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HISTORIQUE : LES V8 MASERATI

v8 maserati 4.7
© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (02/09/2014)

MOTORE EROTICO

A l’occasion du centenaire de Maserati, voici une rétrospective des V8 Maserati qui ont fait la légende de la firme de Modène, du début des années 70 aux dernières productions de la marque. Près de soixante ans d’histoire à parcourir… 

Texte : Maxime JOLY - Photos : Etienne ROVILLÉ, Alexandre BESANÇON

Régulièrement, nous publions des dossiers techniques et historiques consacrés à des moteurs ayant marqué l'Automobile. Le dernier en date était consacré aux 6 cylindres en ligne BMW. Aujourd’hui, nous allons plus au Sud, du côté de Modène en Italie, et vous allez voir que la transition entre les L6 et les V8 est toute trouvée…

AVANT LES V8

l6 maseratiAvant que le V8 ne devienne sa motorisation officielle, la - petite - gamme Maserati était constituée de 6 cylindres en ligne hérités de la course (dont la 350S). Parmi les modèles emblématiques de l’époque, les noms de 3500 GT (et GTi), Sebring et Mistral résonnent. Conçus par Alfieri, le 3.5L fut d’abord alimenté par carburateur avant le passage à la délicate injection Lucas. Ces moteurs avaient la particularité d’avoir 12 bougies. Ce n’est qu’un peu plus tard que le gain de puissance passa par l’augmentation de la cylindrée et du nombre de cylindres.

LA BANDE DES TROIS

v8 mexicoAux trois L6 de 3.5, 3.7 et 4L succéda une nouvelle famille de V8. C’est encore une fois de la compétition que Giulio Alfieri va tirer un moteur civil. La 450S remporta la course de Sebring en 1957. En parallèle et alors que la gamme « classique » est toujours motorisée par des 6 en ligne, vient le premier modèle de série à récupérer un V8 : la 5000 GT. Malgré sa diffusion confidentielle, elle connut plusieurs évolutions qu’il serait trop long et incertain de lister ici.  La « grande » série des coupés V8 arrive avec la Mexico en 1966 et l’année suivante sur la Ghibli. La distribution des V8 aluminium est assurée par deux arbres à cames entraînés par une cascade de pignons et ils sont alimentés par quatre carburateurs Weber. Quelques années auparavant, Maserati avait innové en sortant sa Quattroporte, berline quatre portes comme son nom l’indique, dopée par un V8 4.1 (bien que appelé 4.2 officiellement) super carré. Cette berline luxueuse et puissante aura traversé les décennies avec succès puisque sa sixième génération est sortie l’année dernière.  Le 4.7 est annoncé pour 290 chevaux et 310 sur Ghibli, tout en permettant aux deux italiennes de dépasser les 250 km/h. Cette gamme de moteurs se confronte alors aux V12 des Ferrari 250 conçus par Gioachino Colombo, plus nobles mais aussi beaucoup plus fragiles. Car tel est le principal avantage des V8 Maserati des années 60-70, ils sont costauds et plus simples à entretenir. Il faut dire que malgré leur légitimité héritée de la course, ils sont moins poussés que les blocs du rival de Maranello avec une puissance maximale atteinte aux alentours de 6.000 tr/min. Et je n’ose même pas parler du V12 Bizzarrini créé pour Lamborghini, certes extraordinaire mais qui est un véritable casse-tête à faire fonctionner correctement… 

v8 ghibliPour le moment, ce sont donc deux V8 qui sont disponibles au catalogue Maserati. C’est en 1969 qu’un nouveau moteur de 4.930 cm3 fait son apparition. La Ghibli SS, icône du Trident, fut la première à en bénéficier. Reculé au maximum pour une meilleure répartition des masses, le bloc, équipé de chambres de combustion hémisphériques et dont l’ordre d’allumage est 1-8-4-2-7-3-6-5, est en position centrale avant. C’est aussi le seul V8 de la gamme (hors supercars confidentielles) à avoir une lubrification par carter sec. Carter sec qui causa quelques soucis de fiabilité par ailleurs. L’alliage léger est omniprésent, à la fois sur le collecteur d’admission et sur la culasse qui dispose de soupapes en tête et de sièges de soupapes rapportés. Le vilebrequin est à équilibrage dynamique et statique, sur cinq paliers à coussinets. Le moteur est décentré d'un centimètre par rapport à la ligne médiane du châssis et supporté par quatre silentblocs (deux sur le moteur et deux sur la boîte de vitesse). 

moteur boraHabituellement positionné à l’avant, le V8 décida de faire un tour dans le coffre dans la Bora. A l’instar des supercars de Lamborghini telle que la Miura, que Ferrari finit par suivre également, Maserati s’essaya à la supercar à moteur central arrière. 289 exemplaires en 4.7 et 275 en 4.9 sortirent de l’usine. La descendante de la Ghibli sortit un an après la Bora et prit, comme de coutume, un nom de vent. Baptisée Khamsin, elle connut une carrière discrète malgré des qualités dynamiques et stylistiques hors norme. Son nom compliqué à écrire ne l’aida sans doute pas. La faillite de Maserati non plus ni la crise pétrolière qui s'en suivit. 

LE RACHAT PAR DE TOMASO

On oublie parfois que Maserati appartenait à Citroën. Les propriétaires de ces modèles ne l’oublient pas car les principales faiblesses viennent du système hydraulique d’origine… Citroën. Conscient d’avoir en Maserati un motoriste de choix pour pouvoir dynamiser sa gamme, Citroën demanda à Alfieri de concevoir en un temps record un V6. Plusieurs légendes sur ce V6 envahissent toujours le net. Pour un gain de temps, Alfieri partit d’un projet de V8 qu’il transforma en V6 (comme le V6 PRV quelques années plus tard). Officiellement, c’était un choix délibéré de Citroën que d’avoir un V6 ouvert à 90° pour abaisser le centre de gravité. Nous ne saurons jamais le fin mot de l’histoire. Quoi qu’il en soit, le cahier des charges donné à Alfieri fut incomplet si bien qu’arrivèrent les problèmes que l’on connaît : la distribution ne tenait pas sur la durée et ne résistait pas aux utilisations de frein moteur. En découla la fiabilité que l’on connaît de ce V6 qui connut une carrière également chez Maserati, dans la carrosserie de la Merak, sorte de mini-Bora. Puisque j’ai brièvement évoqué le PRV quelques lignes au-dessus, il est important de préciser que le V6 Maserati tournait correctement. Lisez notre dossier technique sur le PRV pour comprendre de quoi je parle… 

v6 merakRetournons à nos moutons italiens. Citroën, racheté par Peugeot, se voit forcé de se séparer de Maserati. Maintenue un temps sous assistance respiratoire par l’Etat Italien, Maserati dut son salut à l’homme d’affaires italo-argentin Alejandro De Tomaso. En tant que président, il poursuivit le plus longtemps possible la carrière des modèles de la firme, allant même jusqu’à sortir une version « d’appel » de la Merak, la Merak 2000 GT, motorisée par le V6 réalésé à 2 litres. La cause ? La fiscalité italienne qui surtaxait les moteurs de plus grosse cylindrée. Ferrari et Lamborghini eurent recours au même subterfuge sur les Dino 208 et Urraco mais sans grand succès non plus…  De Tomaso avait toutefois une idée derrière la tête, conscient que la crise pétrolière était un problème pour ses grosses GT assoiffées en carburant. Le temps de coucher son projet, il lança la Kyalami qui partage de nombreux éléments avec la De Tomaso Longchamps. La Quattroporte III est également produite. 

L’ENTRE-DEUX

Lorsque De Tomaso arriva, Alfieri fut prié de faire ses valises. Il trouva un point de chute non loin puisque c’est à Sant’Agata Bolognese, chez Lamborghini, qu’il atterrit. On lui doit notamment la Countach 5000S

v6 biturboLe projet de la Maserati accessible est dévoilé en 1981 (le 14 décembre, date anniversaire). Il s’agit de la Biturbo, petit coupé propulsion et puissant vendu à l’époque à 200.000 FF. Une révolution chez Maserati ! Une révolution qui fit immédiatement un carton, chose que les journalistes refaisant l’histoire de Maserati ont tendance à oublier… Elle marcha même trop bien, posant des problèmes pour la production, dont une partie due être délocalisée dans les locaux d’Autobianchi. Sans oublier que la Biturbo E (modèle export) fut retardée à plusieurs reprises pour satisfaire la demande venant de l’Italie. 

Malheureusement, pour faire face à la demande, la production des premiers modèles fut bâclée et certaines solutions techniques n’étaient pas finalisées. La fiabilité des premières Biturbo allait être compromise et la réputation rapidement entachée. Malgré des corrections rapides, le mal était fait. Si le V6 Biturbo Maserati vous intéresse, nous avons un dossier complet qui lui est consacré. De plus, Fabien Foulon a écrit un excellent livre sur la Biturbo et puisque nous approchons de Noël, voici un cadeau tout trouvé… 

LE RETOUR DU V8

v8 32sLa carrière de la Biturbo ne se limita pas aux V6. De Tomaso lui-même lança la Shamal en 1990 et tenta aussi de lancer une nouvelle supercar à moteur central arrière, la Chubasco. Malheureusement, elle ne passa jamais au stade de voiture de série. Ensuite, les Quattroporte IV et IV Evoluzione utilisèrent une version aménagée du V8 de la Shamal qui reste le seul V8 de l’histoire de Maserati à avoir un vilebrequin à plat.  L’ancien ennemi Ferrari était depuis quelques années le parrain de Maserati suite au désistement de De Tomaso et après un passage éclair de Chrysler. La dernière vraie Maserati fut la 3200-GT

LE V8 FERRARI

V8 Ferrari. Voici l’argument béton que l’on trouvait dans les descriptifs et essais du Coupé GT. Imparable pour vendre du rêve. Dans les faits, c’est assez différent de cela et mérite quelques explications. 

v8 4200La 3200 GT est interdite sur le territoire américain à cause de ses feux arrière en boomerang. De plus, le V8 hérité de la Shamal se fait vieux. En parallèle, Ferrari souhaite arrêter ses moteurs Cinquevalvole, lancés sur les F50 et F355 et toujours disponible sur la 360 Modena dont la fin de carrière approche. Di Montezemelo décide alors de rationaliser les coûts. A partir d’une famille de moteurs commune, Maserati et Ferrari auront chacun leurs V8. Les V8 seront produits à Maranello et ceux destinés à Maserati livrés à Modène. Maserati ouvre le bal avec le 4244 cm3 du Coupé GT 4200. La puissance de 390 chevaux permet de faire croire à une hausse de puissance, impérative dans le segment. Cela serait oublier la perte de couple. Perte de caractère aussi d’une certaine façon car si le moteur prend plus de tours, il les prend de façon plus linéaire. Et contrairement au vrai V8 Ferrari de la F430 (avec lequel il partage quand même une lubrification par carter sec), son ascension himalayenne perd 1.000 tours. Mais ça, le marketing ne le mentionne pas. Les Coupé et Spyder 4200, ainsi que la Quattroporte, sont façonnées différemment des Ferrari. Le moteur est en position centrale avant et la boîte de vitesse est montée dans le prolongement. La boîte robotisée Cambiocorsa remplace la boîte automatique d’origine australienne. Pour optimiser la répartition du poids elle est installée en position transaxle. Ce remplacement ne fut pas au goût de tous les clients, la faute aux à-coups des premières versions de la Cambiocorsa (la gestion étant largement revue sur la GranSport). C’est cela qui amena Maserati à ne proposer par la suite que la boîte auto ZF sur le Quattroporte. Car, il est important de le dire, la quantité de QP5 en Cambiocorsa est minoritaire et contrairement à ce qu’on veut bien dire sur les forums, la fiabilité n’était pas en cause dans cette décision (sinon, la Cambiocorsa et la boîte F1 Ferrari dont elle dérive aurait disparu totalement de la circulation…). Au sujet de la fiabilité de cette boîte, plusieurs choses sont à spécifier. Elle use plus vite son embrayage en ville et dans le cas d’un stationnement en sous-sol. Un exemplaire de QP Duoselect récemment entretenu chez Maserati à la Roche-sur-Yon affichait 400.000 km et venait pour son troisième embrayage (moteur et boîte d’origine). A méditer… Autre point, certains garages peu scrupuleux n’hésitaient pas à faire gonfler la note du remplacement de l’embrayage en ajoutant le volant moteur et d’autres pièces sans que cela ne soit nécessaire. Une pratique que l’on a retrouvé chez BMW avec la M5 e60 V10. Enfin, le calcul du pourcentage d’usure de l’embrayage n’est pas fiable, certains bons embrayages affichant un taux d’usure de 120%… 

Pour en revenir à notre famille de V8 F136, il se distingue de son homologue Ferrari de part sa cylindrée mais aussi de par son vilebrequin. La sonorité s’en retrouve par conséquent métamorphosée, plus typée américaine ou se rapprochant des V8 AMG. Ce moteur reçoit les dernières technologies Ferrari telles que la levée variable des soupapes et le calage variable en continu à l’admission et à l’échappement. 

F136Y : LE CHEF D’ŒUVRE

C’est un avis purement personnel mais il manque au 4.2 un petit quelque chose. Ce supplément d’âme est disponible sur un autre V8 Maserati. C’est pourtant sur une Alfa Romeo qu’il va d’abord voir le jour. La 8C Competizione marque une autre collaboration au sein du groupe Fiat, entre Maserati et Alfa Romeo cette fois. Une collaboration renouvelée l’an dernier avec la 4C. La 8C n’est ni plus ni moins que ce qui deviendra la GranTurismo S, à ceci près qu’elle repose sur un empattement plus court. Elle abrite sous son long et beau capot, une œuvre d’art tout aussi belle de 4.691 cm3. Difficile de ne pas voir un parallèle avec les vieux V8 Maserati lorsque l’on entend parler des cylindrées 4.2 et 4.7 ! 

v8 4.7Après avoir fait le bonheur de 500 clients d’Alfa, le V8 eut enfin droit de pousser ses premiers cris dans la GranTurismo S. C’est ensuite la Quattroporte S qui put profiter de ce petit bijou mécanique. La sonorité du V8 4.7 Maserati est telle qu’il fut élu « moteur préféré des femmes ». Selon une enquête de l’assureur britannique Hiscox, le rugissement du moteur V8 de la belle italienne provoquerait une montée d’hormones chez 100% des dames interrogées. Soit une excitation irrésistible... Sans rapport avec la hausse d'hormones, le couple profite lui aussi directement de cette plus grosse cylindrée. D’autant que sur la GranTurismo, lourde, très lourde même, il s’agit d’un facteur à ne pas sous-estimer. Plusieurs cartographies de ce moteur furent produites. La première sur la 8C donc, privilégiant la puissance au couple, à l’inverse de la GranTurismo S. Ensuite, il y eut la magistrale MC Stradale, avec un essai épique en Italie dont notre photographe ne s’est toujours pas remis ! 450 chevaux au compteur mais une hausse significative du couple. C’est cette version qui est également sur la GranCabrio Sport. Avec la MC Stradale et la Quattroporte GTS, on tient le trio des Maserati récentes faisant le plus beau son. Tout simplement ma-gni-fique ! Fin 2012 fut présentée la GranTurismo Sport qui passe à 460 ch et 520 Nm

Dernier détail technique : aucun V8 de la GranTurismo n’a de lubrification par carter sec. En outre, la révision n’est plus annuelle mais se fait tous les deux ans.

LES NOUVEAUX V6 ET V8 BI-TURBO

Malgré sa présence dans le concept Alfieri, le V8 4.7 est aujourd’hui proche de la retraite car condamné lui aussi par les normes de Co2. On ne peut que regretter qu’il n’y ait pas eu un modèle plus petit (et surtout plus léger) pour le mettre en valeur.  Pour le remplacer, Maserati est parti sur une nouvelle famille de V6 et de V8. Le V6 bi-turbo et le nouveau V8 3.799 cm3 ont été officiellement conçus par Maserati bien que ce dernier soit produit par Ferrari qui l'utilise d'ailleurs dans la California T.

CONCLUSION

Au même titre que le V12 chez Ferrari et Lamborghini, le V8 fait partie intégrante de l’histoire de Maserati et plus globalement de l’histoire de la GT d’exception. Que vous préfériez les anciennes, les youngtimers ou les récentes, il y a toujours un V8 Maserati pour vous satisfaire. A ce propos, en dehors de la Ghibli, les Maserati classics V8 ne sont pas encore pleinement entrées dans la phase de spéculation… 


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