LA
GTI "SOFT"
Si aujourd'hui chez Renault
le monogramme "16v" identifie la moins puissante des Clio (1.2 16v)
il n'en a pas toujours été ainsi. Fervent défenseur des petites
sportives populaires, le constructeur au losange s'est fait fort par le passé
de proposer une gamme complète de déclinaisons sportives chapeautée
par la bouillante Clio Renault Sport. Dans l'ombre de celle-ci, on trouvait alors
dans la hiérarchie la petite 16V, non dénuée de qualités...
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
L'histoire des petites sportives populaires à
la régie des usines Renault ne date pas d'hier. Des 4CV et Dauphines préparée
par Gordini en passant par la mythique R8 Gordini,
et de la R12 gordini à la dernière Clio RS en passant par les R5
Alpine et Supercing GT Turbo, les exemples ne manquent
pas. En marge des ces versions de pointe, on peut également noter bon nombre
de modèles qui jouaient sur une plus grande polyvalence entre sportive
et citadine telles que les R5 TS/TX puis la Supercinq
GTX. La sortie de la Clio en 1990 va même pousser le phénomène
à son apogée puisque qu'on aura eu crescendo dans la gamme la Clio
S, la RSI, la 16s et la Williams ! Pour des performances et des tarifs
bien différents, l'amateur de voitures à tendance sportive avait
donc de quoi satisfaire sa passion. La sortie de la Clio 2 en 1998 s'opère
dans un tout autre contexte puisque l'époque glorieuse des "GTI"
a bel et bien connu une sérieuse récession sous les coups de boutoir
de la répression routière et de l'évolution des moeurs. Néanmoins,
les passionnés d'automobile, nombreux au sein de Renault, confortent les
as du marketing qu'il existe encore bel et bien une clientèle à
la recherche de petites voitures performantes. Les goûts de la clientèle
et ses attentes ayant évolué, il convient cependant de lier désormais
à la performance une plus grande homogénéité et un
plus grand confort. La Clio 16v se positionne donc comme l'héritière
de la précédente RSi, avant dernier palier entre le sport incarné
par la Clio RS et le reste de la gamme de la citadine à succès de
Renault.
DESIGN
Qui ne connaît pas la Clio ? Vous en conviendrez,
comme toute citadine française, il n'est pas une rue ni un quartier où
l'on ne trouve un exemplaire de ces voitures vendues par millions. Une large diffusion
de laquelle naît forcément une banalisation, voir un rejet pour certains.
Avec ses lignes rondouillardes et sa "bonne bouille" directement héritée
de la Renault 5, la Clio 2 s'oppose au design plus
agressif de sa rivale de Sochaux, la 206. Elle modernise néanmoins les
lignes qui ont fait le succès de sa devancière, visuellement plus
frêle et anguleuse. La Clio 2 restera d'ailleurs, par alternance avec la
206, le best-seller incontesté de son créneau jusqu'à mi-carrière.
Le restylage de 2001 viendra apporter une importante mutation à la petite
Renault dont le dessin sans doute trop typique des années 90 s'est essoufflé
plus vite que celui de la lionne au niveau des ventes. Malgré tout, comme
c'est souvent le cas, le dessin de la première version se montre cohérent
dans son ensemble, et le style global conserve un certain charme à défaut
d'être brillante en matière d'aérodynamique (Cx de 0,35).
La version 16V fait son apparition au catalogue en février 1999. Elle inaugure
un nouveau moteur 1.6 16v fraîchement introduit dans la gamme Renault et
jusqu'à la sortie de la tumultueuse Clio Renault Sport en 2000, la 16v
fera office de version sportive, juste au-dessus de la Si avec le 1.6 90ch. Pour
se donner un minimum de crédibilité et se différencier un
peu de la Clio de monsieur ou madame Toulemonde (pas simple !), la petite Renault
adopte donc de nouveaux phares avant à double optique et des jantes en
alliage léger au dessin spécifique, ainsi qu'un béquet de
hayon plus important. Les plus fins observateurs noteront aussi un léger
abaissement de la caisse. Autre particularité de ce modèle, totalement
invisible à l'oeil nu celui-là : son capot avant... en aluminium
! Une attention particulière destinée à gagner quelques kilos et faire bonne impression sur la clientèle sortive...
Mais bon, quoiqu'il en soit, le survêtement est peu tape à l'oeil,
certainement même trop timide pour les amateurs de petites bombinettes.
Néanmoins, il correspond bien à l'esprit de cette petite sportive
qui joue la carte de la GTI soft. Fini les stickers, les liserets
rouges, les ailerons et le fast des 80's ! La Clio 2 est en accord
avec son époque : sobre. Ce look spécifique, la Clio 16V (rebaptisée "16V Sport" en cours d'année 2000) le conservera
d'ailleurs intact jusqu'au lancement de la Clio 2 phase 2 en juin 2001.
HABITACLE
Intérieurement, Miss Clio se montre accueillante et la 16v se distingue
peu des autres modèles. Les sièges en velours au confort douillet
vous invitent au voyage. D'un dessin plus enveloppant que celui des autres Clio
ces "baquets" maintiennent plutôt bien. La 16v se démarque
aussi par sa planche de bord en plastique bleu sombre, avec des rappels de cette
teinte sur les moquettes, les sièges, les contre-portes, le levier de vitesses
et le volant en cuir. Le volant, parlons-en justement. C'est à notre avis
la plus grosse faute d'ergonomie à souligner. Trop horizontal il se prête
mal à une conduite sportive et oblige à tendre les bras ce qui est
assez vite fatiguant. Pour les autres petites erreurs nous souligneront le manque
de rangements, surprenant à bord d'une "voiture à vivre"
! Pas même un petit logement pour poser le téléphone portable...
La présentation n'est pas des plus séduisantes mais la finition
et les matériaux employés sont corrects dans cette catégorie.
Les 133000 km et 7 ans de notre modèle d'essai confirment le bon vieillissement
de l'ensemble malgré quelques discrets bruits de mobilier ça et
là. Côté instrumentation, la Clio 16v aura connu deux blocs
de compteurs. Sur fond bleu avec compte-tours en "demi-lune" au départ,
puis ronds à fond blanc après juillet 1999. Ces derniers offrent
la meilleure lisibilité mais sont d'un graphisme peu recherché.
Côté équipements de confort et de sécurité en
revanche Renault a chassé ses vieux démons et offre vitres électriques,
direction assistée, radioCD avec commande au volant (K7 avant janvier 2000),
le double airbag (latéraux en option) et même la climatisation avec
le pare-brise athermique. Cette petite Clio justifie le slogan publicitaire de
la génération précédente : "elle a tout d'une
grande" ! Et effectivement, cette petite citadine sportivo-bourgeoise offre
tout le confort d'une automobile moderne, sans pour autant être envahie
de gadgets à l'électronique parfois capricieuse. Au début de l'année 2000, la dotation de série de la "16V Sport" se voit enrichie par un autoradio CD et une sellerie mi-cuir, mi-tissu, et ce sans répercussion sur le prix. En 2001, les airbags latéraux viennent s'y ajouter.
MOTEUR
Destiné à équiper de nombreux modèles de la marque,
le moteur de la Renault Clio 16v est le 1.6 16 soupapes "K4M", évolution du 1.6
90 ch dont la philosophie n'est pas spécialement sportive. Développant
modestement 110 chevaux au régime de 5750 tr/mn, ce petit "16s" se distingue
surtout des valeurs de couple appréciables, 148 Nm à 3750 tr/mn,
et une souplesse rare sur ce type de configuration avec 90% du couple maxi disponible de 2500 à 5500 tr/mn. Elastique et rond comme un
bon vieux 8 soupapes, le 1.6 16v de la Clio évolue avec aisance de 1500
à 6000 tr/mn. Bien rempli, il n'explose pas passé le cap des 4000
tr/mn, comme c'est courant avec les multi-soupapes, mais se montre au contraire très linéaire. Du coup, on peut le trouver avare
en caractère contrairement au bouillonnant
1.6 16s des Citroën Saxo VTS/Peugeot
106 S16. Le 0 à 100 km/h effectué en un peu plus de 9 secondes
confirme d'ailleurs cette impression. En revanche, si on la confronte à
la 206 XS 1.6 16v, le duel tourne à
l'avantage du losange. Incitant assez peu à la pousser jusqu'à la zone
rouge, cette mécanique offre cependant des reprises étonnantes. Vif et nerveux
dès les bas régimes, le 1.6 16v Renault s'avère rapidement plus efficace que démonstratif. Les reprises sont équivalentes
à celles de l'ancienne Clio 1.8 RSI qui faisait elle-même jeu égal
avec la Clio 16S, soit 8 et 12" pour reprendre de 80 à 120 km/h en 4ème
et 5ème. C'est tout à fait comparable à ce qu'offrent les
petites bombes de PSA, plus fortes d'une bonne dizaine de chevaux et plus légères
de quelques kilos ou à ce qu'offrait en son temps une 205 GTI 1.6. Car
à l'image de la mythique Sochalienne, la bonne idée de Renault c'est
d'avoir couplé ce moteur à une boîte courte bien étagée
qui privilégie les reprises à la vitesse de pointe (191 km/h). Contrairement
à la Peugeot, cette boîte est également précise et
agréable à manier, on peste seulement contre la première
trop courte et qui demande un arrêt complet pour repasser, sauf à
l'aide d'un double débrayage. D'autre part le poids de Miss Clio n'est
pas démesuré : 995 Kg à vide sur les premiers modèles, compte-tenu de l'équipement
présent, c'est raisonnable. On regrettera cependant la sonorité plutôt quelconque
de cette mécanique, très discrète sauf sur autoroute. En revanche, la bonne surprise
vient de la consommation qui est bien maîtrisée. Vous pourrez rester
proche de 7,5 L/100 km, moyenne réalisée sur les 1000 km de notre
essai, soit une autonomie de 600 km environ avec le réservoir de
50L.
COMPORTEMENT
Au-delà des doutes
émis concernant la sportivité de notre petite Clio en raison de
son moteur trop sage d'apparence, il ne fait aucun doute que les ingénieurs ont fait
un véritable effort sur la partie châssis. Parfaitement homogène
et neutre, la Renault Clio 16V devient redoutable d'efficacité et d'équilibre
lorsqu'on la conduit dynamiquement. Elle dévoile alors ses véritables
prédispositions sportives. Et pourtant, ses petites jantes de 14 pouces
chaussées de pneus en 185/60 semblent plutôt désuètes
aujourd'hui. Une 205 GTI 1.6 possédait la même monte il y a 20 ans...
Fournie de surcroit à l'origine en pneus verts Michelin Energy, elle ne
pouvait prétendre impressionner les essayeurs de l'époque qui louaient
pourtant par ailleurs son équilibre remarquable. Ce petit défaut
pouvant aisément être corrigé, il faut reconnaître que
la Clio démontre un vrai potentiel sportif avec de bonnes chaussures de
sport. Sa direction à assistance hydraulique, d'ailleurs remplacée
sur la phase 2 par une électrique bien moins convaincante, s'avère
plus directe que celle des autres Clio. Cet atout et sa suspension raffermie et
légèrement abaissée (-15 mm) ainsi qu'une raideur augmentée des fixations élastiques des trains et une nouvelle définition de la flexibilité des barres de torsion avant/arrière, permettent de la placer facilement
là où l'on veut, avec juste un léger sous-virage. Certes, le train avant
n'a pas le mordant de celui d'une 206 mais l'arrière suit le mouvement
sans broncher et sans jamais décrocher brutalement, ce qui se montre moins
"fun" en conduite sportive mais plus rassurant en cas d'urgence. A l'extrême,
on pourra toutefois jouer un peu avec lui, sur des transferts de masses bien appuyés,
mais on est loin du caractère survireur d'une Saxo VTS. La motricité
n'est que très difficilement mise en défaut, ce qui accroît
l'envie de bousculer cette petite bourgeoise dévergondée dès
que la route tourne. On en vient rapidement à regretter qu'il n'y ait pas une
poignée de chevaux en plus dans les tours tant le plaisir de conduite en serait
décuplé. Bonne freineuse, mais peu armée pour un effort d'endurance notamment
à cause de ses tambours, la Clio 1.6 16V préfèrera sans doute une conduite
"rapide" que véritablement sportive et intensive, sur une journée
de circuit par exemple. Loin de ses ancêtres en matière de confort
de suspension, malgré quelques légères trépidations un peu sèches sur les
petites irrégularités, la Clio 16v n'est pas du genre bout de bois. Agréable,
même sur long trajet, la Clio 1.6 16v "sport" est une vraie fausse
"GTI" qui subtilise à la rugosité de ses ainées, la douceur et la modernité, tout
en conservant l'efficacité et les performances au détriment des sensations pures.
ACHETER
UNE RENAULT CLIO (2) 1.6 16V
Commercialisée
de 1999 à 2001 et remplacée par la Clio 2 phase 2 1.6 16V Dynamique, la Renault
Clio 16V n'est pas vraiment rare en occasion mais elle n'est pas non plus très
courante. Les sportifs lui auront préféré la RS et les autres,
les versions plus bourgeoises dotées du même moteur : RXT et Initiale.
D'autre part, pour moins de 90000 FF de l'époque, les petites bombes de
PSA offraient un bien meilleur rapport prix/performances. La Clio 16V vendue 1000
euros de plus ne pouvait qu'offrir une plus grande habitabilité et un meilleur
équipement pour justifier son tarif, des arguments secondaires pour la
cible des acheteurs de petites sportives. 7 ans plus tard, la tendance s'est inversée
et la Renault Clio est devenue bien meilleur marché que ses rivales qui
misent sur leurs performances plus aguicheuses pour afficher des cours élevés,
et souvent injustifiés. La cote de la Clio 16V tourne autour des 4000 euros
pour un modèle de 99 comme le nôtre affichant en général
au moins 120000 km, ce qui en fait un modèle très attractif pour
qui cherche à s'offrir une première petite voiture au tempérament
sportif. L'autre atout de la petite française est sa fiabilité générale
sans anicroche. Le principal problème rencontré concerne les bobines
d'allumage de marque Sagem, montées au début de l'année 2000
et qui touchent tous les moteurs 1.6 16v de Renault. S'usant prématurément
ces bobines entraînent un ralenti instable et des difficultés à
démarrer. On note aussi un vieillissement fréquent des roulements
de roues avant 150000 kms. pour le reste, pas de mauvaise surprise à craindre
: carrosserie bien traitée contre la corrosion, habitacle et sellerie de
bon niveau, organes mécaniques endurants et peu coûteux, la petite
Renault ne demande qu'un budget d'entretien réduit, y compris pour son
assurance n'étant pas classée comme une authentique sportive. Elle
ne vous coutera également "que" 7 chevaux fiscaux au moment de
faire la carte grise, ce n'est jamais désagréable de payer moins...
En clair, si vous recherchez une petite voiture économique et confortable
au quotidien, mais suffisament vivante pour se faire un peu plaisir, cette Renault
Clio 16V est assurément une alternative intéressante et raisonnable,
qui malheureusement n'existe plus dans la gamme Clio III en raison de la prise
de poids.
:: CONCLUSION
Ni simple citadine, ni sportive pure et dure, la Renault Clio 16V
joue à fond la carte de l'homogénéité et de la polyvalence.
La Clio 1.6 16V offre des performances satisfaisantes, un confort correct, une
efficacité et une facilité de conduite bien agréables au quotidien avec juste
la dose minimum de piment pour la rendre sympathique. On regrettera simplement un
moteur peu démonstratif dans le haut du compte-tours, ce qui aurait pu faire d'elle une
petite GTI idéale. Proposée à des tarifs attractifs et raisonnable
à l'usage, c'est assurément un bon plan pour démarrer dans
l'univers des voitures de sport. |