GUILLAUME
TELL
Au salon de Genève en 2007, KTM avait fait sensation
en dévoilant son projet Cross-Bow. Le spécialiste autrichien de
motos hautes en couleurs, décidait donc de s'attaquer à un projet
automobile, ou tout du moins à 4 roues, tant la Cross-Bow semble être
une extraterrestre dans la planète voiture. De la veine des Ariel Atom,
Caterham, Lotus 2-Eleven, la KTM forte de ses 240 ch et de ses 790 kilos, le tout
sans pare-brise, débarque sur nos routes pour notre plus grand plaisir.
Avec son physique d'hystérique, elle cache en réalité une
douceur d'usage qu'on ne lui supposait pas
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Ce qui était au départ
plus un concept qu'un véritable projet destiné à être
commercialisé a comme souvent, été emporté vers l'industrialisation
grâce à l'accueil et l'engouement sans limite du public et des clients
potentiels. De 2005 la naissance du projet, à mars 2007 lors de la présentation
au salon de Genève, l'équipe de KTM
n'a pas chômé et surtout n'a rien laissé au hasard. Avec Gian
Paolo Dallara prêtant ses services au projet. Son passé et expérience
sont plus qu'une sacrée carte de visite puisqu'il est ni plus ni moins
que le père des Lamborghini Miura
et Lancia Stratos (excusez du peu !) et surtout il s'est spécialisé
dans la course avec la fabrication et conception de monoplaces en tout genre.
Au départ la proposition de les assembler chez lui était réaliste,
mais suite aux pré-commandes enregistrées lors des salons et de
l'enthousiasme du public qui ne faiblit pas, Stefan Pierer, le PDG de KTM (deuxième
groupe producteur de moto européen derrière BMW)
, a décidé de passer à plus ambitieux : construction d'une
usine à Graz en Autriche, même si la coque tout carbone est fabriquée
par Wethje en Allemagne, avec un objectif de 1 000 unités par an. Avant
même la commercialisation de la "X-Bow" (qui signifie
arbalète en anglais), la KTM a été engagée en FIA
GT4 par Reiter Engineering. Une bonne publicité pour la marque et surtout
cela rappelle l'engagement déjà couronné de succès
dans moult disciplines en moto. Aujourd'hui la KTM X-Bow
se dévoile enfin et vient chasser sur les circuits des Lotus
2-Eleven, Ariel Atom et Caterham
entre autres
DESIGN
Son look de voiture étrange, de sorte de voiture roulante non identifiée
est inspiré des traits et tics stylistiques des motos de la marque. Et
pour cause, puisque c'est le designer maison, Gerald Kiska qui en est l'auteur.
Le premier élément qui frappe l'amateur de voitures est l'absence
de pare-brise. Les essais passés de Renault avec son Spider, Lotus avec la 2-Eleven et la 340R ou encore la barquette Hommell et l'Ariel Atom ont donné des
idées à KTM. Au-delà de ce qui pourrait s'apparenter
à un simple délire psychédélique de designer, surtout avec ce traitement bicolore noire
(carbone) et un orange vif qui claque, la X-Bow est avant tout dictée tant
par le style que par l'efficacité aérodynamique. D'ailleurs, point
d'ailerons disgracieux ou massifs qui afflige son arrière-train, et pourtant
les formes de la X-Bow génère 48 kilos à 90 km/h et 193 kilos
à 180 km/h. Si on devait tenter de trouver une analogie avec quelque chose
d'existant ou qui a existé, on pourrait citer la Lotus 340 R. A mi-chemin
entre les monoplaces ou les (ultra !) radicales Ariel Atom. Si le plancher demeure
sur toute la largeur de l'empreinte au sol, depuis le cockpit jusqu'au train avant,
la forme se resserre pour mieux épouser l'air rencontré. Singeant
les voitures de courses, la KTM dévoile certains de ses dessous à
l'il comme ses suspensions à basculeur sur la train avant. Au-dessus
de la tête de chaque occupant un arceau de sécurité est en
place fuyant ensuite vers le mini aileron. Bien que radicale, la X-Bow doit céder
à certains caprices (?) des homologations européennes à commencer
par ses phares qui semblent rapportés après-coup et lui confèrent
un faciès étrange, voire mystérieux, tandis que les rétroviseurs
extérieurs semblent hérité de ceux additionnels des caravanes.
A BORD DE LA KTM X-BOW
Pas prude, cette " duoplace " de route exhibe fièrement son carbone
comme matière première qui la constitue. D'ailleurs l'habitacle
ne fait pas dans la dentelle le laissant à nu partout avec des formes simples
et carrées. Le volant multi-fonctions ressemble à s'y méprendre
à celui des monoplaces de formule un, tandis qu'au-dessus du petit levier
de vitesses est fixé le petit écran LCD multi-informations dont
tachymètre et compte-tours. Mais à l'usage il est illisible à
la moindre luminosité trop forte. Petits baquets Recaro fixes et harnais
complètent cette panoplie réservée aux ascètes du
confort, et épicuriens de la route.
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MOTEUR
Le moteur est plus
qu'une vieille connaissance désormais pour les amateurs de voitures de
sport puisque KTM est allé piocher chez VAG. Monté sous le capot des Golf
GTI, Leon Cupra, Audi S3 et TT
2.0 TFSi, c'est la version améliorée du quatre cylindres
2.0 TFSI (turbo injection directe) que la KTM reçoit. Un travail approfondi
a été réalisé sur la résistance des matériaux
aux nouvelles contraintes générées notamment en matière
d'échauffement. Ainsi, bloc moteur et culasse sont renforcés, les
pièces mobiles également, et le système de refroidissement
accru. Lorsque le turbocompresseur Borg Warner K03 (chez VAG on passe à
un K04 plus gros) sonne la charge la KTM peut compter sur 240 ch de 5 500 tr/mn
soit tout de même une belle puissance au litre de 121 ch/l. Le couple n'est
pas en reste avec 310 Nm de 2 000 à 5 500 tr/mn. Une valeur très
respectable d'autant plus que dans le cas de la X-Bow, le TFSi a en moyenne 700
kilos de moins à traîner et passe tout sur les roues arrière.
Pas de risque de parasites dans la direction et un gain en motricité.
Avec
sa boîte mécanique issue de la même banque d'organe (pas de
DSG car trop lourd), la petite KTM est une véritable dynamite sur pneus
: le 0 à 100 km/h est franchi en moins de 4" et en moins de 9"
le compteur affiche à vos yeux exorbités (si le soleil n'est pas
trop fort !) déjà 160 km/h. La vitesse de pointe s'établit
à 220 km/h mais est anecdotique car le propre de ce type de véhicules
n'est pas d'aller tutoyer les hautes vitesses. Son domaine c'est surtout les accélérations
et les reprises
exploitables en prime ! Le moteur VAG est tellement plein
dès les bas régimes avec une poussée très franche
et constante, il est du coup délicat d'avoir des repères pour les
changements de rapports. Casqué, avec le vent en guise de cockpit, les
bruits moteurs sont totalement couverts par les bruits aérodynamiques.
Heureusement qu'une LED à la planche de bord permet de servir de signal
pour monter un rapport.
CHASSIS
La
petite KTM est gratifiée d'un gabarit peu courant dans la production automobile
mondiale. Avec 3,7 mètres de long soit un poil plus long qu'une Fiat 500
Abarth (!), mais près de 2 mètres de large (soit plus qu'une Mercedes
SL), et un empattement de 2,4 mètres, c'est presque un gros kart avec deux
paires de boudins généreusement dimensionnés (205/40 R17
AV et 235/40 R18 AR) à chaque coin. De bonne augure pour le comportement
routier et l'équilibre. Sa mécanique est positionnée en position
centrale arrière permettant ainsi une répartition des masses de 37/63 en statique et 35/65
en dynamique. Cette disposition assure ainsi des vitesses de passage en courbe
infligeant jusqu'à 1,5 G à ses occupants nous dit-on chez KTM. Pas
mal pour une voiture équipée de pneus... de série (!), les
excellents Michelin Pilot Sport. Si la coque est totalement en carbone, les suspensions
qui sont greffées dessus sont des triangles superposés complétés
de barre antiroulis, comme sur les voitures de course. Les amortisseurs White
Power, déjà présents dans le monde de la moto et propriété
de KTM depuis 1995, se révèlent extrêmement efficaces et présentent
en prime plusieurs lois d'amortissements selon l'usage. Mais au-delà des
données techniques pures, la KTM X-Bow se révèle comme une
auto très saine et surtout presque facile à conduire vite ! Pourtant,
elle se veut exclusive et radicale et donc, à l'instar de ce qui se pratique
chez Caterham, elle n'a aucune assistance à la conduite : pas d'ESP, ni
d'ABS, ni d'antipatinage. Même le différentiel à blocage mécanique
est en option (glups !)
Quel est donc le secret de cette KTM pour rester
facile avec un rapport poids/puissance de seulement 3,29 kg/ch ? Outre des composants
et une conception très étudiée par des maîtres en la
matière (Dallara), et une mécanique puissante mais particulièrement
progressive dans l'arrivée du couple et de la puissance, c'est surtout
la mise au point châssis qui a été particulièrement
étudiée. Loris Bicocchi, responsable de la mise au point, peut être
fier de son travail. Son curriculum vitae est, il faut l'avouer, assez étourdissant
avec à son actif quelques réalisations phares comme Pagani, Bugatti, Koenigsegg tandis qu'il a fait " ses classes " chez Michelin. Dans tous les cas
les autos sur lesquelles il a travaillé permettaient un usage (presque)
facile malgré des puissances élevées. Le freinage est largement
calibré pour se sentir totalement à l'aise avec les 790 kilos à
ralentir. Quatre disques ventilés au quatre roues se chargent de l'office
sans assistance. A chaque décélération appuyée, le
pilote peut voir les roues avant qui reprennent de la hauteur, la caisse s'écrasant
sur son train avant. La KTM X-Bow s'annonce donc comme fidèle à
son appellation : puissante et veloce, elle est aussi précise comme le
tir d'un arbalète. On
peut nous trouver sévère à L'Automobile
Sportive, surtout en critiquant le poids d'une voiture de 790 kilos comme
la KTM X-Bow. Mais notre raisonnement est à la fois simple, logique et
surtout tiré de nos sorties circuits régulières en clubs,
où nous rencontrons des propriétaires et amateurs de trajectoires
et de voitures poids-plûmes. La X-Bow n'affiche pas ce que l'on peut appeler
une polyvalence d'usage à toute épreuve, et son prix affiché
à près de 55 000 euros hors option la met ainsi au même niveau que d'autres dynamites des routes
et circuits. Pour un budget équivalent on trouve tout de même sur
le marché avec des contraintes d'usages identiques (plus ou moins homologué
sur route ouverte en France) la Lotus 2-Eleven (740 kilos), l'Ariel Atom 300 (530
kilos) et la Caterham CSR 200 (630 kilos).
Toujours dans les mêmes tarifs, avec une polyvalence d'usage nettement supérieure,
on trouve la dernière Elise SC de 903
kilos (220 ch) ou une Lotus Exige qui se retrouve en
véritable pistarde accomplie avec son compresseur et ses kits possibles
portant la puissance jusqu'à 240 ch. KTM nous referaient-ils le coup de
Renault et son Spider ? De l'idée, une gueule d'enfer, un châssis
mais un poids trop élevé ou presque. Faut-il rappeler que 790 c'est
le poids revendiqué par un roadster
smart, une Lotus Elise S1 ?
ESSAI CIRCUIT
Le commissaire de piste nous donne l'ordre d'entrer dans la danse.
Premier tour à allure de touriste (c'est ce qu'a du penser
mon "gardien" !) pour mieux prendre ses marques avec une
autos qui pousse très fort et dont l'absence de pare-brise
amplifie les sensations de vitesse. Premier freinage au bout de
la ligne droite et première impression avec une pédale
de frein à l'attaque très dure. Un freinage excellent
mais il faut vraiment taper dans les freins comme avec une voiture
de course. Le contraste est d'autant plus saisissant que les autres
commandes (direction et embrayage/boîte) sont très
douces et civilisées. L'adhérence, malgré des
pneus de route est phénoménale avec des vitesses de
passages en courbe qui semblent bien loin de nos compétences.
L'enfilade qui suit permet de mieux apprécier l'adhérence
de la KTM et surtout du punch de sa mécanique. Déjà
très à l'aise dans l'Audi
S3, le 2 litres TFSI semble ici une vraie dynamite à bas régime ! Sur le
tracé très valloné et rapide de Dijon-Prenois,
c'est une pure merveille ! Après quelques trajectoires léchées,
on arrive sur Pouasse... Pour ceux qui connaissent, c'est cette
courbe avant la ligne droite en dévers inversée qui
passe fort mais très technique pour pas aller au tas. Après
un round d'observation, la KTM démontrera qu'en respectant
la technique du pilotage, on pourra remettre les gaz en grand pour
passer en force et arriver dans la ligne droite comme une balle
! Sacré auto et sacrée expérience...
::
CONCLUSION
KTM arrive sur le marché des " quatre roues
" avec une démarche qui ne peut que nous ravir. Fraîche et forte
en gueule, la X-Bow derrière ses performances étonnantes et son
look unique cache en réalité des entrailles modernes et évoluées
où rien n'a été laissé au hasard. Les amateurs de
trajectoires au corps d'eau sans pour autant être pilote averti seront ravis,
tandis que ceux qui ne sont heureux qu'en ayant l'impression de dompter la bête
seront peut être sur leur faim. Reste qu'à ce niveau de prix, l'addition
devient vite salée comme souvent, et au moment du choix, il est permis
de se poser quelques questions et hésiter avec d'autres propositions existantes
sur le marché. Peut être moins exotiques et performantes en données
brutes
CE
QU'EN PENSENT NOS CONFRERES :
"Incroyable
! KTM a tenu promesse au-delà des espérances les plus fanatiques.
Avec un rapport poids-puissance de GT3 RS, sa Cross-Bow annonce des lendemains
qui chantent. Bien sûr on peut toujours demander plus. La boîte robotisée
DSG ? " C'est plus lourd ! " Davantage de puissance, puisque les TTS
ont 272 ch ? " Pourquoi pas disons 300 ch "..."
Le Moniteur
Automobile - 24 juillet 2008 - KTM X-Bow - Michel Heyraud.
"Chère,
parce qu'exclusive et sérieuse, la X-Bow ne triche pas. A tel point que
son comportement raffiné, peut sembler moins sauvage que son design. Elle
est en contrepartie parfaitement utilisable, véritablement à l'aise
sur route. C'est le choix qu'a fait KTM, et il se défend."
Motorpsort
- Juillet-août 2008 - KTM X-Bow - Richard Bremmer (adaption de JF Marchet).
"Qu'on
se le dise : la Cross-Bow est une pure voiture de course. Mais comme avec les
KTM d'enduro ou de supermotard, on peut se rendre sur circuit par la route. Et
là, quel bonheur !"
Sport Auto - Août 2008 - KTM X-Bow
- Yves Bey-Rozet. |