TOYOTA SUPRA GR 2.0 (2020 - )
Pragmatisme
Après une première année de commercialisation comme modèle unique, la Toyota GR Supra ajoute une corde à son arc en adoptant un moteur 4 cylindres tout particulièrement destiné à l'Europe et ses lourdes taxes. Intéressant sur le papier, ce modèle "downsizé" est-il pour autant à la hauteur du mythe Supra ?
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
Déjà critiquée par les puristes pour ses origines munichoises, la Toyota Supra Mk5, rebaptisée GR Supra, ne craint pas d'affronter une seconde vague de critiques en adoptant un petit 4 cylindres turbo. Blasphème ! A première vue seulement. Car lorsqu'on remet dans son contexte la proposition de Toyota, elle n'est de toute évidence pas si scandaleuse. En effet, vaut-il mieux se satisfaire d'un 4 cylindres turbo ou simplement regarder passer en photo les nouveaux petits coupés, à l'image des Nissan 400Z ou de la nouvelle Subaru BRZ qui boycottent la vieille Europe ?
Par ailleurs, en plus d’être un atout commercial supplémentaire, ce moteur plus léger de 100 kg promet d'améliorer les caractéristiques dynamiques et l’équilibre du châssis. Sa production a débuté en février et les premiers clients Français ont été livrés cet été. Confinement oblige, il ne nous a été possible d'en prendre le volant qu'à la rentrée mais en cette période de vaches maigres, autant vous dire que nous n'avons pas boudé ce plaisir...
PRESENTATION
Si vous avez déjà lu notre essai de la GR Supra 3.0L, vous n'aurez pas grand chose de nouveau à découvrir dans ce chapitre. Sur le plan du look, l'objectif des designers était de réaliser pour la nouvelel Supra un « condensé d’extrême ». Partageant la plateforme assez compacte du Z4, la base se prêtait donc plutôt bien à l'exercice mais il fallait concilier ce faible encombrement avec un style aussi spectaculaire que celui du concept FT-1, nettement plus long. Extérieurement, les seuls éléments qui distinguent la GR Supra 2.0 litres de la 3.0 litres sont les roues de 18” en série et la sortie d’échappement chromée de 90 mm de diamètre, qui remplace l’embout de 100 mm en inox brossé.
Il en résulte qu'avec son look de mini-supercar, la Supra fait sensation dans le monde réel. On peut toutefois regretter que pour en arriver là, il faille en passer par de nombreux éléments totalement factices. Les multiples grilles et ouvertures sur les ailes sont parfaitement inutiles, soit. Mais on ne peut pas dire que le coupé Toyota laisse indifférent, de surcroit avec la présentation spécifique de l'Edition limitée "Fuji Speedway" qui habille notre modèle d'essai (voir encadré).
Édition limitée Fuji Speedway
Au lancement, la nouvelle GR Supra 2.0 litres est proposée dans une édition limitée exclusive baptisée Fuji Speedway. Elle se distingue par une carrosserie spécifique blanc métallisé qui tranche sur le noir mat des jantes en alliage forgé de 19" et le rouge des coques des rétroviseurs. La planche de bord est équipée d’inserts en fibre de carbone et la sellerie Alcantara est aux couleurs de TOYOTA GAZOO Racing, rouge et noir. Côté dotation, la version Fuji Speedway bénéficie, en plus des équipements de série de la finition entrée de gamme, du différentiel actif, de la suspension variable adaptative et des gros freins. Spécialement créée pour le lancement de la version 2.0 litres, cette édition sera produite à 200 exemplaires pour l'Europe dont seulement 20 pour la France.
HABITACLE
L'habitacle de la Supra partage beaucoup d'éléments avec son cousin germain. Si pour certains c'est un manque de personnalité regrettable, il faut au moins reconnaître à l'ensemble les qualités de ses origines, à savoir une finition soignée et une ergonomie parfaitement étudiée. La sobriété de la planche de bord est par ailleurs assez reposante et, n'étant pas fan des designs torturés typiquement japonais, l'ensemble se montre assez reposant visuellement. L'Edition Fuji ajoute une touche de couleur bienvenue par le biais d'un habillage partiel en cuir rouge.
Les sièges eux font appel à l'Alcantara et au cuir avec un dessin type baquet évoquant l'univers de la compétition. On y est effectivement très bien installé et le réglage électrique est un véritable plus pour la position de conduite même si cela implique un surpoids. Le contrôle de la direction est assuré par un petit volant gainé de cuir, dont l’épaisseur offre une prise en main idéale. Il est équipé de palettes tandis que les commandes du système audio, du téléphone mains libres et du régulateur de vitesse intégrées directement sur les branches minimise le déplacement des mains.
La nouvelle GR Supra 2.0 litres reçoit de série un écran tactile 8,8”, ainsi qu'une sécurité active très complète qui regroupe le système de pré-collision avec freinage, la détection des piétons et cyclistes avec freinage, l’aide au maintien dans la file avec correcteur de trajectoire, la lecture des panneaux de signalisation et le limiteur de régime intelligent. Le système de navigation ainsi que des services connectés dédiés sont également de série. La finition Fuji Speedway (ou le pack Premium) améliore le tout avec des inserts en fibre de carbone, une sonorisation JBL haut de gamme de 425 W à 12 haut-parleurs (au lieu du système 100 W à 4 haut-parleurs de base), un affichage tête haute, un chargeur de smartphone par induction, une sellerie en cuir et Alcantara, ainsi que des sièges électriques à mémoire.
MOTEUR
Le groupe motopropulseur de la GR Supra 2.0 est exactement le même que celui présent sur le Z4 sDrive30i de BMW. La base étant là, il aurait été dommage de se priver d'une telle alternative ne demandant à Toyota aucun investissement supplémentaire. Les technologies employées ici ne sont pas fondamentalement inédites - turbo twinscroll, injection directe, double calage variable continu, levée variable des soupapes - mais elles prouvent une nouvelle fois la parfaite maîtrise du sujet. Répondant aux dernières normes en vigueur et conçu sur la même base modulaire que le 6 en ligne, ce 2.0 turbo moderne développe 258 ch et un couple de 400 Nm disponible sur une plage de régimes étonnamment large : de 1 550 à 4 000 tr/min. Les puristes feront remarquer que c'est 70 ch et 40 Nm de moins que ce qu'offrait, d'origine, le mythique 2JZ-GTE.
Au chronomètre, l'écart est pourtant bien moins flatteur pour la légende. Avec son poids inférieur et sa boîte automatique à 8 rapports redoutablement efficace, la nouvelle Supra se tape l'ancienne sur l'exercice du 0 à 100 km/h. Un coup dur aux préjugés... Par ailleurs, la souplesse du moteur, sa réactivité et sa poussée franche et linéaire font facilement oublier qu'il ne s'agit "que" d'un petit 4 cylindres turbo, peu poussé en terme de rendement.
C'est vrai, on aurait aimé un caractère sportif plus affirmé dans les tours ainsi qu'une sonorité d'échappement plus débridée. Mais la nippo-bavaroise sort son joker avec une consommation qui n'a pas dépassé les 10L sur notre essai. Il faudrait donc une sérieuse dose de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que les motoristes Toyota auraient difficilement pu mieux concilier agrément, performances et sobriété.
SUR LA ROUTE
Toyota met en avant sa volonté de développer un modèle compact et parfaitement équilibré. Les dimensions idéales de la Supra seraient même déterminées par un savant calcul - le rapport entre la longueur d’empattement et la largeur de voie doit idéalement être compris entre 1,5 et 1,6 - visent à privilégier la maniabilité et la tenue de route. En réalité, comme chacun sait, pour concevoir la nouvelle GR Supra, Toyota n'est pas exactement parti d'une feuille blanche. L'expérience de BMW avec ses petits Roadsters (et leurs dérivés Coupés dont le constructeur ne voulait plus) avait déjà fixé les grandes lignes d'un projet sur lequel Toyota n'aurait plus qu'à apposer une carrosserie et peaufiner les réglages de trains roulants. Cette base sans laquelle le développement d'un nouveau modèle n'aurait sans doute pas pu se faire dans des conditions de rentabilité acceptables pour les deux parties a bien évidemment été déterminante. On peut tenter d'occulter ce choix totalement pragmatique derrière un rideau de marketing mais c'est avant tout une opportunité industrielle qui a donné naissance à la Supra.
Alors on ne s'étonne pas trop de retrouver au volant du coupé nippon, des sensations assez familières avec la longue lignée de la série Z, du Z3 au Z4 E89. La position de conduite basse et reculée juste devant l'essieu arrière, la répartition des masses excellente, pour ne pas dire parfaite dans le cas de la version 2.0 qui profite de son moteur plus léger pour ressortir de la pesée avec 50% de ses 1385 kg sur chaque essieu. Cela étant, Toyota a réalisé ses propres réglages et mises au point pour l'amortissement notamment. Que ce soit l'amortissement classique ou la suspension variable adaptative - comprise dans le Pack Premium (de série sur l'Edition Fuji) - , l'ensemble a été recalibré en tenant compte de la différence de poids. Force est d'admettre que la suspension pilotée réussit l'exploit de rendre la conduite aussi dynamique que confortable. C'est presque aussi remarquable qu'à bord de l'Alpine A110S pourtant très avantagée par son faible poids. Le compromis trouvé sur chacun des modes se montre très convaincant et le mode Sport ajoute au durcissement de l'amortissement celui de la direction et une réponse plus vive de l’accélérateur et de la boîte auto. Ceci s'accompagne d'une note d’échappement moins discrète... mais encore beaucoup trop sage pour un mode Sport. Enfin, le différentiel optionnel à glissement limité (voir encadré plus bas), ici de série, s’adapte lui aussi pour optimiser l’efficacité en virage. Le mode Traction du contrôle de stabilité du véhicule permet justement d'en profiter en autorisant un certain degré de patinage.
DIFFERENTIEL ACTIF
Avec le Pack Premium optionnel, un différentiel actif se substitue au différentiel ouvert d’origine. Capable d’opérer à l’accélération comme à la décélération, il module le verrouillage de 0 à 100 % avec une réponse instantanée. Un boîtier électronique dédié observe un ensemble de paramètres – les sollicitations de la direction, de l’accélérateur et des freins, le régime moteur, la vitesse des roues et l’angle de lacet – afin d’actionner le différentiel en conséquence. Selon la situation, le système répartit en souplesse le couple moteur entre les roues gauche et droite. En conditions limites d’adhérence, ce différentiel présente d’énormes avantages : une meilleure stabilité au freinage, une tenue de route optimale tout au long du virage ainsi qu’une adhérence maximale à l’accélération en sortie de virage. En mode Sport, ce fonctionnement s’adapte et optimise la prise de virage à vitesse élevée, notamment sur circuit.
Le "pack sport" fournit sur l'Edition Fuji inclus également les gros freins de la Supra 3.0 (disques de 348 et 345 mm au lieu de 330, étriers fixes 4 pistons au lieu de monopiston flottant), impliquant par la même occasion une monte pneumatique en 19". Autant dire qu'on en a sous la pédale du milieu. D'ailleurs, il y en a aussi bien assez avec la pédale de droite pour se faire plaisir, n'en déplaise aux adeptes du "toujours plus puissant". Malgré son assistance électrique, la direction à assistance variable ne nuit pas trop au plaisir de conduire de cette Supra des temps nouveaux.
ACHETER UNE TOYOTA GR SUPRA 2.0
Aussi agréable à rouler comme "daily driver" qu'en attaquant sur une petite route sinueuse, la Supra 2.0 est une GT miniature qui ne démérite pas face à ses rivales. Bien que le segment soit en forte contraction, on pense notamment à la Porsche 718 Cayman 2.0 ou encore l'Audi TTS. Même notre coupé Alpine tricolore n'offre finalement pas un ensemble beaucoup plus enthousiasmant, si ce n'est sur le plan des performances pures. Face au chronomètre, la japonaise aura bien du mal en effet à tenir le rythme sure quelques tours de circuit. Mais est-ce vraiment l'essentiel ?
Le tarif de la Toyota GR Supra Fuji Spedway Edition démarre à 58 900 €. C'est actuellement la seule finition proposée en France et à ce prix, il n'y a quasiment aucune option à rajouter, l'équipement de série étant particulièrement riche. Avec ses 171 g/km de CO2 en cycle WLTP, le malus écologique est encore acceptable (environ 3000 € en 2021), ce qui laisse supposer que cette version devrait rester au catalogue encore un moment. Ce ne sera pas le cas de toutes les sportives. Si vous êtes tentés à la suite la lecture de cet essai, nous ne saurions vous dire autre chose que de ne pas trop attendre pour programmer un rendez-vous avec votre concessionnaire...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
TOYOTA SUPRA GR 2.0
MOTEUR
Type : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes à calage et levée variable
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + turbo twinscroll avec échangeur
Cylindrée (cm3) : 1998
Alésage x course (mm) : 82 x 94,6
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 258 de 5000 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 400 de 1550 à 4400
TRANSMISSION
AR + autobloquant avec Torque Vectoring (PTV)
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (348), étriers fixes 4 pistons - disques ventilés (345), étriers flottants 1 piston
Pneus Av-Ar : 255/35 ZR 19 96Y - 275/35 ZR 19 100Y (Fuji Speedway)
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1395
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 5.4
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 250
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 5"2
0 - 200 km/h :
CONSOMMATION
Cycle mixte WLTP (L/100 km) : 7.5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 9
CO2 (g/km) : 171
PRIX NEUF (12/2020) : 58 900 €
PUISSANCE FISCALE : 15 CV
CONCLUSION
A ceux qui voient en cette "bâtarde" Toyota Supra 2.0 un outrage à la tradition, nous conseillons d'essayer avant de juger. Car dans un contexte particulièrement mortifère pour la race des petits coupés sportifs, il faut encore se réjouir de l'existence d'une telle voiture qui, à défaut d'offrir des sensations extraordinaires, brille par son homogénéité et son agrément général.
Design "spectaculaire"
Finition soignée
Equipement très complet
Ensemble moteur/boîte agréable, performant et sobre
Comportement équilibré
Confort
Détails de style factices
Sonorité trop feutrée
Trop BMW ?