FERRARI FF (2012 - )
LES 4 FANTASTIQUES
Longtemps murmurée, la première Ferrari à quatre roues motrices a fini par poser ses roues sur l’asphalte. Visant une clientèle qui souhaite utiliser sa voiture tous les jours, le constructeur italien aurait pu faire comme tout le monde. Sortir une berline ou un SUV, loger une transmission intégrale et réduire la cylindrée de son moteur. Ferrari a pris le monde entier à contre-pieds en faisant l’exact opposé...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
Depuis que Maserati a intégré le groupe Fiat, la répartition des rôles entre les deux constructeurs autrefois ennemis permet de toucher un public large sans que les gammes ne se cannibalisent jamais. Le trident a sa Quattroporte depuis les années 60, il était donc inutile de sortir une Ferrari quatre portes. Restait le scénario catastrophe, le 4x4 vulgaire et dégoulinant. Ferrari a laissé faire le sale boulot à Maserati et a pris une troisième option : le break de chasse…
PRESENTATION
Alors que la tradition des Ferrari familiales voulait que leur appellation soit en rapport avec leur cylindrée unitaire, la FF - pour "Ferrari Four" - rompt avec le passé. Ses ancêtres s’appellent 330 GT 2+2, 365 GT 2+2, 365 GT4, 400, 412, 456 GT et 456 M ou encore 612 Scaglietti là où la Ferrari Four joue sur le double sens de ses quatre places et de ses quatre roues motrices. De manière plus ou moins officielle, il y avait déjà eu des Ferrari prenant la forme de breaks de chasse. L’exemple le plus connu est la 250 GT SWB Breadvan du comte Volpi mais il y eut aussi les 456 GT Venice du Sulan de Barein. Cette fois, c’est Luca DiMontezemelo qui mandata Pininfarina. Le résultat a des airs de BMW Z3 Coupé auxquels auraient été greffés les optiques avant de la 458 Italia. Le public a semble-t-il été conquis si l’on en croit les mille pré-commandes enregistrées au Salon de Genève de 2011. La crise, quelle crise ? Le style de la FF est radicalement nouveau dans tous les sens du terme à Maranello. La FF est moderne tout en restant étonnement élégante. A sa manière, elle tente de réaliser le parfait compromis entre des contraintes aérodynamiques très élevées et les règles de design italien si charismatique. La Ferrari FF présente une longueur imposante de 4m91 pour seulement 1m37 de haut, un porte-à-faux subtil et des formes vives mais légèrement arrondies d'où naît une musculature puissante.
Comme pour toute Ferrari, le design de la FF contribue directement à son efficacité aérodynamique. Des simulations et des tests en soufflerie ont permis d'optimiser les flux d'air interne et externe pour garantir un refroidissement optimal du moteur tout en obtenant d'excellents résultats en termes de traînée et de déportance. L'air qui pénètre dans le compartiment moteur est évacué par les extracteurs d'air latéraux. Les flux d'air sont acheminés jusqu'aux feux arrière et par-dessus le toit et le nolder pour garantir une traînée minimale. Les extracteurs d’air à côté des feux arrière contribuent à réduire la pression dans les passages de roues tout en diminuant les turbulences de sillage (effet "Base Bleed"). Les deux sorties d'air sur les pare-chocs divisent le flux d’air sur les côtés de la voiture au point exact qui permet de minimiser la taille du sillage et des dépressions. Le diffuseur arrière, qui optimise l'extraction d'air du dessous de caisse, a trois canaux et intègre deux toutes nouvelles fonctions. La première est un aileron qui augmente sa capacité d’extraction et la déportance à l’arrière du véhicule à l’aide d’une légère courbe dans le canal du milieu. La seconde innovation est la courbe inverse (concave) des canaux latéraux qui garantit que la zone de dépression reste uniforme sur toute la largeur du fond de caisse.
HABITACLE
La Ferrari FF n’est donc pas la première Ferrari capable d’accueillir quatre passagers, comme nous l'avons déjà dit. Seulement, aujourd’hui, tous les gabarits sont acceptés, à l’avant comme à l’arrière. Nous étions trois, avec des mensurations respectives allant du mètre 85 au mètre 98. La haute garde au toit est idéale pour les grands et l’assise, impeccable, devrait convenir aux – exigeants – PDG. Si vous voulez faire de votre progéniture un futur passionné de belle mécanique, installez son siège près de la sorties des échappements. Il sera bercé par la symphonie inimitable du V12 et de ses harmoniques. Aucun problème pour loger la poussette, les valises de Madame ou belle-maman dans le coffre puisque celui-ci peut contenir de 450 à 800 litres.
Souvent décriées pour leur finition, les Ferrari se sont nettement améliorées depuis la 360 Modena. Là encore, en dehors de quelques ratés, l’ensemble respire le sérieux. Six coloris sont disponibles pour habiller les cuirs Poltrona Frau et les assises peuvent être d'une couleur différentes des bords. Les habitués de la 458 Italia ne seront pas dépaysés par l’absence de comodo pour les clignotants et essuie-glaces. Ils ne seront pas non plus choqués par les compteurs mélangeant affichage classique et digital, ni les tarifs pratiqués pour les options. Malgré un prix catalogue de 261.517 €, les options restent en effet nombreuses et coûteuses sur la Ferrari FF. Les inserts de carbone vont de 5.526 à 21.265 €, la bagagerie est à 10.166 € tandis que le système hi-fi, le tuner TV et l’ensemble multimédia arrière sont quant à eux facturés à des prix plus raisonnables. Au contraire du volant carbone à LEDs, apparu sur la Scuderia, vendu 5.500 €.
MOTEUR
Le mot downsizing semble être tabou à Maranello si l’on prend les mensurations du bébé qu’ils viennent de mettre au monde.. Le 5.748 cm3 de la 612 Scaglietti laisse place à un tout nouveau V12 6.3L GDI. Tout nouveau, pas tant que çaen réalité. Le V12 F140EB ouvert à 65° provient de la FXX, lui-même dérivé du 6L des Enzo et 599 GTO. Bien sûr, le moteur a reçu bon nombre de modifications pour le rendre plus civilisé et passer les normes anti-pollution. La première d’entre elles est le passage à l’injection directe, avec à la clé une hausse du taux de compression à 12,3:1. Le reste est du grand classique avec une distribution variable en continu, sur l’échappement et l’admission, ainsi que l’ionisation des bougies. Enfin, les collecteurs d’échappement 6 en 1 sont hydroformés. Symboliquement, le V12 GDI développe 10 chevaux de moins que la 599 GTO, soient 660 tout de même ! La hausse de cylindrée par rapport à la 599 a permis de doper le couple à l’insu de son plein gré. Il atteint à présent 683 Nm dont 500 sont disponibles dès le régime de ralenti. C’est bien compte tenu de la masse à tracter, ça l’est moins pour la linéarité.
Le sport ultime reste la panacée des autres modèles mais ne criez pas trop vite au loup puisque, malgré un couple à bas régime capable de faire pâlir de jalousie n’importe quel turbo-mazout, le moulin peut ici exprimer sa joie jusqu’à 8.000 tr/min. Au démarrage, le tonnerre gronde et l’atmosphère prend des airs de fin du monde bien que le 21 décembre soit passé en l'absence des Mayas. Les 660 équidés - dont 5 obtenus par surpression dynamique - hurlent comme s’ils se savaient condamnés à l’abattoir. Dans les faits, les seuls dommages collatéraux sont vos cervicales. A la première accélération vous en êtes réduit à lâcher un petit « ça pousse », suivi d’un grand sourire. Le V12 ne souffre d’aucune inertie et propulse l’italienne à 100 km/h en 3.7s. Si le cœur vous en dit, vous pourrez même vous amuser à vérifier 335 km/h sur autoroute, allemande de préférence…
L’optionnel système HELE dispose du Stop & Start et d’autres artifices afin de réduire la consommation et les émissions de CO2. Cela semble inéluctable, la boîte à double embrayage a remplacé les autres transmissions. L’ancienne boîte F1 à simple embrayage était tellement exceptionnelle que la pilule a toujours du mal à passer, même sur une GT supposée « beaucoup » rouler. L’usure rapide de l’embrayage aurait été un sérieux problème pour les gros rouleurs et le temps des boîtes autos est révolu. Rappelons-nous que la 400 fut la première Ferrari à être vendue par défaut en automatique afin de satisfaire à la demande de sa clientèle, principalement américaine. Quoi qu’il en soit, on ne peut nier la rapidité hallucinante de la Getrag7 mais le « zéro lift » – comprendre par là qu’il n’y a pas de rupture de charge entre les rapports – aseptise sérieusement la conduite. Ceci, nous l'avons déjà dit dès la première DSG montée par Volkswagen et il ne saurait en être autrement. Le Manettino placé sur le volant offre le choix en direct à cinq modes de conduite : Ice, Wet, Comfort, Sport et ESC OFF. Jusqu’ici, rien de neuf par rapport aux California et 458.
UNE TRANSMISSION INTEGRALE BREVETEE
La botte secrète de la FF réside dans sa seconde boîte (à deux vitesses), montée à l’avant en bout du vilebrequin. Compacte et longue de 17 cm, cette boîte de transfert PTU pèse 40 kg. Totalement indépendante de la Getrag7 logée sur l’essieu arrière pour une répartition des masses idéale, elle fonctionne jusqu’aux 4 premiers des 7 rapports de la transmission principale. Elle puise directement son couple depuis le vilebrequin puis le transmet jusqu'à un demi-arbre relié aux roues avant. Il n'y a ainsi aucune connexion mécanique entre les essieux arrière et avant puisqu'ils sont reliés à deux systèmes de traction totalement indépendants. Enfin, les embrayages multi-disques gèrent également les différentes vitesses de rotation entre les essieux avant et arrière et entre chaque roue avant, ce qui permet d'assumer les fonctions des différentiels centraux et avant des systèmes à 4 roues motrices traditionnels. L'embrayage avant répartit le couple entre les roues gauche et droite en fonction du serrage des disques de chaque embrayage. L’inconvénient est que la transmission intégrale n’est pas permanente ce qui, pour une Ferrari, est en fait un avantage. Reste à voir comment vieillit toute cette technologie brevetée par Ferrari face à des solutions plus lourdes mais plus simples…
SUR LA ROUTE
Le châssis de la Ferrari FF, conçu pour répondre aux exigences de plus en plus pointues en matière de confort et d'espace dans l'habitacle et aux futures normes de sécurité (2015), constitue un autre élément totalement nouveau. Il s'agit principalement d'une construction de cadre treillis qui, comme dans toutes les dernières Ferrari, est en aluminium. Différents alliages ont été employés pour garantir une efficacité maximale des composants et un rapport poids-performances amélioré. Le châssis de la FF possède également des nœuds en acier moulé creux pour optimiser la rigidité structurelle et réduire le poids. La conception du nouveau châssis a été effectuée main dans la main avec celle de la carrosserie pour minimiser le nombre de pièces qui les composent. Difficile de se faire au gabarit de la Ferrari FF. Le capot avant est aussi interminable qu’une journée sans connexion internet et la visibilité arrière n’est guère plus aisée. Les caméras et radars de recul ne sont pas de trop pour vous aider à manœuvrer. Dans le dossier presse, la Ferrari vend sa nouvelle direction 20% plus directe que sur la 612. Elle n’en demeure pas moins surassistée par rapport aux berlinettas de la marque, tout en restant acceptable pour une GT. Le Magnetic Ride de troisième génération et de nouvelles suspensions équipent la Ferrari FF. L’italienne se caractérise par une suspension traditionnelle à double triangle à l'avant (avec des bras de suspension inférieurs en L) et une nouvelle génération de suspensions multi-link à l'arrière, accroissant de 20% par la même occasion les rigidités transversale et verticale. Le logiciel de contrôle du SCM3 ajuste l'intensité du champ magnétique chaque milliseconde. Le niveau de confort atteint est ahurissant, aussi bien à l’avant qu’à l’arrière. Enquiller les kilomètres devient une pure formalité. Même les dos d’âne ne vous feront plus peur si vous cochez l’option de surélévation temporaire de la garde au sol de la FF.
Alors, de quoi doit-on avoir peur ? Qui dit quatre places dit beaucoup de poids. On nous promet 1880 kg en ordre de marche ou 1790 à vide pour la FF. Si c’est vérifié, cela donnerait 40 kg d’économisés par rapport à la 612 Scaglietti. C’est toujours plusieurs centaines de kilos en trop pour en faire une sportive accomplie mais c’est aussi 100 de moins qu’une BMW M5 F10. Et puis, comme dit précédemment, le sport est la chasse gardée des 458 et F12… L’équilibre de la voiture est garanti par une répartition des masses allant de 47% sur l’avant à 53 sur l’arrière. Le différentiel E-Diff est intégré dans la boîte à double embrayage. Il répartit le couple sur les roues arrière et le système de contrôle de la traction gère le couple au niveau de l'essieu arrière. Le 4RM Control distribue de façon indépendante le couple maximum qui peut être transmis vers chaque roue. C’est d’autant plus vrai et efficace en mode Ice où la Ferrari FF sait se montrer docile. Mais dès le mode Sport enclenché, la propulsion reprend ses droits et les roues arrière marquent de leur empreinte le bitume. Le freinage profite des dernières optimisations faites dans les disques carbo-céramiques. Les CCM3 de Brembo sont à la fois plus petits et plus efficaces qu’auparavant, tout en s’usant nettement moins. C’était le gros reproche fait sur la F430 Scuderia, des coûts d’entretien astronomiques. Ferrari nous promet une usure négligeable en usage routier.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
FERRARI FF
MOTEURType : 12 cylindres en V à 65°, 60 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + calage variable
Cylindrée (cm3) : 6262
Alésage x course (mm) : 94 x 75.2
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 660 à 8000
Puissance spécifique (ch/L) : 105,4
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 683 à 6000
Couple spécifique (Nm/L) : 109,1
TRANSMISSION
Intégrale non permanente (intégration de commande électronique, F1 Trac, E-Diff et PTU)
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage (7)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés carbone-céramique (398) - Disques ventilés carbone-céramique (360) + ABS + ESP
Pneus Av-Ar : 245/35 ZR 20 - 295/35 ZR 20
POIDS
Données constructeur (kg) : 1880
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2,8
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 335
1000 m DA : ND
0 à 100 km/h : 3"7
0 à 200 km/h : 11"
CONSOMMATION
Moyenne constructeur (L/100 Km) : 15,4
CO2 (g/km) : 360
PRIX NEUF (03/2013) : 261.517 €
PUISSANCE FISCALE : 63 CV
CONCLUSION
:-) V12 magique Sonorité Performances Comportement routier Propulsion préservée Technologie embarquée 4 vraies places |
:-( Poids Boîte à double embrayage imposée Visibilité Tarifs et options ! |
Familiale et utilisable au quotidien, la Ferrari FF est avant tout une vraie Ferrari dont le V12 est la pièce maîtresse. Avec lui, vous pouvez résilier votre abonnement à l’opéra ; c’est l’opéra qui vient à vous. Seul regret, nous aurions aimé une transmission plus sauvage. Qu’importe, la concurrence ne fait pas mieux, d’autant qu’à ce niveau de tarifs et de motorisation, elle n’existe tout simplement pas...
Nous remercions très chaleureusement la société Peter Moss Auto Club Sport pour le prêt de cette Ferrari FF.