disques ventilés ATE
Pneus Av-Ar : 185/70 VR 14 puis 205/70 VR 1
POIDS
Données constructeur (kg) : 1130
Rapport poids/puissance en kg/ch DIN : 5,8
PERFORMANCES
Vitesse maxi en km/h: 235
400 m DA : 16"5
1 000 m DA : 27"
0 à 100 km/h : 7"1
0 à 200 km/h : NC
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 16 à 20
PRIX NEUF (1973) : 74.900 FF
COTE (2014) : 200.000 €
PUISSANCE FISCALE : 14 CV
CONCLUSION
:-) Ligne sublime Authentique sportive V6 plus souple que le 2.0 Performances Comportement Disponibilité des pièces |
:-( Présentation intérieure bon marché Plus lourde que la Dino 206 GT Moteur pointu, carburation capricieuse Corrosion Electricité fragile Entretien onéreux Cote élevée (spéculation...) |
Jouissant d'une énorme cote d'amour, les berlinettes Dino 246 GT et GTS sont aujourd'hui en train de connaître à nouveau la folie spéculative comme la plupart des Ferrari anciennes. Pour autant, leur état diffère parfois dans des proportions non négligeables et compte-tenu de leur fiabilité toute italienne, il faut abuser de prudence. Ceci étant, cette petite sportive agile et rapide offre un plaisir de conduite supérieur à nombre de Ferrari V8 ou V12, plus puissantes et performantes sur le papier, mais nettement moins communicatives volant en main. A n'en pas douter, il s'agit là d'un must de la production des années 60-70 et, à ce jour, la dernière Ferrari à moteur V6. La cote reflète malheureusement cet état de fait, encore plus que ses qualités réelles...
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Les 246 GT et GTS sont des oeuvres d'art mécanique. Evolutions des rares 206 GT elles offrent un désign spectaculaire, issue des prototypes 250lm de 1965. Elles ont une tenue de route exceptionnelle pour l'époque, Mais bien sur une mécanique sophistiquée demandant des soins que ne peuvent apporter tous les mécaniciens. D'ou un budget d'entretien élevé. L'utilisation est vraiment plaisante ,le bruit du moteur,le kook depuis le volant sont extra!On a pas besoin d'autoradio dans un Dino! La côte malheureusement explose actuellement,le GTS approchant les 400 mille euros. Ne pas se fier à la côte LVA.La demande dépassant largement l'offre. Pour moi la plus belle et interressante sportive de ces dernières décennies.