PEUGEOT 405 T16 (1993 - 1995)
QUAND SOCHAUX OSAIT ENCORE…
Difficile de croire qu’il y a moins de vingt ans, Peugeot proposait quelque chose telle que la 405 T16. Hormis le moteur suralimenté, c’est à peu près tout l’opposé de ce qu’ils tentent de nous vendre aujourd’hui. Ici, pas de 1.6 conçu en partenariat avec BMW, il s’agit d’une vraie mécanique bien de chez nous. Le système quatre roues motrices est un autre acte de bravoure que nous ne sommes pas près de revoir sur une voiture française. Alors, profitons de chaque instant en compagnie de cet OVNI…
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
Conscient des lacunes de sa berline sportive, la 405 Mi16, et probablement soucieux de son image, Peugeot réagit en 1993 avec une inédite version suralimentée à 4 roues motrices, nommée à juste titre 405 T16. Beaucoup moins artisanale que la 205 T16 conçue spécifiquement pour le groupe B, la 405 T16 n'est pas du tout destinée à l'homologation en compétition. Elle entend juste tirer mettre à profit des succès de Peugeot en Rallye raid renforcer l'image de la marque vers le haut de gamme. Sur la route, la Renault 21 turbo a trouvé son maître et la berline Peugeot peut même envisager de se frotter aux Audi 80 S2, Ford Sierra Cosworth 4x4, Opel Vectra Turbo 4x4, Alfa 155 Q4...
PRESENTATION
Présentée au Mondial de Paris de 1992, la Peugeot 405 T16 mis du temps à s’afficher en concessions. Ce n’est qu’en avril de l’année suivante que les premiers exemplaires furent livrés. Avant cela, quatre pré-séries sur base de Mi16x4 furent testées puis vendues. Deux ou trois sont toujours en circulation. Vendue 217.000 F, son prix de vente élevé ne releva pas les ventes des 405 sportives, déjà au plus bas avec la Mi16 catalysée. Entre 395 et 397 T16 furent vendues en France, pour un total de 1046 exemplaires dans le monde. De la Mi16 restylée, la 405 T16 récupère les bas de caisse et les boucliers avant et arrière. Les nouveautés se résument à l’adoption de jantes 16 pouces et d’un aileron redessiné, plus aérodynamique. Pour peu que vous décidiez de désigler votre jouet, il devient impossible pour les passants de savoir dans quoi vous roulez. Majoritairement produite en 1993 et 1994, il n’y eut que 80 T16 qui sortirent d’usine au cours de sa dernière année d’exploitation, en 1995…
HABITACLE
La française est aussi sobre vue de dedans que de dehors. Le sombre habitacle de la Peugeot 405 phase 2 fait très germanique et, bien que moins flatteur que sur ses prestigieuses concurrentes d’Outre-Rhin, il vieillit bien et ne souffre pas de critique particulière. L’instrumentation de la 405 T16 se distingue du reste de la gamme par l’indicateur de température d’huile mais il manque une mano de pression de turbo. L’équipement de la familiale Peugeot est complet et résolument haut de gamme avec la climatisation automatique, les quatre vitres teintées et les rétroviseurs électriques. Les options se résumaient au toit ouvrant électrique, à l’autoradio avec 6 haut-parleurs et aux sièges avant chauffants. Le millésime 95 était le premier à disposer d’un airbag. Si les sièges, le volant et le soufflet du levier de vitesse sont en cuir sur la T16, les assises, les dossiers, la banquette arrière et les panneaux de porte alternent avec l’alcantara. Supposés être des exclusivités propres à la 405 T16, cet intérieur et l’aileron firent également le bonheur des Mi16 Le Mans phase 2. C’est probablement le seul moyen que trouva Peugeot pour en écouler les stocks…
MOTEUR
Non, la Peugeot 405 T16 ne reprend pas le 1775 cm3 de la 205 Turbo 16. A la place, elle dispose de l’inédit XU10J4TEZ, de type RGZ, dont l’inscription est gravée au-dessus du carter d’huile et derrière le support moteur droit. Pour faire simple, il s’agit du 2L carré (XU10J4) issu de la Mi16 phase 2, auquel a été greffé un turbocompresseur à géométrie variable. On peut également voir dans ce bloc une filiation directe avec le 2.0 TCT vu sur XM, 605 et Xantia, à la différence près que si les cotes moteur sont identiques, le TCT se contentait d'une culasse à deux soupapes par cylindre. Le turbo Garrett VAT (ou TGV en français !) 25 est refroidi par eau et traduit une réelle technicité pour l’époque. La section de passage des gaz d’échappement varie grâce à une pièce mobile appelée langue, articulée sur axe, décrivant une courbe de 28° maximum. Sous 2.200 tr/min, la langue reste fermée tandis que au-delà, elle s’ouvre progressivement grâce à un vérin pneumatique commandé par une électrovalve, elle-même gérée par le calculateur. Ce phénomène permet de conserver un rendement maximal et le couple est disponible très tôt, tout en gardant la puissance maximale constante entre 5.000 et 6.500 tours. Le rupteur s’actionne quant à lui 500 tours plus loin. Le collecteur d’échappement, en fonte, relie la culasse au turbo. Le compresseur est placé côté admission. La partie centrale intégrant les passages d’eau et les paliers d’axe reste en fonte et le carter du compresseur en inox. Le carter de turbine et de wastegate est en acier inoxydable.
De 200 chevaux à 5.000 tr/min et 288 Nm dès 2.600 tours, la fonction overboost accroît la puissance à 220 ch et le couple progresse à 318 Nm, à seulement 2.400 tr/min ! Des valeurs qui permettent de nettement distancer l’ennemi de toujours, la R21 Turbo, en particulier une fois catalysée. L’overboost de la Peugeot, repris des 205 T16 et 405 T16 de compétition, dure 45 secondes au maximum. Pour qu’il fonctionne, la température de l’air dans l’admission ne doit pas dépasser 80°C. En outre, le calculateur bride le premier rapport, expliquant sans doute en partie le temps de 7 secondes pour passer de 0 à 100 km/h. Le turbo est monté avec un échangeur air/eau et le montage d’origine est prévu pour pouvoir accueillir une dump valve.
De nombreuses choses varient par rapport à son cousin atmosphérique mais commençons d’abord par ce qui ne change pas : la configuration à double arbre à came en tête et l’ordre d’allumage des cylindres 1-3-4-2. En revanche, la technologie ACAV (Admission à Caractéristique Acoustique Variable) n'est pas conservée. Enfin, le moteur est équipé d’un pot catalytique trifonctionnel et d’une sonde à oxygène. Les modifications débutent par le taux de compression abaissé, avec des pistons spécifiques. Ensuite, les tubulures d’admission sont elles aussi spécifiques à chacun des trois modèles Mi16, Mi16 II et T16. Le bloc moteur en fonte à parois minces dispose de fûts de cylindre intégrés et supporte un vilebrequin en acier à quatre contrepoids. Un dispositif de projection d’huile pour refroidir les fonds de piston est intégré dans la base de chaque fût de cylindre. Chaque bielle - toutes sont forgées - reçoit un axe bi-conique et flottant autorisant la lubrification du pied de bielle. Le bac à huile est pourvu d’un dispositif anti-déjaugeage constitué de deux cloisons verticales munies d’un clapet. Puis, au centre de la chambre de combustion se trouvent les puits de bougie avec une bobine par cylindre directement implantée sur chaque bougie. Raffinement indispensable, les soupapes d’échappement sont refroidies au sodium. L’injection est du type Magnetti-Marelli AP multipoints. L’injection séquentielle est phasée et l’allumage statique. L’allumage statique est valable depuis la Mi16 phase 2 alors que la phase 1 était encore équipée de têtes de delco. Le volant moteur possède une roue crantée reliée au calculateur et une glace d’embrayage pour supporter le couple élevé.
C’est ce couple qui explique la présence de la boîte ME5KX type 2HM01, venue tout droit de la 605 V6. Le seul moyen de la faire rentrer dans la 405 fut d’en raccourcir les arbres et le carter. A noter que les rapports allongés expliquent la puissance fiscale en diminution sur la 405 T16. La consommation est de l’ordre de 10L/100 km sur autoroute, en conduite stabilisée. Mieux vaut tabler sur quelques litres supplémentaires en conduite énervée. Les performances de la Peugeot 405 T16 sont à remettre dans le contexte de l’époque mais restent de bon niveau avec un 1.000 m départ arrêté achevé en 28 secondes et une vitesse de pointe de 235 km/h.
SUR LA ROUTE
Le monde a bien changé en 20 ans. Aujourd’hui, les rois du marketing nous promettent des sportives d’exception du moindre machin un tant soit peu puissant. En 1992, Peugeot fit tout l’inverse avec la 405 T16. Malgré un nom évocateur de compétition, la marque au lion ne voulait surtout pas la vendre comme une pure sportive. Il ne fallait pas y voir une version route, ou stradale comme diraient les italiens, du modèle engagé en Groupe B. La 405 T16 manie avec autant de brio l’art du compromis qu’elle se montre à l’aise sur le bitume. Une vraie Peugeot, dans le bon sens du terme. Le train avant de la 405 a été revu pour absorber les 85 kg de plus qu’il a à supporter. Pour cela, de nouveaux ressorts ont été implantés. Rien à redire, l’avant se place au doigt et à l’œil, tout en se montrant toujours aussi précis. Une légère tendance au sous-virage peut apparaître sur les petits enchaînements, en partie imputable à l’avant (sur)chargé et à la répartition du couple de 47% sur l’arrière.
En sortie de boîte et juste en arrière du moteur se trouve la boite de transfert intégrant les différentiels central et avant à trains épicycloïdaux et un viscocoupleur Ferguson monté en parallèle, qui contrôle le glissement et peut faire varier la répartition du couple de 0 à 100 % selon l'adhérence d'un essieu par rapport à l'autre. Par rapport à celle de la Mi16x4, la boîte TK2BR est renforcée, comme son nom l’indique. Quoiqu’il y ait matière à discussion… Le pont arrière - au sein duquel est implanté le différentiel Torsen - est suspendu et fixé au train arrière. Le différentiel avant est intégré au viscocoupleur. Peugeot a mis les petits plats dans les grands pour sa super routière, justifiant en grande partie le prix de vente élevé.
La suspension avant est de type MacPherson quand celle à l’arrière est à bras tirés. En outre, la barre anti-roulis arrière a été élargie d’un millimètre. Reprise de la 405 Mi16x4, la suspension arrière de la T16 est équipée d’une correction automatique d’assiette électrohydraulique temporisée, d’origine Citroën. Référence en matière de confort, le résultat est sans équivoque : la Peugeot 405 T16 est probablement ce qui se faisait de mieux dans le domaine. Presque trop car combiné au moteur plein partout, pour ne pas dire linéaire, les sensations en prennent nécessairement un coup. Le compteur affiche 130 km/h sans que l’on ne se rende compte de rien. Pour les plus téméraires, la 405 T16 conserve un talent au survirage, en dépit des corrections apportées à partir de la phase 2. Symbole de sécurité sur le sec et sur le mouillé, la lionne n’oublie pas ses gênes si l’envie s’en fait ressentir par le conducteur. Délaissée par les équipementiers, la monte 205/50 en 16 pouces vient d’être remise au goût du jour par Dunlop sur le Sport Maxx RT. Seule fausse note de cette 405 T16, le freinage d’origine manquant de mordant face au poids. Identiques à ceux de la 605, les quatre disques (ventilés à l’avant et pleins à l’arrière) ont respectivement un diamètre de 283 mm et 250 mm. Comme sur toutes les 405, deux sortes d’ABS se sont succédées. Jusqu’en 1994, c'est un ABR Bendix à un capteur par roue, remplacé ensuite par un ABS Bosch à 4 capteurs.
405 T16 GENDARMERIE
En 1995, la Gendarmerie Nationale commanda dix 405 T16 pour ses Brigades Routières d'Intervention (BRI). Outre la déco gendarmerie habituelle, elle se distingue des autres T16, par l’intérieur tissu de la Mi16 phase 2. Les 405 T16 ont été utilisées par la gendarmerie entre 1995 et 1998 puis remplacées par les 306 S16.
LA PEUGEOT 405 EN COMPETITION
La Peugeot 405 T16 succède directement à la 205 T16 de groupe B dont elle reprend la base technique. Après l'arrêt du groupe B, Peugeot se concentre sur le Rallye-Raid et aligne pour la première fois la 405 T16 au Paris-Dakar 1988. Les deux 405 sont confiées à Ari Vatanen et Henri Pescarolo. Vatanen prend la tête de la course dès le début, soit le 1er Janvier, pour ne plus la quitter jusqu'au 18. En effet, ce matin là, l'équipe PTS se rend compte que la 405 de Vatanen a été volée, dans le parc des véhicules, pendant la nuit. Sauvée par son dispositif d'alimentation en carburant assez astucieux, la 405 de Vatanen sera retrouvée dans une décharge voisine en panne d'essence. Malheureusement, Vatanen est mis hors-course pour dépassement de délai au pointage de départ. Malgré ce mauvais départ, ce sera la seule fois où elle ne remportera pas une course où elle a été engagée. Par la suite, Ari Vatanen imposera avec la 405 T16 une domination sans partage : les 4 rallye-raids suivant (Tunisie, Atlas, Pharaons et Baja Aragon) puis dans la mythique course de côte de Pikes Peak, aux Etats-Unis (à voir dans notre section Vidéos), un an après Rörhl et son Audi Quattro S1. L'année 89 débute comme la précédente, avec le Paris-Dakar et une lutte acharne entre Vatanen et Ickx Toutes les courses suivantes seront remportées par la 405, et encore une fois Pikes Peak. L'année 1990 sera la dernière pour le team Peugeot-Talbot Sport, avec encore une fois la victoire de Vatanen au Dakar...
ACHETER UNE PEUGEOT 405 T16
Parmi les points qui posent problème sur la Peugeot 405 T16, la boîte de transfert est celle qui fait le plus parler. Insuffisamment renforcée par Peugeot, c’est en conduite sportive que les faiblesses apparaissent. Cependant, des moyens existent pour la renforcer. Il arrive aussi que le différentiel central fatigue prématurément. Question mécanique, le moteur fait preuve d’une durée de vie remarquable. La plupart des exemplaires affiche de gros kilométrages. A partir de 150.000 km, les opérations courantes sont le remplacement du turbo et la réfection du collecteur d’échappement. Pas de jeu aux soupapes à faire puisque ce rôle est confié aux poussoirs hydrauliques. Concernant la distribution, elle est à faire tous les cinq ans ou 60.000 km. Attention, si le turbo à géométrie variable ne fonctionne pas correctement, des conflits avec l’alimentation sont à prévoir. Le mal le plus profond de la 405 T16 est l’absence de pièces détachées fournies par Peugeot. De nombreuses pièces ne se fabriquent plus et font qu’il n’est pas idiot de posséder une seconde voiture pour pièces. Ajoutez à cela le prix du moteur qui vaut presque à lui seul les 8.000 € d’un beau modèle et vous comprendrez pourquoi la Peugeot 405 T16 est une espèce en voie de disparition, condamnée à une mort lente sur la route ou à l'exposition statique dans les musées. Imparfaite mais attachante et pétrie de qualités, elle mérite pourtant largement d’être sauvée au titre de patrimoine national …
PRODUCTION PEUGEOT 405 T16
TOTAL (1992-1995) : 1046 exemplaires (+ 4 Mi16x4 de pré-série)
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
PEUGEOT 405 T16
MOTEURType : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes
Position : transversal AV
Alimentation : Gestion électronique intégrale injection Magnetti AP multipoint + Garrett VAT25 (1.0 bar) avec Overboost (1.3 bars) avec overboost et échangeur air/eau
Cylindrée (cm3) : 1998
Alésage x course (mm) : 86 x 86
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 200 de 5000 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 288 à 2600
TRANSMISSION
4x4 permanente (53% - 47%) avec Viscocoupleur (AV) + Torsen (AR)
Boîte de vitesses (rapports) : Manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar : disques ventilés (283) / disques pleins (250)
Pneus Av-Ar : 205/50 VR 16
POIDS
Données constructeur (kg) : 1340
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,7
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 235
400 m DA : 15"
1000 m DA : 28"
0 à 100 km/h : 7"
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 km) : 11,8
PRIX NEUF (1994) : 217.000 FF
COTE (2012) : 8.000 €
PUISSANCE FISCALE : 9 CV
CONCLUSION
:-) Moteur impressionnant Performances "suffisantes" Motricité par tout temps Joueuse à la demande Confort Collector abordable |
:-( Sensations aseptisées Freinage d’origine Fiabilité moyenne Entretien Disponibilité des pièces |
Dès le début, Peugeot avait prévenu tout le monde. La 405 T16 n’est pas une pure sportive mais une excellente routière. Faite pour emmener la famille à haute vitesse, dans un confort royal et en toute sécurité, la 405 T16 est une réussite en la matière. La fragilité de certains de ses éléments a tué sa carrière et fait que les exemplaires ne se négocient pas encore très cher en occasion, en attendant des jours meilleurs. Son fabuleux moteur témoigne d’un savoir-faire français dont nous devrions être fiers, même s’il est vrai qu’il aurait mérité un écrin plus sportif…
Merci à Stéphane du site 405t16.free.fr pour l’essai de sa superbe 405 T16.