GTX, L'HISTOIRE D'UN NOM
Appellation d'origine contrôlée
Ressuscité par l'ID.4, le label GTX a fait un grand retour chez Volkswagen en 2021. Pour le constructeur Allemand, il vient s'inscrire dans la lignée des modèles GTI, GTD et GTE en transférant le même "concept" au monde de la mobilité électrique. Ce concept, c'est un subtil mélange de sportivité et de raffinement. Mais quelles sont exactement ses origines ?
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
En alimentaire, les labels et autres "appellations d'origine" permettent aux producteurs de mieux valoriser leurs produits, leurs savoir-faire, et aux consommateurs de pouvoir choisir des aliments de qualité reconnus et garantis par des organismes de certification. Utilisé également depuis longtemps dans l'automobile, le principe n'est toutefois soumis à aucun autre "contrôle qualité" que celui de medias et de clients à qui revient la charge de valider ou d'invalider la promesse engagée par le constructeur. Et même si à la fin le client a "toujours raison", on sait que le marketing n'est pas à une transgression près quand il s'agit de faire acheter... C'est donc à l'occasion de la découvert du nouveau ID.5 GTX de Volkswagen que nous nous sommes intéressés à l'origine de ce sigle...
GTX ET VOLKSWAGEN
« Les lettres GT sont depuis toujours synonymes de plaisir de conduite » a déclaré Klaus Zellmer, membre du Directoire de la marque Volkswagen en charge du Marketing et des Ventes, lors de la présentation de l'ID.5 GTX. « Le X fait dorénavant le lien avec la mobilité du futur. La durabilité et la sportivité ne sont pas incompatibles, elles se complètent, au contraire, de manière intelligente ». S'appuyer sur des gloires passées est une chose dont les services marketing raffolent en général mais cette fois, Volkswagen est resté étrangement muet à ce sujet dans le dossier de presse des ID.4 et ID.5 GTX, préférant peut-être nous laisser penser que le badge GTX était un nouveau fruit de son imagination. Mais il n'en est rien et pour s'en convaincre, nous avons décidé de remonter aux origines du nom en faisant un peu de généalogie automobile en commençant par fouiller dans le passé de la marque...
Et bien avant l'ID.4, le sigle GTX a été utilisé par Volkswagen sur le coupé "Scirocco Série 2". Le logo GTX fait exactement sa première apparition à Wolfsburg en avril 1983 sur le dénommé "Scirocco GTX Kamei". Kamei, pour ceux qui n'étaient pas nés dans les années 80, est un célèbre spécialiste Allemand des accessoires auto et un pionnier des kits carrosseries. L'entreprise signe à cette époque un partenariat avec Volkswagen qui lui permettra d'habiller avec des bas de caisse à la sauce tuning pas moins de 9472 coupés Scirocco. Commercialisée seulement 16 mois en Allemagne, la GTX Kamei ne fut pas importée en France mais elle laissera son empreinte durablement dans la gamme puisqu'une finition GTX va perdurer au catalogue, en adoptant cette fois un kit carrosserie maison. Un kit plus sobre à base d'élargisseurs d'ailes et de spoiler mais suffisamment efficace pour rendre le Scirocco visuellement plus musclé. Parallèlement, la finition GTX va être réservée aux motorisations les plus puissantes d'alors : le 1.8L à carburateur de 90 ch, 1.8 à injection de 112 ch de la Golf GTI puis le 1.8L 16V "KR" de 139 ch qu'elle aura le privilège d'inaugurer avant la Golf II ! Malheureusement, au risque de décevoir les fans de la marque, le sigle GTX n'a pas plus été inventé par une voiture du peuple que le célébrissime "GTi" (cet honneur revenant à Maserati)...
Pour rester dans un environnement proche du groupe Volkswagen, notons l'arrivée récente de la X-Bow GTX chez KTM. Remplaçante de la X-Bow produite depuis 2007 à 2020, elle reçoit le moteur 5 cylindres 2,5 litres turbocompressé des Audi TT RS et RS 3 dont la puissance est portée de 400 à 530 ch. Voilà un bel exemple de sportivité !
LES ANNEES GTX !
C'est chez Mazda que l'on trouve une autre représentante du genre sur la piste du GTX, peu après le Scirocco. En 1988, sur la 323 de 3ème génération (née Familia dans son pays d'origine), Mazda ajoute à son moteur 1.6L 16 soupapes turbocompressé une transmission intégrale sur les modèles GT et GT-X. La 323 GTX devient alors la première voiture de tourisme à quatre roues motrices proposée par Mazda. Même si ce modèle fera une carrière discrète, cette version servira surtout de base à une évolution destinée à courir en Groupe A dans le championnat du monde des rallyes à partir de 1986 : la Mazda 323 4WD. La génération suivante, lancée en 1991, renouvelle cette version GTX avec un nouveau moteur turbocompressé de 1,8 L. Son existence n'est pas non plus anodine puisqu'elle servira une nouvelle fois de base à la version d'homologation en rallye à partir de 1992 : la 323 GT-R !
Les personnes natives des générations X et précédentes le savent bien, des "GTX" en tous genres ont orné de nombreux modèles durant les années 80 et ce, même avant le Scirocco. Au passage, quel splendide coup de génie marketing que d'inciter l'acheteur à dépenser plus grâce à un simple sigle ! Et oui, placer un sigle correspondant au niveau de gamme d'un modèle indiquait clairement la version que l'on "pouvait se payer", autrement dit d'afficher ses moyens financiers. Une façon sournoise de soumettre le client à la pression sociale. Une pression consciente qui dans tous les cas - si la brochure commerciale était bien faite ! - devait l'obliger à prendre le modèle "au-dessus" (sous-entendu, de ses moyens...) pour renvoyer à lui-même, et aux autres, une image plus valorisante. Vous vouliez la GTS ? On va vous vendre la GTX ! Fin de la parenthèse philo.
Pour continuer à établir la chronologie des évènements et définir la légitimité du sigle, nous nous dirigeons cette fois en France. Et là, il ne faut pas fouiller bien loin pour découvrir un autre petit coupé de sport populaire portant des monogrammes "GTX", ou plus exactement "GTX 2 litres", sur ses custodes. La Renault Fuego plie pour de bon l'héritage côté VW. Ajoutons que ce badge qui se retrouvera sur toute la série des Renault 9/11, R19, R21, R25 et même Espace durant la décennie 80 a été précédé de quelques versions "TX" dès 1974. D'abord sur la R16 avec le moteur 1.6L, puis sur le haut de gamme R30 en 1978 avec le V6. Enfin, preuve que le sigle GTX n'a pas fait l'objet d'un dépôt de marque, on va le retrouver également sur quelques modèles d'un autre constructeur français : Les Peugeot 305 et 505 verront en effet une courte apparition du sigle GTX, respectivement en 1984 et 1986, du côté de Sochaux avant qu'il soit délaissé au profit d'un GTI plus vendeur.
Notons que dans tous les cas observés jusqu'ici on retrouve un point commun : le signe GTX accompagne des versions dont la finition supérieure s'accorde généralement à des mécaniques plus puissantes que le reste de la gamme. Un positionnement "sport luxe" semble donc caractériser de façon assez commune les lettres GTX. Bien que n'ayant pas été commercialisée, la Devon GTX a fait un retour furtif du sigle en 2009. Avec son V10 8,4 litres de Dodge Viper poussé à 650 ch, elle devait être produite à 36 exemplaires par an à partir de 2010 mais n'est jamais entrée en production. Devon Motorworks annonçait à l'époque que sa GTX avait réalisé le meilleur tour pour une voiture de production sur le circuit américain de Laguna Seca, en 1:35.0751, là où une Porsche 911 Turbo bouclait le tour en 1:39.89.
GTX, UN SIGLE SPORTIF
Comme on est du genre curieux, on s'est demandé s'il n'y aurait pas quand même encore des antécédents avant l'incendie à quatre roues de la Régie... La suite des recherches nous emmène de l'autre côté de l'Atlantique. Mais bien avant ça, en 1977, on trouve aussi aux USA l'apparition du nom GTX en compétition, pour "Grand Touring Experimental", en tant que nouvelle catégorie du championnat de GT Américain IMSA. La série connaît à cette date des changements majeurs pour s'adapter à l'arrivée des voitures turbocompressées, sous la pression notamment de Porsche qui voulait y engager ses monstrueuses 935 K3. La catégorie, IMSA/GTX, basée sur les règles du groupe 5 de la CSI (ancêtre de la FIA), est alors spécifiquement créée pour celle qui raflera tous les titres en GTX de 1978 à 1981. Notons qu'à ce stade, notre fil conducteur de la sportivité est plus épais que jamais ! Car sur les circuits américains, ça chauffait autrement plus qu'à bord d'un Scirocco ou une Fuego...
LES ORIGINES : PLYMOUTH GTX
Pour trouver une trace antérieure de l'utilisation du sigle GTX il faut rester en Amérique. En remontant jusqu'aux années 70, on tombe en effet sur la bien nommée Plymouth GTX. Ce modèle est livré avec le gros V8 "Super Commando 440" (7.2 L) gavé par 4 ou 6 carburateurs, et 4 freins à tambours dans tous les cas. Pour les vrais bad boys, une option permettait même de mettre sous le capot le mythique 426 ci (7.0 L) Hemi pour arracher le "zero to sixty" en 4"8 et descendre le réservoir d'essence en un temps lui aussi record. Son positionnement dans la gamme se veut en réalité plus comme un mélange de sportivité et d'un certain raffinement par le biais de finitions plus soignées et d'un équipement plus riche. Une main de fer dans un gant de velours. Commercialisée en trois séries jusqu'en 1974, la Plymouth GTX va aussi donner naissance à une version plus dépouillée, la Road Runner, qui va elle-même donner naissance à la légendaire Plymouth Superbird en 1970 ! Un pur morceau d'Amérique ! Là, vous vous dîtes qu'il n'y a plus aucune ambiguîté, c'est bien elle l'iniatrice ! Mais est-ce qu'on ne pourrait pas quand même regarder encore plus loin ?
Eh bien si ! Parmi les constructeurs français, c'est en réalité une Simca qui a eu le privilège d'inaugurer le sigle GTX dès 1968 ! Et cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant puisque Chrysler do Brasil, filiale du groupe américain, a produit des voitures françaises après le rachat de Simca do Brasil en 1967 ! Ainsi, la GTX a été lancée par Chrysler un an plus tard en tant que version sportive de l'Esplanade et de la Regent. Elle était équipée d'une boîte de vitesses à quatre rapports, de sièges en cuir, d'un tachymètre, d'un ventilateur sous le tableau de bord et de ceintures de sécurité. Elle atteignait plus de 165 km/h, même si son accélération était un peu inférieure à celle de l'Esplanada. La Simca-Chrysler GTX a toutefois été de courte durée car elle a cédé sa place à la Dodge Dart dès 1969.
Puisque nous sommes au pays de la DeLorean, reprenons notre voyage à travers l'espace-temps pour remonter justement à l'année mille-neuf-cent-soixante-sept. En Amérique, le genre des Muscle Cars est en pleine effervescence. A chaque coin de rue, les V8 grondent. La Ford Mustang a donné un énorme coup d'accélérateur aux désirs de la jeunesse et très vite, elle s'éprend de plus en plus de puissance et de performances. Les constructeurs qui ont senti le vent tourner commencent à mettre sur le marché des modèles de plus en plus évocateurs de compétition. C'est ainsi qu'apparaît en 1967 une version modifiée de la Plymouth Belvedere. Ce modèle sorti en 1950 reflète à lui seul la mutation du paysage automobile Américain, passant d'un statut de grosse familiale un brin luxueuse à celui de Muscle Car enragée. C'est la sixième génération du modèle qui marque la rupture en 1967 avec la Belvedere GTX, version orientée performances. Cette voiture va rapidement se faire un nom dans les courses de Drag Race nationales et marquer la fin des années 60, début de la période phare des Muscle Cars. La Belvedere GTX est remplacée en 1969 par la Plymouth GTX mais reste la véritable instigatrice du nom GTX dans l'automobile.
CONCLUSION
Nous y voilà ! Vous connaissez les vraies racines du nom "GTX" et il est d'ailleurs intéressant de noter qu'aux USA, l'ID.4 GTX se nomme "Pro S", preuve que Volkswagen a pris soin de se renseigner ! Et si vous avez la curiosité de lire notre essai de l'ID.5 GTX, vous pourrez voir que cet "esprit GTX" a réussi à se perpétuer à travers toutes ces générations de modèles sans trop corrompre ses origines et ses valeurs...