MOTEURS : LA REVOLUTION DOWNSIZING
TURBO, L'AMI DU COUPLE
Tous passionnés que nous sommes, nous ne pouvons aller contre l'amélioration nécessaire de nos chers moteurs à essence pour produire toujours moins de pollution et d'émissions de CO2. C'est l'un des principaux défis de notre époque et l'automobile y a sa part de responsabilité. Petit point sur les meilleures solutions du moment...
Texte : Sébastien DUPUIS - Photos : D.R.
A ceux qui ont voulu enterrer le moteur à combustion interne trop tôt, les ingénieurs ont répondu qu'il faudrait encore patienter un peu. La voiture électrique n'ayant pas encore fait ses preuves, ou alors à des prix souvent disuasifs, il a bien fallu se résigner à faire progresser ce cher vieux moteur thermique. Les progrès faits ces dernières années dans le domaine des motorisations sont exceptionnels. Certes, nous avons toujours besoin de ce coûteux pétrole pour faire avancer nos bolides, mais plus que jamais, les constructeurs ont pris conscience de leur rôle déterminant et de leur obligation de proposer le meilleur de la technologie. Alors que l'on se croyait tous condamnés à rouler en chaudière à mazout par la force des choses et des investissements privilégiés pour cette technologie, le moteur à essence a montré un sursaut d'orgueil...
Downsizing, injection directe haute pression, hybridation, tels sont les nouveaux mots du vocabulaire automobilistique qui ont relegué les antiques "injection" et "16 soupapes", jadis si valorisants, au rang d'objet préhistorique du moteur à essence. Entre temps, nous avions connu l'optimisation du remplissage des cylindres, avec le calage variable des arbres à cames, mais désormais une nouvelle ère s'ouvre pour le moteur à essence.
L'INJECTION DIRECTE
Le principe de l'injection directe ne date pas d'hier et c'est à un français que l'on doit cette géniale idée : Georges Regembeau, qui convertit au début des années 50 une Citroën Traction Avant, pour sa curiosité personnelle. La première voiture de série équipée d'une injection d'essence directe fut cependant allemande, la Mercedes 300 SL (ci-contre) jouissant déjà apr ce biais d'un avantage certain en termes de puissance et de performances. Mais le dispositif alors entièrement mécanique n'était malheureusement pas très fiable, une notion incompatible avec l'image de la marque à l'étoile qui conduisit à son abandon pur et simple.
L'injection directe fut donc oubliée jusqu'au milieu des années 80, quand Fiat remit le concept en application... sur un diesel. S'en suivit une popularisation par le groupe Volkswagen et le désormais incontournable TDI. Le principal inconvénient du moteur à essence en combustion dite "homogène" (rapport de 1, soit 1g d'essence pour 14,7g d'air partout dans la chambre de combustion) face au Diesel est son médiocre rendement énergétique à faible charge. L'idée d'utiliser l'injection directe permet donc en théorie de faire fonctionner le moteur en mélange "pauvre" (rapport <1) grâce à une combustion stratifiée (une boule de mélange entourée d'air), avec à la clé une économie de carburant d'environ 10%, mais qui produit beaucoup de NOx (Oxydes d'Azote).
Partant de ce constat, quelques expériences sur moteur à essence avaient été menée à la fin des années 90. Deux constructeurs ont exploré cette voie du mélange pauvre : Mitsubishi tout d'abord qui introduit le GDI dès 1996 sur ses modèles Galant/Legnum, puis Volkswagen avec son FSI (pour Fuel Stratified Injection) en 2000 mais aussi d'autres pour qui ce sera généralement un échec commercial cuisant, comme la Renault Megane IDE (Système Siemens avec injecteur XL1, première génération de "SDI" (solenoid direct injection), ou les modèles HPi de PSA. Pour les français, pas de remise en cause, le marché n'a simplement pas répondu à l'offre. En clair, un surcoût difficile à justifier vu la faible économie de carburant.
Une fois de plus, on croyait donc cette technologie perdue à jamais, la voie royale de l'économie de carburant étant alors toute tracée pour le moteur turbo-Diesel à injection directe. Pourtant Volkswagen persiste et signe, mais en explorant une technologie plus aboutie. Le moteur FSi de VW utilise deux modes "pauvres", un homogène et un stratifié pour les faibles charges, un un mode riche en pleine charge. Grâce à une aérodynamique interne du cylindres obtenue avec un usinage précis de la tête du piston on parvient à concentrer un mélange air/essence homogène autour de la bougie pour le faire s'enflammer avec un front de flamme tandis que le reste du volume de la chambre de combustion n'est constitué que d'air frais, ce qui diminue la richesse globale (rapport de 0,33 au minimum) en améliorant le rendement. Au-dessus d'un rapport de 0,65, on passe en mode dit "homgène pauvre", c'est à dire sans stratification.
La nouvelle architecture du système d'injection directe qui équipe par exemple le 1L6 de la Mini Cooper S permet à l'injecteur de pulvériser le carburant très près de la bougie. Pour obtenir une combustion propre, la pulvérisation du carburant est très fine, le diamètre des gouttelettes d'essence n'excédant pas 15 millièmes de mm. En outre, la buse de l'injecteur qui s'ouvre vers l'extérieur évite la carbonisation et assure la formation d'un nuage de mélange à proximité de la bougie. La pression est donc plus forte qu'avec le système précédent. L'injection ne prend que 0,2 millisecondes car l'actionneur en céramique est solide et dur. Le tout est piloté par un logiciel, qui contient un modèle du comportement moteur. Il évite les soubresauts du moteur en phase d'accélération car il ferme le papillon à moitié pendant une demi-seconde. Le mélange à l'intérieur du cylindre devient homogène. On récupère du couple et le conducteur ne subit aucune sensation désagréable. L'injection directe permet de surcroît d'augmenter le taux de compression du moteur sans générer d'auto-inflammation (cliquetis). Pour fonctionner, l'injection directe nécessite cependant un circuit haute-pression (de 50 à 100 bars contre 3 à 5 en injection indirecte) et des injecteurs très précis de type piézo-électrique, encore coûteux.
La technologie du moteur à essence à injection directe a fait son grand retour et démontré son intérêt lorsque l'Audi R8R "FSI power" a en remporté les 24 Heures du Mans en 2001. L’injection directe d’essence combinée à la suralimentation par turbocompresseur a ainsi fait la preuve de sa supériorité lors de la course d’endurance la plus ardue au monde et devant les yeux de passionnés d'automobile du monde entier. Depuis septembre 2004, c’est le moteur 2.0 TFSI apparu sur l'Audi A3 et la Golf V GTI qui a transféré ces avantages du circuit à la route. L'injection directe équipe désormais les moteurs les plus puissants et sportifs d'Audi, comme le V8 des RS4 et sera bientôt généralisé à toutes les motorisations et cylindrées. Depuis peu, plusieurs constructeurs ont emboîté le pas à VAG, notamment BMW en partenariat avec PSA sur les petites cylindrées (1.6 des Mini Cooper S), Mercedes-Benz (moteurs V6 CGI) et même Porche dont le Cayenne restylé est le premier modèle doté d'un moteur à injection directe. Ainsi doté, le Cayenne S avec son V8 de 4.8L dispose désormais de 500 Nm (contre 420 Nm) et une puissance de 385 ch (soit 45 de plus) pour une consommation en baisse de 8 à 15% selon les conditions.
Cependant, une récente étude de l’institut Transport&Environment a démontré que les moteurs à essence utilisant l'injection directe émettaient aussi beaucoup plus de particules fines que ceux à injection indirecte mais ausis que certains Diesel avec filtres à particules ! Pour contourner la solution qui passerait là encore par l'adoption d'un FAP comme sur les diesel, plusieurs constructeurs ont commencé à introduire des moteurs bi-injection (directe+indirecte) pour optimiser la combustion dans certaines conditions. C'est le cas par exemple de Volkswagen avec la Golf 7 GTI (et toutes les sportives VAG dotées du même moteur) ou encore de Toyota, avec son coupé GT86 (entre autres) qui a par ailleurs la particularité de ne pas avoir succombé au turbo (voir partie suivante). La plupart des constructeurs qui ont pu passer Euro6 (applicable depuis septembre 2014) attendent cependant de voir comment va évoluer la réglementation avec la norme Euro 7 en 2017 pour retenir la meilleure solution. Essence et Diesel devront alors se conformer aux mêmes niveaux d'émissions polluantes.
LE RETOUR DU TURBO
Avec les dernières avancées en matière de suralimentation, le moteur à essence trouve un nouveau salut en matière de pollution et de consommation face aux nouvelles normes basées sur le Co2. Le downsizing réunit en théorie (au moins face aux cycles d'homologation...) le meilleur des deux mondes puisque qu'il consiste à réduire la cylindrée d'un moteur tout en obtenant la même puissance par le biais d'un rendement optimisé par suralimentation. Les moteurs "downsizés" offrent ainsi un avantage considérable de couple dans la zone d'utilisation courante. Avec le petit 1L6 turbocompressé à injection directe de la Mini Cooper S de 2006 on obtient ainsi les valeurs de couple maxi d'un moteur atmosphérique cubant autour de 2L7 comme le flat 6 de la Porsche Boxster !
Sur le 2.0 TFSI de Volkswagen (Audi S3 8P), le couple est constant sur la plage de régimes la plus couramment utilisée en conduite "normale", soit de 2000 à 5000 tr/mn ce qui se traduit par un gain de consommation de plus de 15% et de meilleures reprises, sans renier l'agrément de conduite d'un moteur esence classique. Pour arriver à ce petit miracle, il faut une suralimentation à faible inertie, autrement dit, un turbo qui ne marche pas que dans les hauts régimes comme c'était le cas lorsque cette technique s'était démocratisée dans les années 70 et 80. Aujourd'hui, avec les turbocompresseurs type twin-scroll comme celui de Mitsubishi (cf. Renault Megane RS) ou mieux, avec la double suralimentation (cf. BMW 335i élu "International Engine of the year 2007") ou le turbocompresseur à géométrie variable (cf. Porsche 997 turbo) on parvient à effacer complètement le temps de réponse à bas régime et ainsi à obtenir une disponibilité supérieure à celle d'un moteur atmosphérique, tout en fournissant une puissance accrue à haut régime.
Le seul bémol, c'est que le rendement à très hauts régimes (généralement au-delà de 7000 tr/mn) est considérablement dégradé pour protéger la mécanique et éviter le cliquetis très mauvais pour le moteur. Enfin, il est vrai aussi qu'une courbe de couple quasiment lisse a tendance à gommer un peu les sensations mécaniques. Contrairement aux moteurs à mélange pauvre, le moteur turbocompressé à injection directe permet de se passer de piège à NOx en fonctionnant avec un catalyseur 3 voies classique. Voué à un bel avenir, ce mariage de technologie se généralise sur les voitures sportives et même sur des moteurs de grande diffusion comme le petit 1.2 TCE de Renaul (Twingo GT) ou le 1.0 Ecoboost de Ford qui affichent la consommation d’une motorisation de leur cylindrée avec la puissance et le couple d'atmosphériques bien plus gros.
LES PIONNIERS DU DOWNSIZING
Leur point commun ? Elles ont été les premières à utiliser les technologies combinées de l'injection directe et de la suralimentation pour des performances au top de leur catégorie. Chacune dans leur segment, ces sportives montrent la voie pour le moteur à essence...
Citadines sportives
MINI COOPER S
4 cylindres en ligne, 1598 cm3
175 ch à 5500 tr/mn
260 de 1700 à 4500 (overboost)
1 000 m DA: 27"5
0 à 100 km/h: 7"1
Conso mixte (L/100 Km): 6,9
> Lire notre essai de la Mini Cooper S
Compactes sportives
AUDI S3
4 cylindres en ligne, 1984 cm3
265 ch à 6000 tr/mn
350 Nm de 2500 à 5000 tr/mn
1000 m DA : 26"2
0 à 100 km/h : 5"7
Conso mixte (L/100 Km): 9,1
> Lire notre essai de l'Audi S3
Coupés grand tourisme
BMW 335i
6 cylindres en ligne, 2979 cm3
306 ch à 5800 tr/mn
400 Nm de 1300 à 5000 tr/mn
1000 m DA: 25"
0 à 100 km/h: 5"5
Conso
mixte (L/100 km) : 9,5
> Lire notre essai de la BMW 335i
CONCLUSION
Le moteur à essence vit un véritable renouveau pour assurer sa survie dans un contexte environnemental très rude. Avec le downsizing, économies de carburant et performances ne sont plus incompatibles. Un dernier sursaut d'espoir pour le moteur à explosion ? Sans doute, mais il est encore loin d'avoir dit son dernier mot avant son remplacement, presque inévitable à long terme, par l'électricité. D'ici là, il nous reste encore un peu de temps pour continuer à entendre respirer de belles mécaniques tout en essayant de prendre soin notre chère planète bleue...