DAILY
DRIVER ?
Ferrari se porte bien et entend explorer toutes les niches
de marché qui s'offrent à elle. S'il n'est pas question pour l'instant
d'une berline quatre portes, l'idée d'une Ferrari utilisable tous les jours,
capable de jouer les caméléons avec les caprices du temps a fait
son chemin. Après tout, une frange de clients est prête à
rouler (comprenez dépenser) en Ferrari tous les jours sans pour autant
accepter une réduction de leur confort et luxe quotidien. La Ferrari California
répond clairement à cette attente et à Maranello rien n'a
été laissé au hasard pour cette nouvelle diva du bitume...
Texte : Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
"California".
Voilà un patronyme qui évoque le soleil et le luxe. Mais à Maranello, il évoque surtout une série de
cabriolets basés sur les Ferrari 250 GT châssis
long dans un premier temps (LWB) puis châssis court ensuite (SWB) qui fera
date dans la généalogie du cheval cabré.
Pour l'anecdote, les plus érudits se souviennent que l'existence de la
California des années 50-60 est à l'initiative de Luigi Chinetti,
le dynamique imiportateur Ferrari pour les USA. Pendant un an, il va militer auprès
d'Enzo Ferrari pour que la décision soit prise de développer une
version roadster de la 250 GT. A cette époque, John Van Neumann, le concessionnaire
Ferrari de Los Angeles, avait évoqué cette idée à
l'importateur italo-américain, assez agacé de voir ses clients les
plus aisés se complaire en Aston Martin ou en Jaguar. Faute de capacités de productions
suffisantes, Enzo Ferrari va donc faire au plus pressé
et baser son roadster sur la 250 GT " châssis long " (BPL : Berlinetta
Passo Lungo). Cette dernière est avant tout une véritable voiture
de course qui va écumer les compétitions pendant plusieurs années.
Victorieuse dans la " classique " Tour de France, elle recevra d'ailleurs
souvent ce surnom de 250 GT Tour de France. Les (riches) clients américains,
et spécialement californiens, auront donc l'immense plaisir de rouler dans
une véritable voiture de compétition, presque prête à
courir (quelques engagements par le NART le prouvent comme leur 5e place au 24
Heures du Mans 1959), mais habillée avec élégance et raffinement
par la paire Pininfarina (design) et Scaglietti (formage au marteau !). La California cru 2008 n'est
pas du tout dans cet esprit, car si elle s'adresse toujours à une clientèle
aisée, elle demeure plus consensuelle, plus abordable et n'est pas du tout
dérivée d'une voiture de course. On l'imagine mal en effet aujourd'hui
aller chercher une improbable 5e place dans l'impitoyable course mancelle. Autres
temps
Désormais c'est le marketing qui dicte sa loi et la stratégie.
Ferrari s'est en effet aperçu, surtout après le succès des Mercedes SL et Bentley
Continental GT qu'il existait une demande très forte des clients (fortunés)
pour des GT sportives mais conciliantes pour un usage quotidien, soucieux de leur
image et esthète des belles carrosseries et blasons, capable de dépenser
autour de 200 000 euros de budget. Ainsi est parti le projet California...
DESIGN
Le
duo Ferrari-Pinfarina s'est lancé dans une gageure
de laquelle ils sont sortis avec les honneurs. Bien que la mode soit aux "CC",
il faut avouer qu'à de rares exceptions près, ces coupés-cabriolets
sont soit démunis de véritables coffres (Cadillac
XLR, Lexus SC430), soit adopte un arrière
train imposant et disgrâcieux. Quel que soit l'angle adopté, la California
offre finalement une ligne très harmonieuse et équilibrée.
Le toit en place la transforme en véritable coupé isolant, tandis
que découvert, on retrouve des tics stylistiques déjà vu
sur des roadsters comme le Mercedes SL, une
référence en la matière. Autre point de satisfaction, le
dessin du museau réussi et rappelant celui des 550
Maranello. Pas si évident de prime abord pourtant de réussir
à habiller un V8 longitudinal en position avant. La Maserati GranTurismo
semble plus maladroite sur ce sujet. Ce qui frappe le plus finalement après
quelques instants d'observation, c'est que la ligne de caisse est assez haute,
nécessaire pour l'intégration du toit replié. Pour alléger
le dessin de la poupe, les stylistes ont joué de tous les artifices possibles à commencer par un diffuseur arrière et des sorties d'échappement
superposées comme on l'a déjà vu sur la Lexus IS-F. Preuve
des dimensions imposante de la California, les jantes 19 pouces 5 branches ne
semblent pas si grosses et dévoilent très largement les freins en
carbone céramique. Le travail des aérodynamicien de Maranello a
porté ses fruits puisque après un gros travail sur l'ajustage des
joints a permis d'enregistrer un Cx de 0,32. Le pli de carrosserie latéral
semble en revanche un peu torturé et peu coutumier des habitudes de la
maison. Mais finalement la plus grande révolution concerne l'habitacle.
Vous êtes un habitué de l'ascète F430 Scuderia ? Avec sa finition
sommaire et peu en rapport avec son tarif ? Alors oubliez tout ici, car pour la
California, rien n'a été trop beau. S'inspirant du style de la 599
GTB Fiorano, un soin tout particulier a été apporté à
l'assemblage, la finition et la qualité des garnitures. Ainsi, la planche
de bord adopte une forme douce en demi-lune partagée en son centre par
une console centrale qui regroupe l'ensemble multi-media, et dans sa partie basse
le combiné qui gère toute la climatisation. Le volant trois branches
frappé du Cavallino Rampante accueille à
gauche le bouton "start" pour démarrer le V8, et à sa
droite un Manettino simplifié qui est également utilisé par
la 612 Scaglietti.
HABITACLE
L'habitacle regorge de nombreux détails qui égaient
l'atmosphère ambiante et contribuent à donner une touche chic comme
la platine alu de la console centrale qui regroupe les commandes de la boîte
de vitesse robotisée ainsi que les vitres électriques et le toit
repliable (électriquement). C'est Ferrari qui met à profit son savoir-faire
pour cette riche présentation en allant plus loin que d'habitude. On notera
donc des passages d'Airbags prédécoupés mais invisibles à
l'il ce qui est une première à Maranello. Les sièges
baquets avant sont très enveloppants et étudiés pour marier
confort et maintien, tandis que les deux places arrière, même s'ils
elles reçoivent des ceintures de sécurité, ne peuvent réellement
servir que de places d'appoints. Sur la partie droite de la planche de bord au-dessus
de la boîte à gants, un petit monogramme stylisé " California
" parachève une présentation chic et soignée. Le temps
des Ferrari des années 80 semble bien loin
Chic d'accord, mais une
Ferrari se doit d'être sportive et c'est avec soulagement que l'on découvre
les palettes de commandes de la boîte de vitesse derrière le volant
ainsi que le gros compte-tours central gradué jusqu'à 10 000 tr/mn
et le tachymètre à sa droite annonçant fièrement 340
km/h sur sa dernière graduation. A gauche l'ordinateur de bord multi-fonctions
se charge de confirmer l'entrée de Ferrari dans le monde moderne de l'électronique
embarquée.
MANETTINO
SIMPLIFIE
Sur
le volant, le Manettino simplifié de la Ferrari
612 Scaglietti (depuis 2007) a été repris. Seulement 3 positions
sont donc possibles pour offrir le maximum de plaisir et de sécurité.
> WET : Aides totales activées.
> DST Off : antipatinage débranché
mais contrôle de trajectoire actif
>Sport : Plus roulage dynamique
route
MOTEUR
C'est une première sur une Ferrari de tourisme,
puisque la California inaugure un V8 placé longitudinalement à
l'avant ! Seule les V12 avaient eut le droit jusqu'à présent à
cet honneur. Repousser la mécanique sous le capot avant a été
à la fois dicté par le concept de coupé-cabriolet qui requiers
un minimum de place pour loger le toit une fois empilé à l'arrière,
mais aussi pour ménager un coffre digne de ce nom afin d'être armé
face à la concurrence en Grand Tourisme. Avec sa boîte toujours sur
l'essieu arrière, la California adopte le système transaxle déjà
vu dans d'autres modèles de la marque, mais aussi à la concurrence
(toutes les Porsche à moteur avant : 924, 944, 968 et 928, mais aussi sur les Alfa
Romeo Alfetta GT/GTV). Cela permet d'équilibrer au mieux les masses
avec une répartition 47% sur l'avant et 53% sur l'arrière. Si la
cylindrée est presque identique à celle de la F430 (4 308 cm3),
son alésage et sa course sont différents (92 x 81 mm) pour offrir
un caractère bien différent et plus en phase avec sa future clientèle.
Et s'il est tentant d'imaginer que ce V8 est le même que celui de la Maserati
GranTurismo (qui n'a pas en revanche la même cylindrée), la simple
donnée du calage du vilebrequin à 180° sur la California et
90° sur la Maserati illustre la différence
de caractère mécanique. Pour la Ferrari, les motoristes ont privilégié
le couple avec 465 Nm de couple à 5 250 tr/mn. La puissance fait aussi
les frais de cette volonté de donner plus de civilité à bas
régime puisqu'elle est obtenue 1 000 tr/mn plus bas que sur la F430 et
se limite à 460 ch contre 490 ch sur la berlinette "standard"
(510 ch sur la F430 Scuderia). Autre nouveauté propre à la California,
et en première chez Ferrari, l'emploi de l'injection directe d'essence.
Ce parti-pris technique permet en outre d'améliorer les émissions
polluantes, devenu un souci croissant dans l'opinion. L'empreinte sonore de la
California est différente de celle des F430 à
commencer par les réglages différents mais aussi des lignes d'échappement
plus longues puisque le moteur est positionné devant. A noter que Ferrari
est conscient des nouveaux enjeux écologiques et des normes restrictives
puisque le V8 de la California émet 310 gr de CO2 par km contre 500 à
la 599 Fiorano à titre de comparaison. Un argument pas neutre dans l'état
qui a donné son nom à cette Ferrari et qui est dirigé par
l'ancien acteur Arnold Schwarzeneeger. Après avoir fait confiance à
ses boîtes F1 robotisées, les ingénieurs de Maranello explore
de nouvelles voies pour la firme avec une boîte à double embrayage.
La raison de ce changement de cap singeant ainsi VAG et sa boîte DSG, ainsi
que Porsche depuis 2008 et sa boîte PDK pour ses 911
type 997 faceliftées, est l'amélioration de la douceur de fonctionnement
notamment en mode automatique. Les boîtes robotisées F1 étaient
jusqu'ici louées en mode manuel, mais pas exempt de tout reproche en mode
automatique. Avec son double embrayage et ses trois arbres, cette nouvelle boîte
développée par Ferrari conjointement avec Getrag, permet ainsi de
ne pas avoir de rupture de charge lors des changements de rapports (60 millisecondes
sur la boîte F1 de la Scuderia qui est la
plus rapide en ce domaine). La seule chute enregistrée sur le compte-tours
entre deux rapports est celle exigée par la démultiplication du
rapport engagé. Cette nouvelle boîte de vitesses à 7 rapports
(sur le dernier rapport est atteint la vitesse maximale de l'ordre de 300 km/h)
est capable d'encaisser jusqu'à 56,1 mkg de couple. Les performances annoncées
par Maranello sont de l'ordre de 300 km/h en vitesse maxi et un 0 à 100
km/h en moins de 4 secondes. Et pour les sportifs qui s'attendraient à
une Ferrari "d'opérette", il se murmure que sur la piste de Fiorano
la California tournerait plus vite que la 360 Modena. Pas mal pour un compromis
sport/luxe !...
CHASSIS
Côté
tenue de route, on attend la California au tournant ! Va-t-elle faire honneur
aux productions de Maranello ? Si l'on s'en tient à la théorie pure,
elle se dote de sacrés atouts pour réussir son pari. A commencer
par une répartition des masses idéale de 47% sur l'avant et 53%
sur l'arrière. Un résultat à applaudir des deux mains considérant
que cette nouvelle Ferrari est dotée d'un moteur avant. Ses 1 735 kilos
peuvent agacer, mais finalement, c'est certes 200 kilos de plus qu'une F430 Scuderia,
mais c'est dans la norme de la catéhorie et moins lourd que des GT plus
cossues comme la 612 Scaglietti ou la Bentley Continental GT. Comme sur toutes
ses surs contemporaines frappées du Cavallino Rampante le châssis
est une structure en aluminium, pour obtenir un ratio légèreté/rigidité/coût
proche de l'idéal. Mais là encore, la California se démarque de
ses surs avec son châssis alu qui est coulé sous pression d'une
part, et d'autre part le tunnel central et d'autres pièces qui sont collés
et non plus soudés. Le coffre et l'habitacle communiquent ce qui ne s'était
pas fait encore jusqu'ici chez Ferrari, impliquant un gros travail de rigidité
structurelle, tout comme le fait qu'elle soit découverte. Le toit CC et
son mécanisme sont en alu pour pouvoir limiter le poids non seulement,
mais surtout ne pénaliser le centre de gravité. Le résultat
de ces éléments est un poids inférieur à une capote
classique et son moteur. Dotée de suspensions triangulées la California
repose sur des jantes de 19 pouces chaussées de Pirelli PZero Rosso en
245/40 R19 à l'avant et 285/40 R19 à l'arrière. Les freins
en carbone céramique de série largement dimensionnés imposent
le respect et rassurent sur la génétique sportive de l'auto. Les
disques sont pincés par des étriers Brembo fixes à 6 pistons.
Le contrôle de traction F1-Track déjà vu sur d'autres Ferrari
est de la partie pour permettre au conducteur de se faire plaisir en toute sécurité.
Du Manettino simplifié il peut d'ailleurs modifier ses réglages.
Quelques autres équipements de sécurité comme l'ABS sont
également montés de série. A noter qu'en mode "Confort"
la California devient très tolérante pour vos vertèbres,
mais une fois les bons réglages (comprenez "sport") en place,
elle devient vite une GT sportive fidèle àla tradition maison. Pas
un comportement incisif et agressif, mais en revanche, les grandes courbes et
les performances ne lui font pas peur ! Et avec ses freins en carbone céramique,
les sorties circuit ne lui feront pas peur...
::
CONCLUSION
Quelle audace de la part de Ferrari ! Après avoir
pris en compte la California dans sa globalité, on perçoit plus
distinctement toute la volonté de modernité de Ferrari affichée
dans sa première "CC". Désormais, il existe un vrai trait-d'union
entre les (lourdes) GT comme la Scaglietti et la F430. Toute nouvelle, toute belle
ou presque (les goûts et les couleurs), la California est certainement une
synthèse parfaitement aboutie et maitrisée de la GT moderne qui
sait tout faire. Ménager les compromis, ou l'art des paradoxes ? Pas loin,
mais sachez tout de même pour les sceptiques sur ses prétentions
sportives que c'est Michael Schumacher lui-même qui a donné ses conseils
avisés pour la mise au point châssis. Un gage de réussite
?...
CE
QU'EN PENSENT NOS CONFRERES :
"Côté comportement, le
résultat n'est pas aussi probant que sur la F430 dont l'architecture de
berlinette permet de survoler la concurrence avec un dynamisme indécent.
Mais pour une GT à moteur avant, la California s'en tire avec les honneurs.
Les ingénieurs de Ferrari, pour qui la répartition du poids entre
les essieux est capitale, sont parvenus à délester le train avant
au maximum, au bénéfice de l'agilité. Avec 47% sur l'essieu
avant et 53% sur l'essieu arrière, les réactions de la California
rappellent la 599 GTB. On retrouve donc tout l'équilibre des grandes divas
de Modène. Avec, entre autres, une tenue de cap impériale à
haute vitesse. La suspension pilotée optionnelle SCM, qui reprend aussi
le principe de la Fiorano, permet deux lois d'amortissement : Confort, qui autorise
trop de mouvement de caisse et Sport, qui corrige un peu le tir."
Sport
Auto - Novembre 2008 - Ferrari California - Laurent Chevalier. |