SUR
TOUS LES CONTINENTS !
Chez Ferrari, on essaie de prendre en compte toutes
les attentes de la clientèle. Si Enzo Ferrari a refusé de mettre
en production le très beau prototype de berline 4 portes " Pinin "
proposé par Pininfarina en avril 1980, les pères de famille ne sont
pas oubliés pour autant. Soit l'amateur avec enfants (pas trop grands !)
pouvait opter pour la Ferrari 400 GT et son V12, ou alors pour la Dino, puis devenue
Ferrari 308 GT4. Pour remplacer cette dernière, Ferrari revient à
son partenaire traditionnel Pininfarina pour dessiner une berlinette 2+2 à
moteur central. Pas si simple !...
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Dans les années 70, la conversion de la plupart des
constructeurs de voitures
de sport au moteur central arrière devient incontournable. Porsche,
bien que conservant sa Porsche 911 avec
un moteur en porte-à-faux arrière, cède également
à la mode du moteur central arrière sur sa Porsche
914. Il faut avouer que dans l'esprit du public, moteur central est synonyme
de voiture sportive. Même les constructeurs à vocation plus populaire
et large public cèdent à cette mode : Fiat
X1/9, Matra Bagherra, Lancia Beta MonteCarlo
Les avantages apportés par le moteur central arrière sont évidents
en matière de comportement routier et d'équilibre. Les autos sont
ainsi plus faciles à conduire vite. En compétition, et en sport-prototypes
notamment où des luttes somptueuses captivent le public, cette architecture
est également retenue. Bien entendu, Ferrari n'a
pu rester sourd bien longtemps à cette architecture qui fait ses preuves
et que Lamborghini osa inaugurer sur sa Lamborghini Miura.
C'est donc avec malice,
sous la marque Dino, avec les 206 puis 246 GTB et GTS que Ferrari expérimenta
en voiture de tourisme l'architecture centrale arrière. Les limites de
cette architecture sont, bien entendu, l'habitabilité et le coffre qui
sont très largement amputés. Alors lorsqu'il s'agit de ménager
deux places arrière, même d'appoint, la tâche devient beaucoup
plus ardue. C'est délicat tant dans la technique, mais surtout en design.
D'ailleurs, pour le premier coup d'essai, c'est Bertone qui reçu les faveurs
de Ferrari pour dessiner la Dino 308 GT4 qui fut vendue ensuite sous la marque
Ferrari. Son dessin, très typé seventies, avec sa forme en coin
ne rencontra pas toujours les faveurs des Ferraristes. Cela dit, la tâche
de Bertone était très difficile, et le résultat était
plutôt heureux.
Pour sa nouvelle Ferrari Mondial 8,
Ferrari va renouer avec son partenaire privilégier chargé de signer
les robes des productions de Maranello. En 1980, Ferrari va donc présenter
et commercialiser sa nouvelle Ferrari Mondial 8 dotée d'un V8 en position
central arrière avec 2+2 places et une robe signée Pininfarina.
L'appellation de " Mondial " sera donc ravivée par Ferrari après
l'avoir utilisé dans les années 50 sur des Ferrari de course déjà
dessinées par Pininfarina
DESIGN
Comment caser sous
une même enveloppe, quatre places, un moteur central arrière et conserver
une esthétique flatteuse et suggestive dans la lignée des Berlinettes Ferrari à
moteur central ? C'est un peu la question qui fut posée à Pininfarina.
Si la tâche était délicate, le carrossier italien s'en est
sorti avec les honneurs. Certes, la Ferrari Mondial 8 ne sera jamais la Ferrari
la plus adulée de l'histoire de la marque. Mais d'une part, les Ferrari
quatre places seront toujours en retrait côté image comparée
aux GT et berlinettes strictes deux places, et d'autre part, la Ferrari Mondial
8 est dans une période qui n'est pas la meilleure pour elle : trop ancienne
pour être encore une occasion de prestige, trop jeune pour être une
vraie voiture de collection, elle traîne donc une image de Ferrari 1er prix.
Bien qu'allongé en raison des quatre places, le profil de la Ferrari Mondial
8 reste tendu et sportif. Les jantes 5 branches Ferrari sont toujours de la partie
et on notera cette prise d'air latérale qui est là pour alimenter
la mécanique en air frais. Malgré les gros pare-chocs en plastiques
noirs pouvant absorber des chocs à faible vitesse sans déformations,
l'esprit Ferrari est préservé. La face avant reste fine et intègre
des phares escamotables, alors incontournables pour toutes voitures de sport qui
se respecte. Juste au dessus des phares, le capot avant est nervuré sur
toute sa largeur donnant un peu de dynamisme à la ligne de la Ferrari Mondial
8. La partie arrière de la Ferrari Mondial 8 reprend le thème des
poupes tronquées avec les quatre phares ronds alors indissociables des
Ferrari de production. Sous certains angles, la parenté est évidente
avec les Ferrari 308 GTB et même la Ferrrari 288 GTO, avec moins
de charme et de séduction nous devons l'avouer.
A BORD DE LA FERRARI MONDIAL
Les larges surfaces vitrées
rendent cette Ferrari Mondial 8 très agréable à vivre de
l'intérieur, d'autant que la finition et la présentation sont nettement
supérieures aux Ferrari 308 GTB et GTS. Intégralement revêtu
de cuir Connolly, Ferrari avait alors pensé à la qualité
de ses clients capables de mettre alors un prix coquet dans leur Ferrari 4 places.
L'équipement de série était correct et la présentation
teintée de luxe restait tout de même sportive avec le volant trois
branches frappé du Cavallino
Rampante et la célèbre grille de passage de vitesses typiques
des Ferrari. Dans quelques années, avec la généralisation
progressive des boîtes F1 sur les Ferrari modernes, les prochaines jeunes
générations ne comprendront certainement pas notre émotion
sur l'évocation une simple grille métallique
LE V8 DE LA MONDIAL
Les USA ont toujours été une terre draconienne, et la Californie
en particulier, sur les émissions des mécaniques. Ainsi, la plupart
des sportives européennes sont largement amputées de puissance lors
de leur traversée de l'Atlantique. Dans les années 70, avec les
crises pétrolières à répétition, les normes
américaines se sont encore accrues. Certains constructeurs de voitures
de sport comme Lamborghini, Lotus et même Ferrari ne purent pendant quelques
mois ou année commercialiser une gamme complète en raison de leur
incapacité à passer les normes US très sévères.
Pas question donc pour Ferrari de renouveler cette expérience désastreuse,
tant le marché américain est vital pour le petit constructeur de Maranello. La Ferrari
308 GTB et GTS ayant essuyé les plâtres de cette politique, la Ferrari
Mondial va donc reprendre intégralement la mécanique de la berlinette
V8 afin de pouvoir également être commercialisée sur tous
les continents.
Ce beau V8 transversal (!) central arrière tout alu est
bien dans la lignée des belles mécaniques de Ferrari. Avec sa cylindrée
de 2926 cm3, il développe (seulement) 214 ch à 6600 tr/mn et 243
Nm de couple à 4600 tr/mn. Si les constructeurs allemands ont dès
les années 70 commencé à basculer à l'injection électronique
pour l'alimentation de leurs mécaniques, Ferrari utilisait encore les carburateurs,
dont les vertus " environnementales " ne sont pas réellement
convaincantes. De la Ferrari 512 BB à la Ferrari
308 GTS et GTB, les pertes de puissances enregistrées lors du passage à
l'injection sont donc importantes. C'est un système d'injection Bosch K-Jetronic
qui se charge donc d'optimiser le précieux mélange dans les chambres
de combustion de ce V8 évolué. La distribution est notamment très
italienne avec 2 double arbres à cames par rangée de cylindres mais
seulement 2 soupapes par cylindres. A noter quelques éléments dignes
d'une voiture de course avec des chemises rapportées en fonte, un vilebrequin
sur 5 paliers, des bielles parallèles sur coussinets à coquille
mince, des soupapes en tête disposées en V à 46°, radiateur
d'huile
Pour faire vivre cette " bella Macchina ", Ferrari a recours
à sa boîte mécanique à 5 rapports avec la fameuse grille.
Superbe ! Si la mécanique est superbe, elle est malheureusement étouffée
et ne donne pas sa pleine mesure. Seulement 230 km/h en vitesse maxi et 28 secondes
au kilomètre départ arrêté ne sont pas des chiffres,
qui, même en 1980, sont susceptibles d'impressionner les foules. Une Porsche
911 SC fait mieux et offre également quatre places, et une Alpine
A310 V6, malgré un V6 PRV souvent décrié, fait presque
jeu égal !
CHASSIS
Comme sur ses voitures de course d'antan,
et avant l'avènement des coques en carbone sur les Formule 1 dans un premier
temps, puis dans les autres disciplines, c'est sur la base d'un châssis
tubulaire que Ferrari est parti pour sa Ferrari Mondial 8. Mais, le concept initial
a toutefois largement évolué avec une large utilisation de tôles
pliées et caissonnées. Cette technique permet ainsi d'économiser
du poids et de conférer un maximum de rigidité au châssis.
La Ferrari Mondial 8 est la première Ferrari a recevoir un berceau moteur
(qui supporte moteur et boîte de vitesses) amovible. Cela permettait sur
le papier de gagner du temps lors des opérations de maintenance. Comme
on le verra dans le chapitre qui suit, les coûts d'entretien restent pharaoniques.
Les suspensions sont constituées de quatre roues indépendantes avec
bas oscillants, ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques
Koni avec barre stabilisatrice. Les jantes alu spécifiques sont dotées
de pneus Michelin TRX qui faisaient alors merveille sur les voitures de sport
des années mi-70 jusqu'au milieu des années 80. Quatre freins à
disques de diamètre généreux se chargeaient de ralentir les
ardeurs du " papa pilote " ! Malgré ces données intéressantes
sur le papier, la Ferrari Mondial 8 a toujours été largement critiquée
lors de sa sortie pour sa tenue de route pointue à la limite, voire même
dangereuse. Son train arrière était en effet très nerveux
dans ses réactions, ce qui ne cadrait pas réellement avec l'image
" familiale " de cette Ferrari Mondial 8. De plus, le manque de panache
et de puissance du moteur V8 ne permet pas de rattraper cette noble dame lombarde
comme il le faudrait. A des limites encore repoussées, on retrouvera ce
type de comportement sur la Ferrari 348 TB et TS qui seront
améliorées sur ce point par la suite. Dommage, car la Ferrari Mondial
8 freinait suffisamment fort et pouvait offrir son lot de sensation. Ferrari ne
restera pas sourd cependant aux remarques de la presse et des 703 clients de la
Ferrari Mondial 8, puisque les dernières Ferrari Mondial T proposaient
alors 300 ch et un comportement routier très efficace.
ACHETER
UNE FERRARI MONDIAL 8
La Ferrari
Mondial 8 est à deux visages. Sa cote peu enviée aujourd'hui dans
le milieu des Ferrari, et son concept 2+2 pas assez extrême aux yeux des
puristes, lui confèrent une image assez terne. Cela se ressent donc sur
le prix moyen des transactions enregistrées sur le marché des petites
annonces. Comptez donc à partir de 15000 euros pour des Ferrari Mondial
8 en état très moyen et plutôt 19 à 22000 euros pour
une Ferrari Mondial 8 en très bon état. Malheureusement, les prix
bas ne favorisent que rarement la qualité des autos à vendre. On
ne le répétera jamais assez, il est totalement illusoire et inconscient
de vouloir acheter une Ferrari, quelle qu'elle soit, et ne pas prévoir
de lui consacrer chaque année plusieurs milliers d'euros en moyenne d'entretien.
Histoire de vous assommer d'entrée, sachez qu'il faut compter environ 1500
euros pour la révision standard intermédiaire (on parle toujours
d'entretiens selon les préconisation constructeur dans le réseau
officiel Ferrari et non chez des spécialistes). Mais tous les 4 ans ou
tous les 40000 km, il faudra songer à remplacer les courroies. Et là,
préparez votre banquier car il n'est pas rare d'atteindre les 7000 euros
! Alors juste histoire de vérifier si la Ferrari Mondial 8 convoitée
a été réellement entretenue comme il le faut, elle aura du
au moins connaître 4 remplacement de courroies si son kilométrage
est inférieur à 10000 km par an. Pour les grosses révisions
hors courroies (avec freins, refroidissement
) il faut penser à 4000
euros en moyenne. C'est bien là tout le problème des Ferrari Mondial
8. En trois remplacements de courroie, vous aurez dépensé largement
plus en entretien et réparation qu'en achat de l'auto ! Vous l'aurez compris
la recherche d'une Ferrari Mondial 8 doit se porter uniquement sur une auto avec
l'entretien réalisé selon les préconisation de Ferrari et
pas uniquement au coup par coup à chaque panne rencontrée. Tout
cela sans oublier le coût des pneus TRX toujours si chers et de plus en
plus difficiles à trouver
Posséder une Ferrari Mondial 8 doit
donc être réellement le fruit d'une passion bien entendu, mais également
d'une sorte de dévotion pour la marque de Maranello et être près
à tous les sacrifices. Le Cavallino Rampante est exigeant et fait payer
très cher sa légende, même pour les véhicules les moins
prisés de son histoire.
CHRONOLOGIE FERRARI MONDIAL
1980 : Présentation et commercialisation de la Ferrari Mondial
8. Moteur V8 de 214 ch central AR avec 2+2 places. Ligne signée Pininfarina.
1982 : Ferrari dévoile le nouveau moteur à 4 soupapes par cylindres.
La Ferrari Mondial en profite également et devient Ferrari Mondial Quattrovalvole.
240 ch et 240 km/h.
1983 : Ferrari présente et commercialise
une variante cabriolet de la Ferrari Mondial QV. Design toujours réalisé
par Pininfarina.
1985 : Nouveau moteur V8 3.2 monté dans la Ferrari
Mondial. Ce moteur équipe également les nouvelles Ferrari 328 GTB
et Ferrari 328 GTS. 270 ch et 250 km/h.
1989 : Changement de positionnement
moteur qui devient longitudinal central arrière et non plus transversal.
La boîte devient en revanche transversale et donne donc sa place en dénomination
à cette nouvelle Ferrari : Ferrari Mondial T. 300 ch et 270 km/h.
1993 : Arrêt de la production des Ferrari Mondial T coupé 2+2 et cabriolet
2+2.
PRODUCTION FERRARI MONDIAL
Mondial 8 (1980-1982) : 703 exemplaires
Mondial T Coupé : 840 exemplaires
Mondial T Cabriolet : 1010 exemplaires
:: CONCLUSION
La Ferrari Mondial 8 est en ce moment la bonne affaire chez Ferrari sur le marché
de la voiture de sport ancienne. Pétrie de charme et surtout auréolée
de l'image et la magie Ferrari, elle n'oublie cependant pas de faire payer très
cher le prix de son rang. Il faudra donc bien garder à l'esprit qu'une
Ferrari Mondial 8 vous demandera beaucoup plus d'égard et de budget à
vivre qu'à l'achat. Pourtant, il est vrai qu'à moins de 20000 euros
sur le marché, l'offre peut être tentante pour accéder au
mythe et accepter des performances quelconques et un châssis pointu à
la limite. Mais qui a dit que l'on pouvait associer passion et raison avec une
Ferrari ?... |