MASERATI GRANCABRIO Sport (2011 - )
LA MELODIE DU BONHEUR
Actuel best-seller de Maserati, la GranCabrio évolue. Elle bénéficie de la sortie récente de la MC Stradale pour en récupérer des éléments d’ordre esthétique et mécanique. La philosophie de ce cabriolet quatre places est inédite dans l’histoire du trident et sonne le glas de la tradition du Spyder. Non sans aucun regret...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
Après la GranSport, après la GranTurismo, il y eut la GranCabrio. Ce premier vrai cabriolet quatre places de l’histoire de Maserati prend la place du Spyder, disparu des chaînes d’assemblage depuis plusieurs années. Difficile de se faire à l’idée qu’aucun Spyder ne soit plus produit tant ces modèles, à la diffusion certes modeste, étaient emblématiques. Il va falloir s’y faire, désormais intégré à Ferrari, c’est en politique globale que les dirigeants raisonnent. N’ayant pas de grand cabriolet dans le groupe Fiat, c’est donc à Maserati qu’il a été confié cette mission. Avec les Ferrari California et 458 Italia Spider, Alfa Romeo 8C Spider et maintenant Maserati GranCabrio Sport, le voilà bien armé…
PRESENTATION
Si vous connaissez la GranTurismo, vous n’aurez pas de mal à reconnaître la GranCabrio. Les proportions sont exactement les mêmes, et avec presque 4,90 mètres de long, elle porte bien son nom de grand cabriolet. Cet avant parfaitement impressionnant de squale a été repris du coupé et, pas de doute, quand on voit arriver la bête dans son rétroviseur, l'effet est immédiat ! Les deux yeux entourent la grande bouche où se loge le trident, ici garni de rouge. Rouge, ou plus exactement Rosso Trionfale, qui est une des nouvelles couleurs inédites de la version Grancabrio Sport, inspirée de la couleur de la 250F, victorieuse en 1957 avec Fangio. Nous avons dû nous contenter d’un blanc moins original pour notre essai, mais plus facile à prendre en photo, aux dires des spécialistes. Une autre différence vient des échappements, où les deux doubles sorties ont été remplacées par deux larges échappements rectangulaires. A priori, cette solution est plus due à la technique qu’à l’esthétique, nouvelle ligne oblige.
En option – comme sur le nôtre – il est possible d’opter pour le kit MC Sport Line, également disponible sur la GranTurismo S. Les ressemblances avec la GranTurismo MC Stradale sont alors frappantes, le cabriolet faisant le plein de carbone. Lame à l’avant, rétroviseurs, jupes latérales et échappements, ces petits détails renforcent le côté sportif de l’italienne. Voilà une option qui mérite d’être choisie, assurant en plus une meilleure revente. Deux nouvelles séries de jantes de 20 pouces font leur apparition : les Astro design, entièrement nouvelles, existent en deux nuances : silver et grigio antracite. Les jantes Neptune, noires, font elles partie du pack de personnalisation déjà cité.
HABITACLE
Pas dépaysés à l’extérieur, nous ne le sommes pas non plus à l’intérieur du cabriolet Maserati. La qualité de fabrication est globalement très bonne, sans pour autant être parfaite. Dans notre exemplaire qui reçoit les deux packs carbone disponibles en option, on peut regretter une certaine austérité dûe à la prédominance de couleurs sombres. Carbone rajouté sur l’entourage du volant multifonctions, le tableau de bord, la planche de bord, la console centrale et les palettes au volant. Le pédalier aluminium siglé du logo MC est une autre option, au même titre que les sorties auxiliaires audio, le système Hi-fi Bose, et, plus gênant, le Windstop. Option obligatoire sur un cabriolet quatre places, à moins d’avoir une dent contre vos passagers arrière. Le cuir Poltrona Frau est disponible en deux coloris, Bianco Pregiato et Grigio Chrono tandis que les sièges reçoivent le garnissage central M-Design. En réalité, tout est plus ou moins personnalisable en allant fouiller dans les multiples possibilités offerts par les packs MC Sport Line.
MOTEUR
On appelle cela un acte manqué. Persuadé que la GranCabrio Sport récupérait la boîte MC Race Shift de la GranTurismo MC Stradale, c’est le matin même de l’essai que j’ai réalisé que la grancabrio Sport n’était en réalité disponible qu’en boîte automatique. La déception est grande et affiche clairement les intentions de la marque italienne : plaire au marché américain. Marché il est vrai historiquement important pour Maserati. De là à ne pas laisser le choix au client, cela semble injuste… On se console en se remémorant les gargarismes du V8 de la MC Stradale, puisque c’est exactement le même moteur qui se retrouve en position centrale avant de la GCS. Evolution du bloc de la GranTurismo S et de la GranCabrio, ce 4.7 d’origine Ferrari, monté en avant-première sur l’Alfa Romeo 8C-Competizione, a été retravaillé pour diminuer les frottements. Le revêtement DLC (Diamond-Like Coating) sur les poussoirs et sur les bossages des arbres à cames bénéficie aussi à la consommation. Au passage, on relève une hausse significative du couple et, à un degré moindre, un gain de puissance.
Le principal est ailleurs. Dès le démarrage, l’émotion est à son comble. L’échappement spécifique du modèle Sport, repris de la Quattroporte GTS est une tuerie absolue. Patrie de l’opéra, l’Italie est connue pour ses voitures chantantes et on en a ici la meilleure illustration possible. Bien que la GCS soit moins sonore que la Stradale en mode MC-Race, le vacarme file la tremblote. Véritable drogue, la sonorité caverneuse vous hantera à jamais. Le « vrai » V8 Ferrari de la 458 Italia paraît bien fade à côté… Pas besoin de rouler décapoté pour profiter du concerto, la capote étant travaillée de sorte à laisser filtrer les sons de l’échappement.
Mais la boîte dans tout ça ? Faut pas rêver, elle n’atteint pas les qualités de la boîte robotisée Ferrari, surtout qu’on parle de celle « piquée » aux F430 Scuderia et Spider 16M ( !!! ) mais malgré tout, la ZF n’est pas mauvaise. Je craignais une Aston Martin Rapide bis et pas du tout. La gestion de la boîte a été totalement revue pour en améliorer la réactivité. En mode Sport du moins. Palettes en main, le double débrayage, simulé automatiquement à chaque rétrogradage, est synonyme de coup de canon. Imparable, il ne manque que les secousses de la boîte F1 et les rétrogradages à la volée qui allaient avec. En mode normal, le bilan est moins flatteur. Que ce soit d’un point de vue sonore qu’au niveau de la rapidité des changements de rapport, le caractère sismique du V8 est gommé. Si vous avez peur d’avoir du mal à gérer la fougue du V8 sur le mouillé ou sur la neige, le mode Ice est fait pour vous. Dans tous les cas, se priver d’un tel tempérament relève du crime de lèse majesté. Résultat, interdiction de virer le mode Sport ! Véritable pousse-au-crime, il est impossible d’adopter une conduite coulée et raisonnable.
Ajoutez à cela une importante prise de poids par rapport au coupé GranTurismo et vous obtenez un essai à 20 litres aux 100 km. En étant sage, les 15L sont jouables. Mais où est le plaisir ?
SUR LA ROUTE
Par rapport à la GranTurismo S, la Maserati GranCabrio S accuse un sévère embonpoint de 200 kg ! C’est pour cela que la GranCabrio n’a jamais été vendu avec le V8 4.2 de la GranTurismo mais directement avec le 4.7 de la S. Jusque là, vous suivez ? Si l’on retourne jusqu’au Spyder 4200, la différence grimpe même à 250 kg ! L’autre différence majeure est le retour à un empattement identique entre le cabriolet et le coupé d’un même modèle, alors que la tradition chez Maserati avait toujours voulu que les Spyders aient un empattement court, favorisant la sportivité. Un peu trop parfois, ceci ayant causé quelques frayeurs, voire carrément des accidents, pour les conducteurs manquant d’humilité. Ici, le problème ne se pose plus, le cabrio reprenant au millimètre près les mensurations du coupé. Le vrai Spyder est chez Alfa Romeo et s’appelle 8C. Quand on sait que c’est une Maserati et non une Alfa dans sa conception, cela n’a finalement rien d’étonnant…
Quittons le monde des Spyders et revenons à notre terrain de jeux du moment. Bien que le Grancabrio Sport ait l’air d’une copie conforme de la Granturismo, on note quelques différences. La répartition des masses ne varie pas, avec toujours 51% répartie sur l’essieu arrière, du fait du montage de la boîte en opposition au moteur. Ce qui frappe en premier est la direction, sur-assistée, pour ne pas dire floue en manoeuvres. A mesure que la vitesse augmente, et que le mode Sport est activé, elle se durcit mais rien n’y fait on ne retrouve pas la direction plus communicative de la MC Stradale. Là encore, la clientèle visée n’est pas la même et il y a fort à parier que le Grancabrio sera dans de nombreux foyers la voiture de Madame…
Du coup, le caractère en lui-même de la voiture évolue aussi. La Granturismo est très joueuse, dès lors que les assistances sont désactivées, ou ne serait-ce que retardées, comme nous l’avions remarqué au travers du mode MC-Race. Les deux tonnes du cabriolet conducteur et passager inclus ont ici un avantage, celui de tasser la voiture et de la rendre moins sujette à des dérives de l’arrière. Les survirages relevés sur le coupé laissent ici place à une conduite plus paisible et moins risquée. Il faut croire que les 510 Nm ont trouvé plus fort qu’eux ! Cela se ressent également dans les relances, en particulier si l’on se met à vouloir rouler au couple en 5ème. On ne tergiverse pas, on rétrograde et c’est parti. L’exercice du 0 à 100 km/h est d’ailleurs tout à fait moyen pour 450 ch. Il nécessite 5,2 secondes, soit un temps comparable à l’Aston Martin Rapide, de poids et puissance équivalents. D’où viennent exactement les 200 kg de différence entre les deux modèles ? Des renforts nécessaires à l’augmentation de la rigidité, qui progresse de 20% par rapport à la Grancabrio 440 chevaux qui avait justement été critiquée pour son manque de rigidité. Il semble que Maserati ait écouté les avis des journalistes.
L’amortissement progresse, la suspension Skyhook est modifiée et reçoit de nouveaux amortisseurs en aluminium. Moins typée confort que précédemment, les aspirations de la route sont malgré tout parfaitement gommées, sans que la prise de roulis n’augmente. Ainsi, le conducteur ne ressent plus qu’une seule chose : le plaisir de conduire. Histoire de se montrer tatillon, rappelons que la Granturismo MC Stradale avait supprimé le Skyhook, pour des raisons de coût et de poids, tout en proposant des réglages spécifiques. Réglages qui nous avaient bluffé d’efficacité, tant le compromis confort/sportivité était excellent. Et ce, malgré les sièges baquets, eux aussi excellents, en plus d’être légers… Bien évidemment, le poids a ici une autre incidence néfaste. Pour améliorer le freinage de son cabriolet, Maserati n’est pas allé chercher bien loin puisqu’ils ont repris le système de freinage Brembo de la Quattroporte GTS, elle aussi loin d’être fluette. On est malgré tout pas parfaitement rassuré par l’efficacité et l’autonomie dont pourrait faire preuve le freinage sur une route montagneuse. En revanche, le phénomène de louvoiement a entièrement disparu.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MASERATI GRANCABRIO Sport
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Gestion électronique intégrale, admission variable continue
Cylindrée (cm3) : 4691
Alésage x course (mm) : 94 x 84,5
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 450 à 7100
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 510 à 4750
TRANSMISSION
AR + Autobloquant asymétrique (25 % en traction, 45 % en détente)
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (ZF 6HP26) avec MC Auto Shift (6)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés rainurés percés (360) étriers fixes 6 pistons - (330) étriers fixes 4 pistons
Pneus Av-Ar : 245/35 - 285/35 ZR 20
POIDS
Données constructeur (kg) : 1887
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,2
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 285
1000 m DA : ND
0 à 100 km/h : 5"2
CONSOMMATION
Moyenne normalisée (L/100 Km) : 14,5
Moyenne de l'essai (L/100 Km) : 20
CO2 (g/km) : 337
PRIX NEUF (11/2011) : 140.848 €
PUISSANCE FISCALE : 37 CV
CONCLUSION
:-) Moteur de la MC Stradale Sonorité bestiale ! Design réussi Kit MC Sport Line Comportement routier sain Confort Quatre vraies places… |
:-( …mais moins amusant que le Spyder 4.2 Pas de boîte F1 Pas de perte de poids Freinage Manque de rangements |
La Maserati Grancabrio Sport est loin d’être parfaite. Trop lourde, affublée d'une boîte auto imposée, elle se révèle moins amusante à mener que les Spyder d’antan. Pourtant, à peine démarré, tous ces défauts s’éclipsent au profit d’une mécanique hypnotique. Si bien qu’au moment de rendre les clés, les larmes ne sont pas loin. Qui a dit que les hommes ne pleuraient jamais ?