L'HISTOIRE ALFA ROMEO
Alfa Romeo fête en cette année 2010 ses 100 ans d’existence. Grâce à un passé sportif fort, cette marque a marqué de son empreinte l’histoire de l’automobile. Tous ceux ayant eu une Alfa en leur possession vous diront qu’il ne s’agit pas d’une voiture comme les autres. Ce centenaire est l’occasion de retracer l’histoire tourmentée de ce constructeur italien et pourquoi pas, de se projeter vers l’avenir…
Texte
: Maxime JOLY - Photos : D.R.
En tant qu’amoureux de belles italiennes, il ne nous était pas concevable de passer sous silence les 100 ans de ce constructeur emblématique qu'est Alfa Romeo. Ce fut l’occasion de faire des rencontres intéressantes, aussi bien automobiles qu’humaines. En effet, le parcours d’Alfa Romeo, semé d’embûches, est un sujet de discussion qui déchaîne les passions…
UNE GENESE FRANCAISE
Bien que ce soit à Milan, le 24 juin 1910, que la société A.L.F.A. « Anonima Lombarda Fabbrica Automobili » fut constituée, on ne peut laisser de côté la « Societa Italiana Automobili Darracq », du nom de son créateur, Alexandre Darracq. Ce français aux multiples casquettes fit construire une usine ultra-moderne en périphérie de Milan pour assurer le développement de sa société automobile. Le succès ne fut pas au rendez-vous et la faillite permit à un groupe d’industriels de récupérer le flambeau. C’est le Directeur Général d’A.L.F.A., Ugo Stella, qui impulsa une nouvelle dynamique concrétisée par la 24 HP, premier modèle ALFA. Elle aura une petite carrière dans la compétition automobile, preuve d’un désir de proposer des véhicules au tempérament sportif. En 1911, c’est un autre modèle, la 15 HP qui devient réalité mais la marque a du mal à percer si bien qu’en 1915, la Banca Di Sconto confie la gestion de la société à l'ingénieur Nicola Romeo. C’est ainsi qu’ALFA devint Alfa Romeo… L’histoire du logo a toujours pris une place importante lorsqu’il est question d’Alfa Romeo. A gauche, on retrouve la croix rouge de l’étendard, symabole de la ville de Milan et à droite, l’emblême de la famille Visconti, le Biscione. Le logo ne connut que peu d’évolutions (cinq au total et à chaque fois minime), derrière lesquelles se cachent à chaque fois une explication cohérente. Nous reviendrons en détail sur chacune d’entre elles…
L'APRES-GUERRE
Après la première guerre mondiale durant laquelle Alfa Romeo se consacra aux commandes gouvernementales, la production automobile devait reprendre. C’est en 1920 que sort le premier modèle badgé Alfa Romeo : la 20-30 HP Torpedo (comprendre cabriolet). Le dessin est signé Giuseppe Merosi et se négociait à un tarif prohibitif (35 000 lires) faisant de cette Torpedo une automobile très haut de gamme, produite à 124 exemplaires. A partir de 1921, la G1 vit le jour sous l’égide de Giuseppe Merosi et connut une belle carrière commerciale avec plus de 2000 modèles vendus au travers des différentes versions sorties, regroupées sous l’appellation RL. Elles disposaient d’un gros six cylindres en ligne et d’une déclinaison course plus connue sous le nom de RLTF. Plusieurs pilotes se succédèrent à son volant, dont un certain Enzo Ferrari… Simultanément se créa le département sportif de la marque : l’Alfa Romeo Racing. Le Quadrifoglio Verde (trèfle à quatre feuilles) fit son apparition après la victoire d’Ugo Sivocci à la Targa Florio en 1923. Ce symbole restera sur tous les véhicules de course et finira même par devenir une gamme à part entière pour les modèles sportifs de la marque. D’ailleurs, nous aurons très prochainement l’occasion d’essayer l’un des derniers en date… Alors qu’en 1925 Alfa Romeo présente la 6C 1500, la P2 lancée l’année précédente est la première Alfa Romeo à être équipée d’un huit cylindres fait maison. C’est aussi le premier moteur à disposer d’une suralimentation, solution mise en œuvre par Vittorio Jano. L’année 1925 fut aussi l’année choisie par le constructeur milanais pour modifier son logo en y ajoutant une couronne de lauriers pour rappeler les victoires ses victoires en course. Un an plus tard, Merosi donna sa démission tandis que trois ans plus tard fut créée la Scuderia Ferrari qui n’est pour le moment qu’une simple branche d’Alfa Romeo. En 1929, la 6C devient 1750, un nom et une cylindrée qui restera mythique pour tout alfiste… Avec la 2300 de 1935, Alfa deviendra même le premier constructeur européen à adopter des suspensions indépendantes. Avant cela, il y eut la 8C dont le nom provenait de son moteur atypique : un huit cylindres suralimenté (en réalité constitué de deux 4 cylindres) en ligne à double arbre à came en tête et culasse hémisphérique. Elle est reconnaissable à son très long capot (la faute au moteur !) et connut plusieurs évolutions. D’abord en 1931 avec une cylindrée de 2336 cm3 avant de grimper à 2905 cm3 sur la 2900. L’IRI (Istituto per la Ricostruzione Industriale) créée par le gouvernement italien en 1933 saisit Alfa Romeo. Les nouvelles têtes pensantes délèguent à la Scuderia Ferrari la totalité de l’aspect compétition, sous la direction d’Enzo. Le cheval cabré remplace le trèfle comme symbole de Ferrari. En 1938, Alfa Romeo retourna dans la compétition avec des monoplaces d’exception telles que la Tipo 158 Alfetta pilotée par Juan Manuel Fangio ou encore la 316 équipée d’un V16 (assemblage de deux moteurs de la 158) capable d’atteindre les 300 km/h. A cause de la Seconde Guerre Mondiale, ce projet ainsi que d’autres furent mis entre parenthèses.
LA PERIODE FASTE
Il aura fallu attendre 1950 pour qu’Alfa Romeo lance un nouveau modèle et pas n’importe lequel. Il s’agit de la berline 1900 présentée en octobre et motorisée par un quatre cylindres, parfaitement dans l’esprit de la firme transalpine. Parmi les révolutions techniques employées, on retrouve le remplacement du châssis par une coque autoportante. Une nouvelle déclinaison allait sortir des cartons en 1952, la 1900 TI. Encore deux lettres importantes dans l’histoire d’Alfa et toujours disponibles sur les modèles actuels, tels que la 159. L’autre figure emblématique du constructeur italien à voir le jour dans les années 50 est la Giulietta. Présentée au salon de Turin en 1954, elle figure encore aujourd’hui parmi les chouchous des fans d’Alfa Romeo (ce qui est loin d’être le cas de la deuxième Giulietta…). Elle connut de nombreuses variantes dont le sublime et indémodable Spider. Alfa semblait à l’époque présent sur tous les fronts et gagna les deux premiers titres du Championnat du Monde de Formule 1, en 1950 et 51, avant de se retirer pendant une dizaine d’années. Alfa Romeo devient le second constructeur italien grâce à la Giulietta qui dépasse les 100 000 ventes et à sa remplaçante, la Giulia, autre modèle phare de la marque et une nouvelle fois à la pointe de technologie avec entre autres la cellule de l’habitacle indéformable. Le Spider Duetto ou la Giulia Sprint GT (ou Coupé Bertone) sont d’autres déclinaisons mythiques de cette Giulia parmi lesquelles nous pouvons citer le 1750 GT Veloce, oeuvre majeure dans l’histoire d’Alfa Romeo. Simultanément à la Giulia, la toute nouvelle usine d’Arese sort de terre, au nom pour le moins évocateur… Le 4 mars 1963 est créée la société Auto Delta qui marque les ambitions d’un retour en compétition automobile d’Alfa Romeo, qui a alors les moyens de ses ambitions. Ils obtiennent la signature de Carlo Chiti. Son plus gros résultat sera sans doute la Tipo 33 et son V8 en position centrale arrière, dont une version 33 Stradale d’anthologie sera commercialisée. De ce V8 naîtra un autre modèle, la Montreal, présentée à l’exposition universelle de Montreal de 1967 et qui malheureusement ne connaîtra pas le succès qu’elle aurait méritée. Elle figure désormais en bonne place au panthéon de l’automobile italienne et pour avoir eu la chance de la côtoyer une après-midi entière, on comprend pourquoi… Le début des années 70 marque un revirement dans la philosophie d’Alfa Romeo avec l’Alfasud qui doit son nom à sa production faite dans l’usine construite à Naples. A sa présentation, elle fit grincer des dents. Pourquoi ? D’abord à cause de son image d’Alfa économique et ensuite parce que l’adoption d’une transmission aux roues avant (traction) et l’architecture moteur, quatre cylindres à plat, sont des premières pour Alfa Romeo. Pourtant ce boxer ne démérite pas mais il a le tort d’évoque pour les alfistes le choix opéré par Lancia sur la Flavia. Ils ne seront pas au bout de leurs déceptions… Pour tempérer les avis négatifs, le succès de la Sud est colossal puisqu’elle s’écoulera à plus d’un million d’exemplaires. Le logo change une dernière fois avec la disparition de l’inscription Milano. L’Alfetta, d’abord sortie en berline puis en coupé Alfetta GTV, est un autre hit du constructeur. Elle inaugurera également une nouvelle finition, le Quadrifoglio Oro. Emblématique le GTV ? Bien plus que ça… Pas question de sacrifier le plaisir sur l’autel des coûts de production, ce TGV homologué est une pure machine à sensations comme Alfa Romeo a eu l’habitude de le faire, en particulier dans la version GTV6, équipée du V6 2.5. Une sorte de pied de nez au contexte mondial peu favorable à ce genre d’exubérance. Il sera même réalisé pour le marché allemand une version ultime, étrennant le V8 de la Montreal. Attention, ce collector est limité à 20 exemplaires seulement. En 1979 sort la 6, censée faire oublier la Giulietta II (dont la reprise du nom fut une vaste escroquerie) et prendre la relève de la 2600, afin de concurrencer les berlines très haut de gamme étrangères. Cette année-là, Alfa Romeo fait son retour officiel en Formule 1. En 1983, l'Alfa 33 fait son apparition au catalogue avant d’y rester plus de dix ans. Si une bonne partie du châssis et des moteurs est directement empreinté à la Sud, la carrosserie est totalement revisitée par Ermano Cressoni.
DECLIN ET RACHAT PAR FIAT
L’Arna (faite co-jointement avec Nissan) et la 90 ne connurent jamais le succès et demeureront à jamais dans l’oubli. Alfa Romeo semble alors sur le déclin. En 1985, sort la 75, également surnommée la dernière vraie Afa en interne, en l’honneur des 75 ans d’existence du constructeur milanais. Le retrait de la F1 fut une autre façon de le célébrer… Berline dotée d’un tempérament de feu, elle reprend en partie la face avant de la 90 et reste fidèle à la propulsion et au pont de Dion. L’année d’après, Fiat devient actionnaire majoritaire de la société en prise à de terribles difficultés économiques. Réduction de coûts et homogénéisation des marques sont les maîtres mots, de quoi craindre le pire. Il en découle en 87 la fusion d’Alfa et de Lancia dans le pôle Alfa-Lancia Industriale SpA. Plus réjouissant, l’apparition du premier moteur quatre cylindres Twin Spark, technologie qui avait déjà fait ses preuves chez Alfa Romeo. Un moteur produit à l’usine Arese, spécifiquement pour Alfa, l’honneur semble sauf. Décidément, cette année est riche en émotions puisque la 164 arrive en concession. Elle est la première née de la fusion Alfa et Lancia et partage sa plate-forme avec les Lancia Thema, Fiat Croma et Saab 9000. Adieu propulsion mais malgré tout, elle reste une voiture très appréciée de la communauté alfiste, notamment grâce à son look signé Pininfarina et à ses déclinaisons sportives (QV et Q4). La 75 servit en 1990 à la base d’un coupé et d’un spider atypiques grâce au concours de Zagato, appelés officieusement Il Monstro, et plus officiellement SZ / RZ (ES-30). Sous le capot se loge le V6 3.0 de la 75 poussé à 210 ch. Les performances ne sont pas tonitruantes mais sa très faible diffusion en font un collector de choix. Personnellement, j’adore… La succession de la 75 est assurée par la 155 en 1992 même si en réalité les deux modèles cohabiteront près deux ans. Malgré une belle carrière en compétition et une version Q4 dotée du moteur de la Lancia Delta HF, cette 155 ne marqua pas les esprits et fait partie des mal-aimées d’Alfa Romeo. La période n’est décidément pas à la fête avec la sortie des 145 et 146 en remplacement de la 33. En pleine période de doute, Alfa Romeo se cherche tandis que le public cherche quant à lui le cœur sportif qui fait à cette époque cruellement défaut.
LE RENOUVEAU
Le salut vient de deux modèles, la 156 puis la 147 qui par leur design réussi et une fiabilité enfin retrouvée, permettent de glisser Alfa sur de bons rails, toutes deux plébiscitées par la critique et le public. L’emblématique appellation GTA est même remise au goût du jour et malgré leurs imperfections, les 156 et 147 GTA gardent une cote d’amour importante. Il serait injuste d’oublier les GTV (dont la rencontre avec la Montreal aboutit à quelques instants d’anthologie) et Spider 916 avaient réussi à fait rebattre le cœur des alfistes, après un concept 164 Proteo très alléchant, malheureusement peut-être trop avant-gardiste techniquement. Les voitures plaisir sont décidément à l’honneur et Alfa n’hésite pas à compléter sa gamme de coupé avec le GT. L’heure est au remplacement de la 164, rôle qui incombera à la 166 La gamme est alors complète et les vrais moteur Alfa Romeo sont les garants de l’identité retrouvée de la marque. Pourtant les motifs d’inquiétude sont palpables mais personne ne semble vouloir les voir. La fermeture de l’usine d’Arese en est un signe fort, confirmé plus tard par l’arrêt des V6 et Twin Spark qui ne satisfont plus aux normes anti-pollution. Les moteurs JTS d’origine Holden sont alors fournis par General Motors.
PRESENT ET FUTUR
Les 159 et Brera/Spider furent les emblèmes de cette nouvelle donne et malgré une offre diesel satisfaisante, elles ne parvinrent pas à percer. Preuve qu’Alfa Romeo est décidément un constructeur à part et que le tout diesel ne garantit pas le succès à tous les coups, surtout quand on le greffe sur un Spider… Pour redorer son image sportive, Alfa présente le concept 8C qui aboutit à la 8C Competizione, sur base de châssis Maserati et doté d’un inédit V8 Ferrari dont la base est partagée avec la F430 et la Maserati 4200. Les 500 exemplaires de cette diva trouvèrent acquéreur malgré un tarif dépassant les 150 000 €. Mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt au vu du reste de la gamme. A l’autre bout de la gamme, il fallait un petit modèle plus abordable. Ce projet aboutit à la Mi.To qui reprend le nouveau code stylistique initié par la 8C. Le succès est au rendez-vous à tel point qu’elle représente près des ¾ des ventes totales de la marque ! Il lui manque un modèle à vocation sportive, c’est alors que le concept GTA est dévoilé. Tout le petit monde est en émoi devant ce prototype mais toute cette excitation retombe assez vite, une fois sa commercialisation annulée. La Mito Quadrifoglio Verde équipé de la toute nouvelle technologie multiair montre le bout de son capot, comme pour mieux se racheter auprès du public. Plus récemment encore, la Giulietta troisième du nom finit par enfin remplacer la 147. La question que nous pouvons légitiment nous poser est la suivante : que nous réserve l’avenir ? Vraisemblablement, un retour aux Etats-Unis amorcé par les 8C Competizione et Spider, le rachat de Chrysler qui aboutira à un partage de technologies. A ce sujet, les rumeurs concernant la présence du prochain V6 Pentastar sur les modèles italiens ne sont pas pour nous rassurer. Espérons uand même qu'Alfa Romeo aura tiré les leçons de l’épisode des moteurs Holden…
Nous remercions toutes les personnes qui ont participé à cet hommage : Manu, Didier, Humberto, Adrien, Julien, Frédérick, Fabrice, le couple au Coupé Bertone, Hubert mais aussi Jean-François Serre du service presse, Cédric, Thomas et Alexandre les photographes et enfin Guillaume qui ne rata pas l’occasion de s’installer à bord de la Montreal.
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